
MEDUSA Bijoux et Tabous est une fabuleuse exposition temporaire du Musée d'Art Moderne de Paris, à visiter jusqu'au 05 novembre 2017.
Il ne s'agit pas d'une exposition d'or et de pierres précieuses. Il s'agit d'une interrogation sur ce qu'est le bijou sous toutes ses formes possibles, sur notre perception, sur la perception sociale et intime du bijou, sur le pourquoi de la fascination qu'exerce le bijou.
Passionnante exposition qui pose les questions de la relation au corps et de la relation à la société. Dès l'ouverture, la présentation rappelle que pour un bijou, il y a trois regards : celui du créateur, celui de la personne qui le porte, celui de la personne qui voit ce bijou. C'est donc bien une histoire de regards, de la valeur que nous accordons à ce que nous portons-voyons, toutes les connotations implicites-explicites. C'est pourquoi, lors du parcours, ce n'est pas la valeur marchande qui importe. L'exposition fait fi de toutes frontières, qu'elles soient temporelles, géographiques, culturelles, matérielles.
Un parcours foisonnant constitué de vitrines ( horizontales ou verticales ) accompagnées de photographies sur les murs de bijoux " en situation ", c'est à dire portés, et de courtes vidéos parfois ainsi que de tableaux ( dont la splendide Salomé de Gustave Moreau ). Nous suivons quatres thèmes dans quatre espaces : - Identités et subversion / - Valeurs et contre-valeurs / - Corps et sculptures / - Rites et fonctions pour découvrir 400 bijoux, d'artistes, de joailliers, évidemment, mais aussi de designers contemporains, des pièces de l'Antiquité, de la Préhistoire, de cultures non occidentales ( asiatique, amérindienne ), du punk, de la fantaisie, de toutes esthétiques, de toutes techniques, de toutes matières. Une incroyable créativité porteuse de sens.

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Le bijou est un objet ambigu et subversif. Il peut être militant, symbole de statut, de pouvoir, de prestige, trophée ou signe de reconnaissance ( dans tous les sens du terme ), il peut être aussi accessoire de mise en scène d'une image people. Le bijou engage celui qui le porte, le bijou est un " marqueur " : dans cette exposition, il est question de parure-paraître; parer dont la double signification comprend embellir comme protéger.
Pour commencer, il est rappelé également que jusqu'au XVIIIème, le bijou est autant, si ce n'est plus, masculin que féminin ( ce sera avec la Révolution Industrielle que le bijou deviendra résolument féminin, caractérisant le corps de la femme, séduction et sensualité, mais aussi liberté affichée malgré le paradoxe d'une certaine frivolité), et que, bien souvent, dans le cas masculin, il est un bijou dominant, fonction que l'on retrouve jusqu'à aujourd'hui à travers ce rôle de " marqueur " social telles la fameuse montre Rolex ou les décorations.
Dans les vitrines, nous pouvons donc voir une couronne, un collier d'esclave, des insignes de chevalier, une ceinture de chasteté en ivoire moyen-âgeuse, une bague sceau, le collier de grand maître de la Légion d'honneur ( celle de son créateur : Napoléon, avec des videos des remises de ce collier pour chaque président de la République Française ), un pectoral indien, face à des photographies, de la Duchesse de Windsor, de Madonna tout cuir-croix à ses succès de début de carrière, de jeunes punks couverts d'épingles à nourrice, de Rihanna en bijoux Cartier.
Culture sociale, populaire, et contre-culture avec aussi les bagues de bikers, des colliers hippies avec du pendentif Peace and Love, du gothique, l'outrance et le clinquant du rap, de l'accessoire dandy, ( et cette belle et touchante photographie de Janis Joplin nue, la nudité couverte par ses longs cheveux et ses longs colliers )
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- Janis Joplin photographié par Bob Seidemann - 1969 -
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Du bling et du bang contestataire, du communaitaire et du ralliement aussi, d'un gant en strass d'un concert de Michaël Jackson pour la chanson Billy Jean au badge générationnel " Touche pas à mon pote ". Et du détourné, comme celui-ci, création de Danny MacDonald ( Mended Veil ) en 2005, qui joue sur la forme serpent donnée aux colliers et bracelets, inversant le rapport pierre-animal, ne recourant pas aux matériaux précieux : argile-strass-verre pour ce Bitten Crystal Necklace.
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Au-delà de l'économie du bijou pour " l'élite", au-delà de sa " matérialité- son matérialisme " ou de sa politique, le bijou peut donc affirmer des valeurs alternatives, des valeurs intimes, religion, sentiments, talisman. Où l'on retrouve magie et rituels ( culturels, familiaux... ), où l'on retrouve les gris-gris ( où j'ai revu les déclinaisons masculines de Pompéi ) , les croix, le collier de nouilles et celui de bonbons, le bracelet de naissance hospitalier, la gourmette d'Antoine de Saint-Exupéry, le pendentif contenant une photographie ou une mèche de cheveux, des pièces uniques home-made.

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Et, pour le plaisir des yeux, après toutes ces réflexions, lorsque le bijou rejoint l'oeuvre d'art, sculpture.

- Lalique - Collier Noisettes -
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- Création de A.Calder - The Jealous Husband ( vers 1940 ) -
- Anjelica Huston photographiée par Evely Hofer 1976 -
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Difficile de vous dire la richesse ( c'est la cas de l'écrire ) de cette exposition qui présente une véritable mythologie du bijou.

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Commentaires
1 Anne Le 06/10/2017
2 Marilyne Le 06/10/2017
3 Margotte Le 07/10/2017
4 niki Le 07/10/2017
5 Marilyne Le 07/10/2017
@ Niki : merci, j'avoue que ça n'a pas été simple d'ordonner tout ça pour l'écrire, j'en avais plein la tête et les yeux !
6 Aifelle Le 07/10/2017
7 Marilyne Le 07/10/2017