Ciné Avril18

Trois films bonne pioche ce mois-ci, pour une chronique tardive.

 

Affiche staline

- Film américain-franco-britannique de Armando Lannucci -

- Sortie le 04/04/2018 -

Dans la nuit du 2 mars 1953, un homme se meurt, anéanti par une terrible attaque. Cet homme, dictateur, tyran, tortionnaire, c'est Joseph Staline. Et si chaque membre de sa garde rapprochée - comme Beria, Khrouchtchev ou encore Malenkov - la joue fine, le poste suprême de Secrétaire Général de l'URSS est à portée de main. (Inspiré de faits réels...)

Je suis allée voir ce film dès sa sortie, trop curieuse que je suis. Je ne l'ai pas regretté, j'ai eu l'impression de regarder un film des Monty Python... Disons que ce film porte bien son sous-titre A comedy of terrors, il faut apprécier l'humour noir et le cynisme, le burlesque grinçant.

La terreur et l'horreur de la dictature stalinienne, la paranoïa et panique ambiantes, sont poussées à l'extrême, jusqu'à l'absurde - des listes d'arrestation-purges-déportations jusqu'aux meurtres de tous témoins de la mort de Staline - traitées comme normalisées. Evidemment, cela dérange, cela choque, et pourtant c'est drôle. Les acteurs sont excellents. Ils parviennent à rendre leur personnage à la fois arriviste, pragmatique, effrayé, fourbe. Chorale de dignitaires bien peu dignes, édifiantes sont leurs tergiversations autour du corps de Staline effondré sur le tapis. L'un d'eux finit par dire qu'il faut appeler un médecin. Il lui est répondu qu'il n'y a plus de bons médecins, ils sont tous au goulag.

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Il y a finalement peu d'actions pour beaucoup de dialogues, des dialogues enlevés - aux propos et vocabulaire décalés, du mordant sur le glaçant - et des scènes digne d'anthologie : celle de l'enterrement de Staline avec le défilé des délégations devant son cercueil alors que nous entendons les échanges des membres du Soviet Suprême; la scène qui ouvre le film, un concert, il n'est pas enregistré, Staline appelle pour avoir un enregistrement, on recommence le concert alors qu'il est terminé, public pris dans la rue ( femme qui tricote, papi triturant sa casquette ou ouvrière mangeant des cornichons dans le bocal ...), chef d'orchestre réquisitionné en urgence en pyjama ( parti de chez lui après avoir fait ses grands adieux à son épouse, persuadé qu'il est arrêté ). 

Une comédie cruelle, féroce, - interdite en Russie - qui joue parfaitement l'un des rôles essentiels de la comédie, celui de dénoncer par l'excès, par l'absurde, par la caricature; des fous rires ( peut-être nerveux, peut-être jaune parmi le rouge ).

Staline2

Ce film est adapté d'une BD française ( 2 tomes ou disponible en intégrale ) de Fabien Nury & Thierry Robin ( Dargaud )

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Affiche disaster

- Film américain de James Franco -

 - Sortie le 7/03/2018 -

En 2003, Tommy Wiseau, artiste passionné mais totalement étranger au milieu du cinéma, entreprend de réaliser un film. Sans savoir vraiment comment s'y prendre, il se lance … et signe THE ROOM, le plus grand nanar de tous les temps. Comme quoi, il n'y a pas qu'une seule méthode pour devenir une légende !

Je classe cette comédie qui est aussi un biopic dans la catégorie Coup de coeur. Plus de deux heures de film que nous n'avons pas vu passer. Tout y est excellent, les acteurs, les dialogues, les scènes; un film drôle et émouvant, une histoire délirante et fascinante. C'est donc l'histoire vraie de cet homme riche ( inconnu de tous, dont la fortune ne s'explique pas ) qui investit et s'investit dans son propre film sans être un professionnel. Ce film The Room est maintenant considéré comme l'un des plus mauvais film de tous les temps, un monument incontourbale au point que cette notoriété en fait son succès. Depuis, les projections de ce film ne cessent pas alors que le lancement fut catastrophique. C'est ce tournage qui est raconté. Et le rêve hollywoodien.

Un grand moment de cinéma. On ne cesse de sourire, emporté par l'enthousiasme fou de cet homme, par le déjanté de certaines scènes, touché par sa marginalité. Avec ce film, j'ai appris le mot Bromance. Il s'agit d'une contraction des mots Brother et Romance. The disaster artist est une bromance car ce film est une belle histoire d'amitié entre Tommy Wiseau et un tout jeune aspirant acteur qui l'accompagnera jusqu'au bout. Ils travaillent encore ensemble. Pour leur film.

- Le billet de Yuko -

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Third murder

- Film japonais de Hirokazu Kore-eda -

- Sortie le 11/04/2018 -

Le grand avocat Shigemori est chargé de défendre Misumi, accusé de vol et d’assassinat. Ce dernier a déjà purgé une peine de prison pour meurtre 30 ans auparavant. Les chances pour Shigemori de gagner ce procès semblent minces, d’autant que Misumi a avoué son crime, malgré la peine de mort qui l’attend s’il est condamné. Pourtant, au fil de l’enquête et des témoignages, Shigemori commence à douter de la culpabilité de son client.

Avril fut le mois du polar, en littérature avec les Quais du Polar à Lyon, il s'est poursuivi au cinéma avec cet excellent film. Un film policier judiciaire qui dit beaucoup, avec finesse. Un film d'ambiance également, sans grande démonstration, des dialogues, des réflexions, des échanges de point de vue. Des scènes qui font mouche.

Ce dont il est question, c'est de la justice des hommes autant que des méandres du système judiciaire, du droit, du rôle de la vérité - vérité des faits, seulement des faits - et de filiation, du poids de la filiation. Ce n'est pas un thriller même s'il y a suspense puisqu'il y a enquête de l'avocat autour de la personnalité trouble de son client dont il ne parvient pas à définir les motivations, tant pour ce crime que pour sa confession. Il n'y aura pas de réponse, sur cet aspect la fin du film reste ouverte. Il n'y aura aucune réponse, aucune évidence, dans ce film sur ces grands sujets de justice.

Ce qui fait ce film, c'est la " confrontation ", cette rencontre entre l'avocat et son client; les échanges qui s'ensuivent avec des collègues proches. Et c'est ce qui rend ce film passionnant. Presque un huis-clos, des portraits. Et toute cette atmosphère qui s'échappe parfois vers une forme d'onirisme, des scènes de neige de toute beauté, esthétique autant qu'émotionellement. Je crois que c'est ce qui m'a frappée aussi, ce blanc sur ce film finalement plus noir que policier. Un film qui joue des nuances.

Le titre prend peu à peu tout son sens : c'est effectivement un troisième meutre dans l'histoire de l'inculpé ( emprisonné pour un double meurtre auparavant ) et celui-ci pose questions, pose toutes les questions du pénal à l'intime.

- Le billet de Dasola -

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La prochaine séance sera pour Don't worry, he won't get far on foot de Gus Van Sant. Sinon, pas encore l'inspiration. Des suggestions ?

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Commentaires

  • Aifelle

    1 Aifelle Le 01/05/2018

    Je n'en ai vu aucun. Je suis peu allée au cinéma ce mois-ci.
  • Ingannmic

    2 Ingannmic Le 01/05/2018

    Je n'ai vu que The disaster artist, parmi les 3, et ai beaucoup aimé aussi. Je me suis surtout rendu compte de son impact après en être sortie, il a vraiment laissé une empreinte. Un film à la fois drôle, original et touchant.
  • Marilyne

    3 Marilyne Le 02/05/2018

    @ Aifelle : trop peu de film qui te tentaient ? C'est par période pour moi aussi.

    @ Ingannmic : oui, il est original ce film, et comme toi il me reste en tête alors qu'en le regardant, il semblait léger. Et qu'elle prestation d'acteur !
  • dasola

    4 dasola Le 02/05/2018

    Bonjour Maryline, merci pour le lien sur The Third murder. Je n'avais pas compris que Misumi avait été condamné auparavaint pour deux meurtres et non un. Je me suis donc trompée. Je m'étais même demandé si le troisième meurtre n'était pas le meurtre légal: la peine de mort. Bonne journée.
  • Marilyne

    5 Marilyne Le 02/05/2018

    @ Dasola : bonjour Dasola. Il est dit à un moment, lors de l'étude du dossier, que l'inculpé a tué deux prêteurs sur gage dans sa jeunesse. Il me semble que c'est aussi ce qui donne le caractère social au film, avec l'exploitation malhonnête qui est subi en tant que repris de justice. Ce film m'a paru très dense quant aux thématiques qu'il aborde. Et comme toi, j'ai été impressionnée par les scènes de parloir, l'effet miroir.
  • Lilly

    6 Lilly Le 02/05/2018

    Je n'en ai vu aucun, mais ils ont tous l'air très intéressants, chacun dans leur genre. J'admire beaucoup ceux qui parviennent à parler des pires choses en utilisant l'humour.
  • Valérie

    7 Valérie Le 02/05/2018

    Je n'avais entendu parler que du troisième (et j'ai beaucoup de mal avec les films asiatiques).
  • Marilyne

    8 Marilyne Le 03/05/2018

    @ Lilly : c'est certain, c'est un défi, à risque, de pousser l'humour sur l'horreur. Ce film ne laisse pas indifférent, on adhère ou pas. Je vais me replonger dans la BD, curieuse de relire la façon dont le sujet y était traité.

    @ Valérie : alors, mieux vaut passer. The Disaster Artist est vraiment à voir, si tu en as l'occasion.
  • yuko

    9 yuko Le 04/05/2018

    Je suis contente que tu aies apprécié The artist, sorte d'ovni cinématographique vraiment intéressant ^^
    J'étais bien tentée par The third murder, mais j'ai été un peu refroidie par les critiques très partagée...
  • Marilyne

    10 Marilyne Le 04/05/2018

    @ Yuko : c'est le type de film que j'aimerai croiser plus souvent.
    Comment ça, les critiques partagées ne te rendent pas curieuse pour The third Murder ? ;-)
  • maggie

    11 maggie Le 05/05/2018

    Je ne compte pas aller voir la mort de Staline, je ne sais pas mais la BA ne m'attire pas. en revanche, tout à fait d'accord avec toi pour the disaster artist. J'ai beaucoup ri. J4adore les nanars (le films de Wiseau, pas celui de Franco) ! J'ai raté The third murder...
  • Marilyne

    12 Marilyne Le 07/05/2018

    @ Maggie : j'avoue que je n'y connais rien en nanar, ce fut une grande initiation ;) ( pour La mort de Staline, je viens de lire la BD, je préfère le film, la BD est rude ! )

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