Ciné Janvier18 #2

Deux films américains qui se passent de lyrisme patriotique...

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Last flag flying

- Film américain de Richard Linklater -

- Sortie le 17/01/2018 -

En 2003, Larry « Doc » Sheperd, un ancien médecin de la Navy, retrouve Sal Nealon, un gérant de bar et le révérend Richard Mueller. Tous les trois ont combattu ensemble au Vietnam mais ils ne s’étaient pas revus depuis trente ans. Larry est venu leur demander de l’accompagner aux funérailles de son fils, mort au combat en Irak et dont le corps vient d’être rapatrié aux Etats-Unis. Sur la route, l’émotion se mêle aux fous-rires car les trois hommes voient leurs souvenirs remonter et ils retrouvent leur camaraderie...

Last Flag Flying est un très beau film, à hauteur d'hommes avec un excellent jeu d'acteurs qui ont une véritable présence ( Brian Cranston, Laurence Fishburne, Steve Carell ). Ce trio improbable nous entraîne dans un road movie aussi drôle qu'émouvant. L'émotion est à la fois forte et douce, j'ai rarement vu un film qui m'a autant touchée. Et pourtant, je ne suis pas adapte de films ayant pour toile de fond la guerre. Mais sur ce film, ce qui se voit, ce qui crève l'écran, ce qui reste, c'est la vie. Il y a une pudeur et une modestie, aucun cynisme.

Ces trois hommes se retrouvent parce que l'un d'eux est revenu vers eux, ayant tout perdu. A chacun sa personnalité, sa façon de réagir aux circonstances, ils sont tellement crédibles, tellement justes dans les attitudes, les regards. Ce n'est pas franchement un film d'action mais un film de dialogues ( dans la voiture, lors du long voyage en train, autour d'une table ), de situations. Et c'est tout le contexte de 2003 en miroir de la guerre au Vietman.

Malgré la dénonciation de l'absurde, des mensonges de l'armée ( chaque famille endeuillée a une version héroïque de la mort du soldat ) et de la notion de patriotisme, ce film ne m'a pas semblé politique mais profondément humain. Ce film, ce sont ces trois hommes à la cinquantaine, leurs douleurs et leurs deuils; leur choix de vie aussi. Avec tout ce qui est resté en suspens, en silences. Et le piquant, à en pouffer parfois, de leurs échanges.

Il est gris ce film, un camaïeu de gris, celui de décembre, quelques lumières. C'est le gris des cheveux, du ciel, de la tristesse et de la nostalgie, des ombres de l'histoire passée et présente.  

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J'ai lu dans le générique que ce film est issu d'un roman, éponyme, d'un auteur américain Darryl Ponicsan. Puis, j'ai lu dans un article que le réalisateur a été touché par sa lecture, que c'est son attachement à ces trois hommes qui a motivé le projet de réalisation de ce film. Je n'en suis pas étonnée.

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- Film américain de Martin MacDonagh -

- Sortie le 17/01/2018 -

Après des mois sans que l'enquête sur la mort de sa fille ait avancé, Mildred Hayes prend les choses en main, affichant un message controversé visant le très respecté chef de la police sur trois grands panneaux à l'entrée de leur ville.

Dans ce film, il n'est pas question de douceur, ni réellement de deuil, mais bien de vengeance. Il m'est difficile à chroniquer car je n'ai absolument pas adhéré à ce que j'ai vu bien que j'en reconnaisse le brio des acteurs, de la réalisation. J'ai compris ensuite : une claque.

Il est glauque et violent ce film. Bien qu'il y ait de l'humour, c'est un humour noir de violences verbales, omniprésentes. Bien peu de lueurs. La démonstration est magistrale.

Je sais bien qu'il faut tenir compte de l'assassinat de la jeune fille, son horreur, ainsi que du contexte géographique et socio-culturel de cette petite ville américaine, mais, durant toute la projection, je me suis demandée ce que cherchait vraiment cette femme si dure et si déterminée. Bien plus une vengeance que justice; vengeance, pas seulement contre l'assassin, aussi contre cette société qui laisse courir des violeurs, qui n'a pas les moyens de les arrêter, contre sa vie de femme et de mère misérable entre mari violent et fille rebelle.

On frappe et on cogne beaucoup dans ce film, pas seulement avec les mots. C'est peut-être ce contexte socio-géographique qui m'a perturbée. Cette justice de western, parce que ce film m'a fait penser à un wester contemporain. Ce film, ce qu'il montre, c'est la colère, la haine, l'escalade de la violence comme mode de communication; un véritable drame. Et j'ai éprouvé de la colère. Contre tous. Il y a bien peu à sauver, des limites sont dépassées, c'est terrifiant parce qu'il n'y a pas de caricature dans ce film, ni de certitudes. Le scénario est très réussi, mêlant des personnages plus complexes qu'il n'y paraît. 

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En fait, il m'a secoué ce film. Et je pense que c'était le principe. Il est sans aucun doute à voir. Et mon regard est certainement faussé par l'émotion que j'ai ressentie quelques jours avant lors de la projection de Last Flag Flying.

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Commentaires

  • dasola

    1 dasola Le 30/01/2018

    Bonjour Marilyne, pas vu le premier. Quant au deuxième, bien aimé le ton, mais j'ai trouvé le personnage de Mildred un peu caricatural. Et j'ai été gênée par le changement d'attitude de Dixon, de raciste bas de plafond, il devient presque sympathique. On arriverait presque à le plaindre. Bonne après-midi.
  • Marilyne

    2 Marilyne Le 30/01/2018

    @ Dasola : bonjour Dasola, je comprends bien, Mildread est extrême, c'est cette " western attitude " qui m'a braquée. Pour la fin, je suis d'accord, on nous montre comme un semblant d'humanité chez ces personnages, ou comme un retour à l'humanité. J'ai pensé que c'était une progression voulue, briser les carapaces, alors que le film ne fait pas dans la rédemption. J'espère que tu seras tentée par le premier ( pas à l'affiche partout ), j'aimerai ton avis.
  • Pascale

    3 Pascale Le 30/01/2018

    Last flying flag est en effet bien émouvant. J'ai souvent eu la larme à l'œil. J'ai aimé ces longues conversations entre hommes qui savent se taire quand il le faut.

    Les 3 billboards est d'une violence sans nom mais les personnages sont très forts et c'est traité avec un grand sens du suspense.
  • Margotte

    4 Margotte Le 30/01/2018

    Je suis passée totalement à côté de ces deux films... Le 2e m'intrigue pour le côté social. Mais j'attendrai, pour le voir, le moment propice, c'est nécessaire par rapport à ce que tu en dis !
  • Mina

    5 Mina Le 30/01/2018

    Pas de trace du premier dans les cinémas belges, et ton avis me dissuade d'aller voir le deuxième, bien que tu dises qu'il soit à voir. Le cinéma américain ne m'a pas réussi ce mois-ci (The greatest showman, Molly's game), et je doute que cet esprit western y fasse exception, après l'esprit hollywoodien et celui du "rêve américain".
    ps : après recherche d'après ton précédent article, pas de trace de Marie Curie en Belgique non plus, mais j'ai déjà repéré où aller voir La douleur.
  • Marilyne

    6 Marilyne Le 30/01/2018

    @ Pascale : Merci pour ton commentaire. 3 Billboards est un grand film, il fait réagir sans aucun doute. Tout est fort dans ce film. Je parlerai plus de tension que de suspense.

    @ Margotte : alors tu seras servi, pour le social... ( et je te recommande quand même le premier :))

    @ Mina : c'est vraiment dommage pour le premier. Je crois qu'il aurait pu t'intéresser. Difficile ici aussi de trouver le Marie Curie, et les premiers retours ne sont pas très élogieux. Pour La Douleur, rien à faire, je ne parviens pas à me motiver...
  • Lilly

    7 Lilly Le 31/01/2018

    Je n'ai pas vu le premier mais tu m'intrigues, et j'ai beaucoup aimé le second. Je l'ai trouvé très violent aussi, j'ai passé deux heures sous tension, à me demander le pourquoi du comment, mais aussi à admirer le talent des acteurs et le scénario qui mêle humour à obscurité complète avec brio. J'ai noté quelques incohérences, mais au final je m'en fiche.
  • Marilyne

    8 Marilyne Le 31/01/2018

    @ Lilly : c'est dommage pour le premier, je constate qu'il est dans bien peu de salles. Pour 3 Billboards, je me retrouve dans ton ressenti. Comme toi, quelques incohérences m'ont surprise, mais bon... ( notamment l'apparition dans le magasin où travaille Mildred du militaire qui sera soupçonné, cela m'a semblé incohérent avec sa conversation ensuite au bar, où il parle de discrétion... je me suis dit qu'il fallait que nous puissions l'identifier pour la suite... )
  • Valérie

    9 Valérie Le 31/01/2018

    Moi j'ai fini janvier avec La douleur que j'ai beaucoup aimé.
  • Marilyne

    10 Marilyne Le 01/02/2018

    @ Valérie : tu étais très motivée par cette adaptation, tant mieux qu'elle ne t'ait pas déçue.
  • niki

    11 niki Le 01/02/2018

    le premier film m'attirent plus que Three Billboards, mais il est vrai que je vais beaucoup moins au ciné qu'avant - je me trompe probablement, mais j'ai parfois l'impression que tout a été fait ;)
  • yuko

    12 yuko Le 01/02/2018

    Je n'ai pas entendu parler de Last flag flying en revanche 3 billboards me tente bien ;) Bonne soirée !
  • Marilyne

    13 Marilyne Le 02/02/2018

    @ Niki : oh, comme la littérature, certainement, tous les sujets ont déjà été abordés, la différence vaut pour la façon dont ils sont traités. Je suis encore surprise, heureusement, mais c'est vrai que j'en ai beaucoup moins vu que toi. Durant une longue période, j'allais peu au cinéma.

    @ Yuko : je constate que Last Flag Flying a été peu diffusé, je le regrette. J'attends ton retour pour 3 Billboard :)
  • Gwenaelle

    14 Gwenaelle Le 03/02/2018

    Je n’ai vu aucun des deux, mais une amie a eu le même ressenti que toi vis à vis du second. Je ne suis pas trop attirée ni par l’un ni par l’autre en fait...
  • maggie

    15 maggie Le 03/02/2018

    J'ai hâte de voir 3 billboard
  • Marilyne

    16 Marilyne Le 04/02/2018

    @ Gwenaelle : sans regret, alors. Je t'avoue que j'ai bien envie de changer de genre pour les prochains films; peu de films m'attirent en ce moment.

    @ Maggie : ah, j'attends ton retour !
  • Alys

    17 Alys Le 17/02/2018

    Je suis revenue lire ton billet sur Three Billboards maintenant que je l'ai vu. J'ai beaucoup, beaucoup aimé. Mais je n'ai pas du tout vu ça comme une histoire de vengeance... mais plutôt, au contraire, de lâcher-prise et de pardon! C'est drôle non? Il y a toute l'étape de la rage, le fait de se débattre dans sa douleur et de ne vivre que par ça, mais petit à petit on en vient à autre chose, l'après où on souffre différemment, plus calmement si je puis dire. La scène du jus d'orange était vraiment un pardon, la scène finale relevait plus pour moi du lâcher-prise et du calme retrouvé. Et oui les persos sont plus complexes qu'il n'y parait. J'ai tellement l'habitude de films plus simples, plus "pré-mâchés" que j'ai vraiment été surprise à plusieurs reprises par leurs évolutions.
  • Marilyne

    18 Marilyne Le 23/02/2018

    @ Alys : désolée de ma réponse tardive, je n'avais pas vu passer ton retour. Je comprends ton ressenti, c'est surtout toute l'attitude si agressive du début, peu importe les dégâts qui m'a paru de l'ordre de la vengeance. Tu as raison, il y a le chemin du deuil aussi. Belle scène que celle du jus d'orange. Et oui pour la complexité, j'ai été surprise ( et secouée ) aussi.

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