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Avec ce titre se clôt la Trilogie de Pan. Chaque titre ( Colline - Un de Baumugnes ) peut être lu indépendamment.
Ce qui les relie, c’est ce lien justement à la terre dans les hameaux de Haute-Provence, et cette vie à l’essentiel, loin des codes de la société, tournée vers le possible, pas à pas, sans renier le passé, mais un passé du cœur, de mémoire, pas celui des histoires indiscrètes et des jugements.
Je le remarque dans mes deux dernières lectures - Un de Baumugnes puis Regain - avec les personnages féminins. Chacune a une « histoire », une errance, dont ne se préoccupent pas les hommes qui les choisissent, qui proposent de les rejoindre. Ces mariages là se passent de contrat, de témoins. Pas de surface, ni de paraître, de la profondeur.
C’est cet écho du plus profond que relate Regain, en deux parties.
La première m’a éprouvée. Le contexte et la narration sont rudes, âpres, crûs : le hameau de Aubignane se meurt. Les villageois l’ont quitté, vieillis, il n’y a plus de famille, plus d’activités. L’église est vide, comme la forge. Il ne reste plus que Panturle, un homme encore jeune, et une vieille femme d’origine italienne sur ces terres qui paraissent ingrates, désolées. Désolées elles le sont, d’être abandonnées.
« [ Le plateau ] C’est au ras des yeux comme une grande mer toute sombre avec une houle de genévriers. Des genévriers, des genévriers. De larges corbeaux muets jaillissent de l’herbe et le vent les emporte. »
Ces deux-là ne veulent pas partir, attachés à cette terre par « le souvenir et la peine », leurs morts ensevelis là. C’est une histoire de racines; de racines qui attendent leur printemps, la pulsion de vie. Le texte est fort, violent, pour décrire ce flux de vie qui s’impose, une véritable tension sexuelle; du sauvage, du « grand mâle », pour l’homme qui cherche la femme; cette femme de hasard, exploitée, qui apparaît sur le plateau. Ce seront deux corps perdus dans un désert d’existence, affamés, deux âmes en solitude, qui vont se trouver.
La seconde partie nous décrit les mouvements d'une renaissance et reconnaissance de cet homme qui, de chasseur devient fermier, et de cette femme, une vie de couple qui donne du sens, de la volonté et de l’avenir.
« Ils sont sur le bord de ce plateau où elle a eu à la fois tant de peur et tant de chaleur d’amour. Elle y pense. Elle pense que c’est le vent qui a été son marieur. Sa vie n’a commencé que de là. Tout l’avant ne compte plus guère. Elle y pense de temps en temps comme on pense à du mal dont on s’est guéri. Et quand elle y pense, elle a tout aussitôt besoin de regarder Panturle. Elle vit avec tranquillité enfin, et de la joie de toute espèce, on peut bien dire.
C’est le plateau où, toute la nuit, la pluie a foulé l’herbe.»
Et toujours, ces mots qui donnent vie, qui justifie ce titre de Trilogie de Pan.
- « A la Font-de-la Reine-Porque, le bassin de la fontaine est déjà gelé. C’est une fontaine perdue et malheureuse. Elle n’est pas protégée. On l’a laissée comme ça, en pleins champs découverts; elle est faite d’un tuyau de canne, d’un corps de peuplier creux. Elle est là toute seule. L’été, le soleil qui boit comme un âne, sèche son bassin en trois coups de museau; le vent se lave les pieds sous le canon et gaspille toute l’eau dans la poussière.»
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- Lecture de Jean Giono organisée par Ingannmic -
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Commentaires
1 Aifelle Le 04/10/2023
marilire Le 04/10/2023
2 nathalie Le 04/10/2023
La dernière phrase que tu cites, avec le soleil et l'âne, est magnifique.
marilire Le 04/10/2023
3 Dominique Le 04/10/2023
marilire Le 04/10/2023
4 Kathel Le 04/10/2023
5 Ingannmic Le 04/10/2023
Bravo pour cette double participation !
6 je lis je blogue Le 06/10/2023
marilire Le 06/10/2023
7 tadloiducine Le 13/11/2023
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola