Antigone - Henry Bauchau

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- Actes Sud - 

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Antigone est l'un des volumes d'une trilogie de l'auteur belge Henry Bauchau, avec Oedipe sur la route et Diotime et les lions ( une courte fable dans laquelle nous retrouvons Antigone ).

Henry Bauchau reprend le mythe, mis en scène de nombreuses fois, par Becket, Cocteau, Anouilh..., pour en livrer une version romanesque; une version qui se dévore. J'avoue que je craignais une difficulté de lecture sur la longueur, une densité par trop philosophique. Ce ne fut pas le cas. Si ce récit est dense, il se lit passionément, sans occulter la dimension mythologique.

Le roman s'ouvre sur le retour à Thèbes d'Antigone. Souvent, elle en sera narratrice. C'est le temps d'avant les pièces de théâtre, le temps de la guerre entre ses deux frères Etéocle et Polynice. La lecture est prenante parce que l'auteur donne vie, rend la vie, à chacun des personnages, des êtres de chair, terribles et mortels. La ville elle-même vibre et vie au rythme de l'affrontement inéluctable entre les jumeaux. Le tragique est là, dans cet inéluctable, dans cette lutte de chacun, dans l'absurde destin, l'absurde espoir, tout cette tension, dans le lyrisme également, sur le réalisme.

Le récit dynamique et visuel nous entraîne au plus proche des personnage, de leur présence charnelle et de leur complexité, leurs douleurs, évidentes, leurs paradoxe et leurs regrets également. Sur les pages, c'est autant Antigone que Ismène, que la rivalité des frères, deux conceptions politiques et cette gémellité; c'est la relation à la mère, à la solaire Jocaste, plus reine de Thèbes qu'Oedipe n'a été roi.

Ces enfants que tu consolais sont devenus des hommes puissants, des brigands costumés en rois. Des tueurs qui appellent mon Antigonepour l'entraîner dans leur misérable désastre. "

Dans ce récit cruel, entre les remparts de l'orgueil, les dialogues sont percutants, les scènes épiques. Il y a les batailles, l'assaut, le duel, les malades et les affamés, les gamins de rues, des rêves et des visions, le pouvoir de l'art, et le cri d'Antigone.

... tu t'es engagée sur une route céleste mais Thèbes est une ville très pesante, Antigone, une matière lourde et dominatrice. Etéocle en a fait la cité des plus hauts remparts.

- Est-ce qu'ils font le bonheur des Thébains ?

- Etéocle ne se soucie pas du bonheur, Polynice non plus. Etéocle veut la puissance, Polynice fait graver sur ses armes : Le plaisir ou la mort. Bien-sûr il s'agit d'un très vaste plaisir.

- Et toi Ismène ?

- Je suis la seule de la famille à penser au bonheur, à mon bonheur à moi que je tente de préserver des ambitions d'Etéocle, du rire souverain de Polynice, des combinaisons de Créon et de l'extravagante étendue de ton âme, Antigone. "

Cette adaptation romanesque est magistrale.

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- Participation au mois belge organisé par Anne :) -

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Commentaires

  • Sandrine

    1 Sandrine Le 28/04/2020

    Jamais lu Henry Bauchau, et pas bien envie malgré toutes les belles choses que je lis partout... je crains l'austérité je crois, le sérieux tragique du propos...
    marilire

    marilire Le 29/04/2020

    Je n'écrirai pas austérité pour Bauchau. Pour ce que j'ai lu, le mot serait plutôt lyrisme. Beaucoup d'émotions, de passions, dans ses romans.
  • keisha

    2 keisha Le 28/04/2020

    Bon je connais en gros l'histoire, mais Anouilh au lycée m'avait déplu, il faudrait que je relise tout ça.
    marilire

    marilire Le 29/04/2020

    Ouch, je suis grande fan de la pièce d'Anouilh ;). Je désespère de la voir sur scène.
  • Kathel

    3 Kathel Le 28/04/2020

    Je n'ai fait qu'une tentative avec Henry Bauchau, Oedipe sur la route, et le style à la fois poétique et dramatique ne m'avait pas convenu. Si on connaît très bien ses classiques, c'est sans doute admirable, mais j'avoue que je ne suis pas assez lettrée pour ce genre de lecture !
    marilire

    marilire Le 29/04/2020

    J'ai l'impression que Oedipe sur la route est plus difficile d'accès, par cette dimension poétique et philosophique justement. Il devient le Voyant et l'aede, Antigone sculpte, Clios devient peintre...
  • Ingannmic

    4 Ingannmic Le 28/04/2020

    J'ai les mêmes craintes que celles que tu avais avant ta lecture... j'avis acheté un coffret regroupant sa trilogie, et ayant commencé à feuilleter Antigone, il m'a semblé difficile d'accès... Ton billet me rassure un peu ! Sinon, j'ai lu L'enfant bleu et Le boulevard périphérique, de cet auteur, que j'ai beaucoup aimés (surtout le 1e, quel texte émouvant !).
    marilire

    marilire Le 29/04/2020

    Ce livre est très romanesque, je ne m'y attendais pas autant. Débordant, excessif, par la tragédie, par les violences, les amours. Cette lecture m'a complètement emportée, aussi par le fait que le récit n'est pas centrée sur le sacrifice d'Antigone, il est plus ample, plus dense, en revenant au combat entre les frères, à Thèbes, ce que la ville représente.
  • Anne

    5 Anne Le 28/04/2020

    Ah je suis contente que tu aies apprécié cette lecture. Je l'ai lu il y a longtemps, ce roman, mais je me souviens d'une impression d'évidence, d'une adaptation tellement intelligente... Chouette participation ;-)
    marilire

    marilire Le 29/04/2020

    Intelligence, c'est le mot, et finesse, et quelle souffle romanesque ! Je ne m'attendais à voir tant vivre la ville, sa population, autant de personnages, et ces scènes dans le camp de Polynice, les chevaux. Quelle belle lecture !
  • Aifelle

    6 Aifelle Le 29/04/2020

    Je peux faire un copié-collé du commentaire de Kathel. Ce n'est pas pour moi ce genre de livre.
    marilire

    marilire Le 29/04/2020

    Je comprends. Et pourtant, cette trame d'affrontements familiaux autour d'un héritage est dans tant de romans. ( je pars pour l'Italie maintenant :))
  • Lili

    7 Lili Le 29/04/2020

    Je garde un merveilleux souvenir de ce roman, lu dans la foulée de mes années lycées, à l'époque où j'étais absolument passionnée par la figure d'Antigone (je le suis toujours, en fait, mais je me suis un peu calmée sur la monomaniaquerie toutefois).
    marilire

    marilire Le 30/04/2020

    Oh, j'ai tardé à le lire, pourtant très intéressée par le sujet. C'est cet aspect romanesque qui m'arrêtait, je crois. Si j'avais su que le récit remontait à la lutte entre les frères, je n'aurai pas tant tardé. Antigone est un mythe inépuisable ( là, envie de relire Cocteau ).
  • krol

    8 krol Le 29/04/2020

    De Bauchau je n'ai lu que Le boulevard périphérique, et je n'ai pas été séduite plus que ça. Mais là c'est différent, l'adaptation d'une pièce que j'adore... Faut voir !
    marilire

    marilire Le 30/04/2020

    Je ne peux pas comparer, je n'ai pas lu ce Boulevard Périphérique qui ne m'a jamais tentée. Ce ne doit pas être une lecture facile.
  • Itzamna

    9 Itzamna Le 29/04/2020

    J'ai lu cet Antigone il y a plusieurs années : j'avais été bluffée ! L'écriture de Bauchau est magistrale. Le texte puissant. J'ai adoré.
    Cette fois-ci, j'ai lu Diotime et les lions : trop court pour moi. On retrouve l'efficacité et la très belle plume de Henry Bauchau : mais 65 pages, ce n'est pas suffisant pour se plonger pleinement dans un récit. Dommage.
    marilire

    marilire Le 30/04/2020

    C'est le mot : bluffée ! Pour Diotime, je l'ai trouvé si dense que le fait qu'il soit court m'a convenue. J'ai retrouvé ce même type de lecture dans le recueil " Les vallées du bonheur profond ".
  • Bonheur du Jour

    10 Bonheur du Jour Le 01/05/2020

    C'est drôle, je pensais justement hier à Henry Bauchau. Sa clarté, sa luminosité...
    Bon 1er mai !
    marilire

    marilire Le 01/05/2020

    Un autre regard, c'est vrai. Belle journée à vous.
  • sylire

    11 sylire Le 01/05/2020

    Je suis vraiment contente d'avoir sorti ce livre de ma PAL pour cette lecture commune.
    Nous sommes aussi enthousiaste l'une que l'autre. Bauchau est en grand auteur. Il me reste encore à découvrir une partie de son oeuvre. Je m'en réjouis.
    marilire

    marilire Le 02/05/2020

    Comme toi, le mois belge m'a enfin décidée à sortir ce livre, à m'y plonger. Je n'ai toujours pas lu L'enfant bleu, notamment, de belles lectures à venir, tu as raison.
  • niki

    12 niki Le 01/05/2020

    je suis comme tu le sais une grande fan d'henry bauchau - son écriture est magnifique, poétique, tout ce que j'aime - son antigone est dans ma pal, je l'avais commencé mais ce n'était pas le bon moment - je vais la retrouver - très beau billet (comme toujours)
    marilire

    marilire Le 02/05/2020

    C'est juste, il faut une certaine disponibilité, un moment, pour lire Bauchau. Et c'est toujours gratifiant.
  • Lilly

    13 Lilly Le 02/05/2020

    Je n'ai jamais lu cet auteur mais vous me tentez beaucoup. La trilogie se lit dans n'importe quel ordre ?
    marilire

    marilire Le 03/05/2020

    Dans n'importe quel ordre. Le nom de trilogie vient du fait que l'on retrouve Antigone dans les trois livres.
  • Moka

    14 Moka Le 03/05/2020

    En grande amoureuse d'Antigone, je finirai par le lire.
    marilire

    marilire Le 05/05/2020

    Alors un grand moment de lecture à venir.
  • lili

    15 lili Le 04/05/2020

    Tu me titilles avec ton envie de relire Cocteau ! Pourquoi pas ensemble ? Je viens de ressortir mon exemplaire de la bibliothèque. Et je ne savais pas que ce roman faisait partie d'une trilogie dans laquelle on retrouvait Antigone à chaque fois. Je vais me pencher là-dessus dès que possible !
    marilire

    marilire Le 05/05/2020

    Pour Cocteau, il faut que je vérifie dans ma biblio si j'ai encore l'Antigone et La machine infernale, mes lectures datent . Quant à Bauchau, il s'agit plutôt d'un cycle, puisqu'il y a aussi " Les vallée du bonheur profond " et le Journal d'Antigone ( journal de l'auteur durant la période de l'écriture, pas lu celui-ci ).

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