- Gallimard - janvier 2024 -
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" Ceux devant qui se sont dressés, sous l'éclatant ciel bleu de juin, ces deux effrayants chefs-d'oeuvre de la guerre civile, ne les oublieront jamais" : Victor Hugo, dans un chapitre des Misérables, évoque ainsi les deux plus formidables barricades de l'insurrection parisienne de juin 1848, dont il fut un témoin et même un acteur. À la tête de l'une un "gamin tragique", ouvrier mécanicien, derrière l'autre un géant truculent, ex-officier de marine. Emmanuel Barthélemy, l'ouvrier, et Frédéric Cournet, le marin, ne sont pas des personnages de fiction, ils ont réellement existé. Ils ont beau se battre du même côté en ces jours de sang, ils vont devenir des ennemis mortels. Hugo résume leur destinée furieusement romanesque en quelques lignes qui m'ont donné envie de reconstituer du début jusqu'à la fin, de Paris à Londres, l'histoire croisée de ces deux figures oubliées des révolutions du dix-neuvième siècle. On y voit des barricades, le bagne, des évasions, un coup d'État, un duel à mort, plusieurs meurtres, le gibet, et des comparses comme Karl Marx et Napoléon III. Et Hugo lui-même, excusez du peu. C'est ce livre. O.R.
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Une belle lecture telle que je les affectionne, prenante, érudite, littéraire, stimulant le désir de découvrir, d'aller plus loin et de lire encore.
Comme l'explique Olivier Rolin dans sa présentation, dans la cinquième et dernière partie des Misérables de Hugo, au premier chapitre du Livre Premier, Hugo raconte l'une des insurrections parisiennes de ce XIXème siècle complexe politiquement marqué par les luttes sociales et les barricades de rue. Sur quelques pages, Hugo s'intéresse à deux personnages, chacun sur leur barricade. Ce chapitre s'intitule " La Charybde du faubourg Saint-Antoine et la Scylla du faubourg du Temple ", chapitre dans lequel Hugo déploie tout son talent de la description dans des scènes épiques. Voici pour le motif de ce livre d'Olivier Rolin, sous-titré " Sur une page des Misérables ".
Ces deux personnages sont des personnes, réelles. Il s'agit d'Emmanuel Berthélémy, un ouvrier, un homme voué à sa cause, et Frédéric Cournet, ex officier de marine. Olivier Rolin s'en saisit, raconte leur destin, leur parcours dans ce contexte de révolutions du XIXème siècle. Trop modestement, Olivier Rolin conclut son livre en affirmant qu'il ne s'agit que " d'une note en bas de page " à ajouter à la lecture des Misérables.
Son récit est passionnant : historique et politique, la littérature en témoignage. Ce qu'écrit Olivier Rolin, c'est une reconstitution, et une restitution. Pratiquant l'art de la digression qui n'en est pas, s'appuyant sur des documents d'époques ( articles, rapports, correspondances ) à la façon d'une enquête, sur le rôle de Victor Hugo dans ce siècle ainsi que sur ses sources d'inspirations, y mêlant des commentaires personnels comme en précision, en piste de réflexions, il nous offre une véritable chronique. Il donne vie, aux hommes, au siècle, aux idées, aux luttes, aux lieux.
Le récit présente deux parties, la première Paris, la seconde Londres, suivant les chemins d'exil. Ce que nous raconte Olivier Rolin, c'est aussi une histoire de ces deux capitales au XIXème siècle, deux grandes villes européennes au temps de l'industrialisation et des colonisations. Ces pages sont des voyages, des déambulations dans les rues, les quartiers, l'auteur nous guidant sur tous les aspects, des imbrications aux implications, toujours un livre à la main : de Balzac à Dickens, de Karl Marx à Oscar Wilde.
Extraits :
" Mais Paris, au milieu du dix-neuvième siècle, c'est surtout la capitale des insurrections et des barricades. Les barricades sont vraiment une spécialité parisienne. Dans aucune autre capitale d'Europe on ne dépave la rue pour attendre stoïquement, derrière ce rempart de fortune, les fusils du gouvernement. " Les 4054 barricades des Trois Glorieuses comptaient 8 125 000 pavés ", selon un texte cité par Walter Benjamin. "
" Des centaines de bateaux de toute taille se croisent sur le fleuve, forment le long des berges, accostés par essaims énormes, des rues d'eau sombre où grouillent barques et allèges sous des futaies de mâts et de vergues. " La Tamise, a écrit joliment Custine, ressemble à une forêt inondée." Sur chaque rive, des chantiers navals, des entrepôts, des docks hérissés de grues où le travail ne s'arrête jamais, Surrey, Howland, Saint Katharine, West India, East India Docks, chargeant et déchargeant toutes les richesses de la terre. Cette ville dont approchent les exilés inquiets, ce n'est pas quelque chose comme Paris en plus grand, c'est une ville-monstre, la capitale du monde d'alors. [...] Et pour accroitre encore l'angoisse des nouveaux arrivants, à mesure qu'ils approchent du London Bridge, le paysage se peint en noir. Le bateau s'enfonce sous un dôme de fumée crachée par des milliers de cheminées qui hérissent l'horizon comme les obélisques d'une ville infernale. "
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- Un excellent article sur le site En attendant Nadeau ICI -
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J'ai terminé ce livre fin janvier, enthousiaste et débordante d'envie de (re)lire quelques titres cités, d'autres encore, de tenir ces promesses de lecture d'oeuvres qui m'accompagnent patiemment depuis tant d'années. Depuis, je suis enfin plongée dans la lecture des Misérables, roman, je l'avoue, que je n'ai jamais lu dans son intégralité, trop d'extraits, de scènes éparses déjà approchées.
Alors que je terminais cette formidable lecture, une librairie lyonnaise que j'apprécie particulièrement - L'oeil cacodylate - consacrait un espace de sa vitrine à ce livre :
Un coin de vitrine articulé autour de la constellation de références évoquées dans le magnifique roman d'Olivier Rolin, "Jusqu'à ce que mort s'ensuive" :
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Pour moi, Victor Hugo n'était pas l'auteur des célébrissimes romans, bien que j'ai lu Claude Gueux et Le dernier jour d'un condamné. Il avait toujours été dans mon petit monde littéraire l'auteur des textes politiques engagés contre la peine de mort, dont la lecture m'a amenée vers les deux romans que je viens de citer, l'auteur des discours pour l'école laïque, la liberté de la presse, l'interdiction du travail des enfants. Pour moi, il était le député de la IIIème République, cette figure républicaine en exil à Guernesey, le père de Léopoldine et d'Adèle, un dessinateur talentueux; il était l'homme du siècle et le poète, l'immense poète.
- photographie personnelle - Rochefort -
En écrivant ces lignes, je songe à ma lecture du récit de Judith Perrignon " Victor Hugo vient de mourir " ( L'iconoclaste 2015 ), à ma visite au Panthéon lors de l'exposition sur ses obsèques.
Pour conclure, ce portrait, pour la finesse du pinceau sur chaque détail :
- Léopoldine Hugo - Auguste de Chatillon - 1836 -
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Pour la catégorie Contemporain : Banksy ( 2016 ), inspiré par la gravure de l'illustrateur Emile-Antoine Bayard datant de 1862.
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Commentaires
1 Ingannmic Le 17/02/2024
2 Sandrine Le 17/02/2024
marilire Le 18/02/2024
3 nathalie Le 18/02/2024
En revanche, je n'ai jamais lu Olivier Rolin, notamment parce que j'ai du mal à me faire une idée de sa biblio, j'ai du mal à me repérer. Je pourrais commencer par ce titre, ce que tu en dis me fait assez envie.
P. S. Bon retour sur les blogs. Heureuse de te revoir.
marilire Le 18/02/2024
4 je lis je blogue Le 18/02/2024
marilire Le 18/02/2024
5 Marie Gillet Bonheur du Jour Le 18/02/2024
Bonne fin de dimanche.
marilire Le 18/02/2024
6 Kathel Le 18/02/2024
Ce roman a tout pour me plaire... quand on me parle des Misérables, je suis conquise d'avance, et je fais confiance à Olivier Rolin pour avoir fait un récit formidable autour de ces deux personnages.
marilire Le 18/02/2024
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