Reinhard Kaiser-Mühlecker

- source photographie : éditions Verdier -

Dans le cadre du rendez-vous annuel du mois de novembre Les Feuilles allemandes des blogs Si on bouquinait un peu ? et Livr'escapades, une lecture commune était proposée pour le roman Lilas rouge de Reinhard Kaiser-Mühlecker.

Je vous invite à lire les chroniques des participants : Fabienne - Patrice - Keisha, ainsi que celle de Dominique.

Bien que j'ai lu et apprécié ce roman, par sa prose classique, élégante, dense, sobre, qui sait s'attarder autant sur ses personnages que sur les descriptions, toutes en sensations, pour l'ampleur du récit et du propos, je me propose d'accompagner cette lecture commune non par une chronique mais par une rencontre avec l'auteur.

Reinhard Kaiser-Mühlecker est un auteur autrichien, la nouvelle génération d'auteurs autrichien ( il est né en 1982 ). Il était présent à Lyon dans le cadre d'une rencontre organisé par l'Institut Goethe, en compagnie de Wolfgang Hermann.

Reinhard Kaiser-Mühlecker ne débute pas. Lilas rouge est son quatrième roman, paru en 2012. Les lecteurs français le découvrent en 2021, première traduction française d'un de ses romans aux éditions Verdier. Lilas rouge est le premier opus d'un dyptique : Lilas noir, le second, est paru en 2014 en Autriche et Allemagne, il est traduit en français en mars 2023. D'origine rurale, agronome de formation ( il gère la ferme familiale ), il est l'auteur de sept romans.

Dans Lilas rouge, roman comme un torrent, de presque 700 pages - je n'ai pas envie d'écrire roman fleuve ce ne serait pas l'esprit du récit - le lecteur est entraîné dans un roman familial et historique autour du secret d'un père ( participation active au nazisme ) qui aura des conséquence sur sa descendance. Ce que raconte Lilas rouge, c'est une longue chaine de culpabilité latente, sur ces thèmes de l'intergénérationnel, de la malédiction aussi. Et, finalement, il est aussi question de l'enracinement, de l' " Heimat ", le foyer. Il y a une écriture des paysages de l'auteur, de la ville natale ( et là, je pense à Robert Seethaler ).

L'auteur le confirme : j'ai inscrit mon roman dans ma région d'origine sans que la question se pose. Dans d'autres livres, je suis allé voir ailleurs mais je ne m'y suis pas retrouvé. Même si ce n'était pas mon propos, c'est après que j'y ai réfléchi. Je suis revenue à ma région natale.

Il ajoute quant aux thématiques : je ne souhaitais pas écrire un roman historique mais un roman sur les traces, sur ce qui reste. Qu'est-ce qu'il reste de l'Histoire, de l'histoire familiale, dans l'histoire familiale ?

C'est pourquoi dans ce roman, nous retrouvons l'histoire de l'Autriche, un panorama de cette histoire d'une Autriche rurale face aux souvenirs du nazisme, abordant des questionnements contemporains. L'auteur sait rendre les silences, la difficulté à dire qui pèse ( qui se traduit clairement par le mutisme d'un des personnages ).

Il explique : j'écris sans compassion mais plein de pitié. Je prends de la distance, j'essaie d'avoir une position d'écrivain, sans juger. Je ne veux pas être juge, un auteur ne l'est pas. Ce choix est une expérience d'écriture, une écriture lente et une écriture large.

Je suis un écrivain lent. Je ne sais pas saisir l'instant. Je prends des notes sur un carnet, sans trop savoir. C'est toujours un peu long. Ces notes, j'en fais quelque chose plus tard.

Dans ce roman sombre, que l'on ne peut pas qualifier de saga familiale bien qu'il s'étende sur plusieurs générations mais presque plutôt de parabole par ces cycles de répétitions - la malédiction - et de détachement de la temporalité, on lit sur les pages des scènes marquantes, des scènes d'une incroyable beauté visuelle et émotionnelle, des phrases qui font mouche ( je ne peux que saluer l'évidente qualité de la traduction par Olivier Le Lay ). Lilas rouge est une quête, de mémoire et de vérité.

L'intensité sourde et douloureuse de ce roman m'a rappelé celui de Arno Geiger Le grand royaume des ombres.

Commentaires

1 Ingannmic Le 25/11/2023

Vos cinq billets sont parfaitement complémentaires, et unanimes ! Cela fait envie, évidemment...
2 keisha Le 25/11/2023

Très beau roman, en effet, qui mérite de l'attention, mais on est récompensé!
Merci pour cet avis centré sur l'auteur!
3 je lis je blogue Le 25/11/2023

La longueur et la densité du roman m'ont fait un peu peur. L'unanimité des avis me font presque regretter de ne pas avoir participé à cette lecture commune.
4 Dominique Le 26/11/2023

J'ai beaucoup aimé ce premier roman et j'ai bien l'intention de lire Les lilas noirs qui suivent
je n'ai pas lu Geiger et tu me donnes envie
5 Thaïs Le 26/11/2023

J'aime bien les sagas familiales même si l'auteur précise que ce n'est pas cela et j'adore l'odeur du lilas. Mais il n'est pas question de lilas. Enfin ce que tu en dis, me donne envie de le lire.
6 Sacha Le 26/11/2023

Bonjour, la traduction semble en effet très réussie et j'ai bien envie de découvrir cet auteur après ces billets enthousiastes et enthousiasmants!
7 Livr'escapades Le 27/11/2023

Merci pour cette LC! Une bien belle lecture en effet. On peut remettre ça avec "Lilas noir" l'année prochaine si tu veux :-)

marilire Le 28/11/2023

Pourquoi pas :). Il m'est difficile de me projeter aussi loin.
8 Patrice Le 27/11/2023

Une excellente idée de lecture commune :-). J'aime beaucoup la façon dont tu as d'aborder ce livre via son auteur. Quand je lis "je suis un écrivain lent", je pense tout de suite à la première partie du livre, qui a un rythme qui lui est propre et qui donne une entrée en matière profonde au livre. Es-tu partante pour une lecture commune de Lilas noir en 2024 ?

marilire Le 28/11/2023

Merci. Je ne peux pas répondre pour Lilas noir. Les prochains mois, je serai très peu présente sur le blog.
9 Cléanthe Le 28/11/2023

Coucou. Je ne sais pas si tu es arrivée à bout de ta lecture brechtienne. De mon côté, je viens de mettre mon billet en ligne

https://www.danslabibliothequedecleanthe.fr/2023/11/28/bertold-brecht-la-vie-de-galilee/
10 Bonheur du Jour Le 01/12/2023

Votre chronique est tout particulièrement intéressante. Rencontrer un auteur et l'entendre parler de la façon dont il conçoit son travail est passionnant. Je ne connais pas du tout cet auteur ; je méconnais la littérature allemande, hélas. Mais vous avez titillé mon intérêt. Merci.
11 Tania Le 21/12/2023

Je n'avais pas encore noté "Lilas rouge" dans ma réserve de titres à lire, mais ton approche de son auteur me décide à le faire, notamment pour découvrir ce regard contemporain sur le côté sombre de sa famille.
12 Tania Le 14/02/2024

Un bonjour en passant, en espérant que tu vas bien malgré la grosse déception de l'an dernier.

marilire Le 15/02/2024

Bonjour Tania, je te remercie pour ton message. J'essaie de me motiver pour un billet lecture prochainement. A bientôt.

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