Un de Baumugnes - Giono

Baumugnes giono

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Avec ce titre, je poursuis la lecture de la Trilogie de Pan qui débute avec Colline ( chronique ICI ), dans lequel l’auteur nous emmène au hameau de Baumugnes, en Haute-Provence.

Ce roman est une belle histoire d’amour(s), une histoire triste par son réalisme et pourtant une voix d’espérance. Il y a cette joie de la vie, de vivre, ce respect de la vie, et la langue sensible et sensuelle de J.Giono qui célèbre cette vie, ses saisons, malgré et jusque ses souffrances et ses colères.

« Il faisait une belle nuit, étendue toute nue sur les beaux ormes. Le boulevard était vide; un vent léger y jouait avec de la poussière, comme un gosse. »

Cette histoire nous est raconté en JE, par un narrateur vieillissant, ouvrier agricole nomade - « Nous autres, il n’y a rien de plus bohémien que nous »-. Le ton est à l’oralité, parfois brut et direct, sachant respecter les silences, la pudeur des émotions qui affleurent à chaque page.

Amédée, de son prénom, s’attache à un jeune homme, Albin, un fort jeune homme, taiseux, écrasé par une douleur renfermée. Il l’incite à raconter, il l’écoute :

« Il pousse son verre et il souffle un soupir long de ça, que dans sa poitrine grosse comme deux miennes ça a fait un ronflement de vent collinier.

- Alors, ça va pas ? que je dis pour l’aider.

Faut faire un peu l’accoucheur, des fois. Ça leur fait tant de bien de se soulager. Moi qui suis une vieille noix j’ai passé par là vingt fois avant eux. En dedans, je me disais :

- Allez, mon gars, vas-y, tu peux pas digérer, rends-le

Le chagrin d’amour s’expose : une jeune fille rencontrée trois ans avant, séduite par un Marseillais pour l’emmener exercer sur les trottoirs de sa ville.

Albin est originaire de Baumugnes, il veut y retourner définitivement, s’enfermer dans sa solitude. Amédée refuse ce gâchis, se propose pour en savoir plus sur la situation. Il se fait embaucher à la ferme familiale de la jeune fille.

Cette période dans cette ferme, c’est le corps du roman, des pages superbes pour dire la souffrance de cette famille qui la détruit, ce terrible pesant et cette empathie d'Amédé qui ne condamne pas.

« Depuis la soupe de la veille, cette rage de douleur, ça m’avait donné ma maladie ordinaire : mon mal d’aider.»

Cette histoire d’amour, en tendresse contenue, malmenée, est également cette histoire d’amitié entre ces deux personnages que tout semble opposer, le journalier sans attaches « de partout - porté sur le goût des promenades » et le jeune homme attaché à ses racines qui souhaite à son tour s’enraciner, réunis par ce bonheur simple de la vie donnée, celui qu’ils reçoivent par le corps et de toute leur âme, dont ils se réjouissent chacun à leur façon. C’est aussi un hommage à la musique, celle qu’Albin joue avec l’harmonica de ses ancêtres partis s’installer à Baumugnes, une musique qui sait dire sans mot et touche au cœur.

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- En illustration de couverture de cette édition un détail de la toile d’André Derain La Route ( 1932 ) - Présentation de cette toile sur le site du musée de l'Orangerie où elle est conservée ICI -

Derain route

 

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- Rendez-vous Giono organisé par Ingannmic -

- Lectures de Jean Giono sur ce blog :  le recueil Solitude de la pitié / Un roi sans divertissement ICI - Le grand troupeau/ Refus d’obéir ICI -

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Commentaires

  • Kathel

    1 Kathel Le 02/10/2023

    Je découvre à chaque blog aujourd'hui un Giono que je n'ai pas lu ! Il va me falloir encore du temps pour lire ceux qui me "manquent".
    marilire

    marilire Le 02/10/2023

    C'est vrai qu'il y a du choix ! Pour un prochain rendez-vous ? :)
  • Ingannmic

    2 Ingannmic Le 02/10/2023

    Je ne connaissais même pas ce titre de nom ... bon, j'ai presque le sentiment d'avoir triché en lisant de mon côté un titre complètement à part de son œuvre, qui est une compilation de textes écrits en vue de "se distraire", et qui m'a bien divertie !
    Mais il me reste à me plonger dans ses textes plus 'classiques"...
    marilire

    marilire Le 02/10/2023

    Je m'en vais lire ton billet, juste aperçu par manque de temps ( et une connexion toujours aléatoire. Depuis début septembre, je n'ai été que 5 jours chez moi :p ). Les titres qui m'ont le plus marquée restent Le grand troupeau et Un roi sans divertissement.
  • nathalie

    3 nathalie Le 02/10/2023

    Je l'avais trouvé très âpre. Beau, mais si sec, si dur. Et grande place à la musique. Je me rends compte que je n'ai toujours pas lu le troisième volume de la trilogie, j'ai un peu slalomé !
    marilire

    marilire Le 02/10/2023

    Le troisième ( Regain que je présente mercredi prochain ) est encore plus âpre !
  • Dominique

    4 Dominique Le 02/10/2023

    un de mes préférés je l'ai plusieurs fois lu et écouté avec bonheur
    le film en contrepartie est décevant au possible
    marilire

    marilire Le 02/10/2023

    Je ne savais même pas qu'il y avait un film... En revanche, j'aimerai beaucoup l'écouter également.
  • je lis je blogue

    5 je lis je blogue Le 02/10/2023

    Tu penses qu'il est préférable de lire "Colline" avant "Un de Baumugnes" ou c'est sans importance ?
    marilire

    marilire Le 02/10/2023

    C'est sans importance, ce ne sont pas les personnages qui les relient.
  • Bonheur du Jour

    6 Bonheur du Jour Le 03/10/2023

    Vous me donnez envie de le relire. Merci.
    marilire

    marilire Le 03/10/2023

    J'en suis heureuse. Je n'en suis pas à relire, il me reste tant à lire de Giono.
  • A_girl_from_earth

    7 A_girl_from_earth Le 12/10/2023

    Toujours pas lu Giono, je ne l'ai jamais trop senti pour moi, mais votre LC m'a fait découvrir un ou deux titres que je pourrais tenter.

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