
- Roman disponible aux éditions Grasset ( 1986 ) -
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Je poursuis ma lecture de l'oeuvre de François Mauriac avec ce roman paru en 1928, après Thérèse Desqueyroux, avant Le noeud de vipères et Le baiser du lépreux.
Le récit se déroule dans un domaine viticole en Gironde, presque un huis-clos, sur un temps resseré, quelques jours. Il y a du théâtral dans ce roman, de la tragédie, peu de lieux, des scènes racontées sans que les personnages et le lecteur y assistent.
La plume fine et sobre nous relate un moment terrible de vie de femme, par sa violence psychologique. Elisabeth Gornac, la cinquantaine, est veuve depuis de longues années, mère d'un fils dans lequel elle ne se reconnait pas, portant la charge du domaine avec son beau-père, un vieillard auquel elle est indispensable, qu'il considère comme son héritière, lui-même ayant été déçu par son fils. Elisabeth est une femme pragmatique, traditionnelle, de forte corpulence, discrète, ni particulièrement féminine ni frivole, toujours occupée, dont la piété ne convient pas à son fils, exalté, dévot, orateur théoricien. La famille voisine, les Lagave, est proche de ces propriétaires malgré leur modestie. C'est le grand-père Gornac qui a permi les études du fils Lagave. L'histoire se répète, le petit-fils, Bob Lagave, la vingtaine, de l'âge du fils d'Elizabeth, déçoit. Il est parisien, mondain, débauché, charmant.
Dans la touffeur de l'été, Elisabeth prend soin de Bob en convalescence. A son corps défendant, elle s'attache à lui, à sa jeunesse, ne s'avouant pas les frémissements qu'il suscite dans son coeur vieillisant; ce coeur qui devra avouer n'avoir jamais connu l'amour. Ce roman, c'est celui d'une femme confrontée à l'impatience du désir, de la passion - par procuration, observant le jeune couple que forment Bob et la jeune fille avec laquel il souhaite se fiancer, dont elle devient complice -. C'est par ce couple, en miroir, qu'elle s'arrête pour regarder sa propre vie, s'interroge et ne voit qu'un désert, une vacuité, prenant conscience de la fugacité de l'existence, de ses buts. Elle découvre sa solitude, que le drame, attendu, expose. Pour autant, l'épilogue nous prouve que les bouleversements ne demeurent qu'intérieurs. Où le titre et son pluriel prend tout son sens.
- " Il fallait qu'aux bords dépeuplés de cette Garonne, la vigne continuât de donner son fruit."
Ce magnifique roman - roman de terre, roman de moeurs - , dense, bref, poignant, est servi par l'attention que porte l'auteur aux interactions entre les personnages, à la relation des personnages à leur environnement. Les descriptions des paysages, du soleil ardent comme de la violence de l'orage, les lumières crues ou déclinantes accompagnent les atmosphères, les troubles de l'âme, le malaise, la tension prégante, croissante. Les souffrances déchirent sans cri que pourtant nous entendons.
- " Une seule fois, comme Pierre montait à son tour et, devant la porte de sa mère, étouffait ses pas, la croyant endormie, il lui sembla entendre des soupirs, des sanglots. Il s'arrêta, tendit l'oreille. La nuit était pluvieuse et tourmentée par le vent; l'eau ruisselait sur les vitres du corridor, sur les tuiles, faiait du bruit dans les gouttières. Comment distinguer une plainte humaine et la détacher de ce gémissement universel ? "
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- Lecture de François Mauriac prix Nobel de littérature en 1952 avec les Classiques, c'est fantastique -
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Commentaires
1 Picard Camille Le 30/10/2023
marilire Le 30/10/2023
2 Ingannmic Le 30/10/2023
Du coup, j'ai relu ma vieille note sur Destins, et constate avoir comme toi souligné l'importance des interactions entre les personnages. On est ici dans une démarche un peu différente de celle qu'il peut avoir dans d'autres romans où l'analyse psychologique individuelle est omniprésente.
C'est en tous cas un auteur vers lequel je ne me lasse toujours pas de revenir...
marilire Le 30/10/2023
3 nathalie Le 30/10/2023
marilire Le 30/10/2023
4 A_girl_from_earth Le 30/10/2023
marilire Le 31/10/2023
5 Dominique Le 31/10/2023
6 Anne Le 31/10/2023
7 Antigone Le 01/11/2023
marilire Le 01/11/2023
8 Passage à l'Est! Le 02/11/2023
marilire Le 03/11/2023
9 Virginie Vertigo Le 05/11/2023
Je ne connaissais pas ce titre (je connais très peu François Mauriac de façon générale). Merci.
marilire Le 05/11/2023
10 L'ourse bibliophile Le 06/11/2023
marilire Le 06/11/2023
11 Fanny Le 06/11/2023
marilire Le 06/11/2023
12 Sacha Le 07/11/2023
marilire Le 07/11/2023
13 tadloiducine Le 13/11/2023
J'avais lu Destins (entre autres) à l'occasion d'une "lecture commune" en début d'année... Je me rappelle avoir trouvé que Pierre était bien une "tête à claque", et d'avoir souri à la découverte par la parfaite "maîtresse de maison" que, qu'elle s'active ou non, l maison marchait fort bien...
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola