China Dream - Ma Jian

China dream

- Flammarion - 2019 -

- Traduit de l'anglais par Laurent Barucq -

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Ce récit est un pamphlet, une fable noire. L'auteur chinois, Ma Jian, en exil en Angleterre ( ses livres sont interdits en Chine ), exprime sa colère en avant-propos; colère contre les fausses utopies qui asservissent et infantilisent la Chine depuis 1949.

Dans ce roman qui raconte la chute d'un haut fonctionnaire d'Etat, il mêle au contemporain une touche de fantastique, en contre-utopie.

Ce livre est rempli d'absurdité, réelles ou inventées. Le Bureau du Rêve Chinois, les boites de nuit réservées à la Garde Rouge et les grandes cérémonies d'anniversaire de mariage pour les couples octogénaires, par exemple, existent bel et bien dans le Chine d'aujourd'hui. En revanche, La Soupe du Rêve Chinois et les implants neuronaux sont bien sûr des produits de mon imagination. "

Le propos est de dénoncer la mémoire historique oubliée, la mémoire reniée, au profit d'une nouvelle idéologie qui réécrit l'Histoire et anéantit de promesses, alors que la propagande et corruption sont plus que jamais de rigueur. Ici, il s'agit du Rêve Chinois du président actuel, Xi Jinping. L'auteur établit des parallèles avec l'idéologie funeste de la Révolution Culturelle de Mao. 

Pire que cachées, les douleurs et horreurs de ce passé sont stigmatisées, occultées. L'auteur pousse donc à l'extrême cette folie, la remplaçant par une autre, celle de son personnage, Ma Daode, directeur du Bureau du Rêve Chinois - chargé de promouvoir le rêve chinois qui remplacera tous les rêves privés -, qui se perd dans ses souvenirs surgissant de façon impromptue, entêtante, l'envahissant, au point que " le passé et le présent ne cessent d'entrer en conflit dans sa tête. ". Ses souvenirs de jeunesse sont violents, sanglants, des visions cauchemardesques, ce sont ceux des guerres de factions, de sa trahison familiale. Ils s'intercalent littéralement à sa perception du réel comme dans le récit, écrits en italique. 

Le ton est donné dès la dédicace à George Orwell, qui avait tout prédit. Le texte est féroce, cynique, entre le glauque et l'absurde, croisant scènes de massacres lors des affrontements avec des scènes de débauches sexuelles, sans que le fil des souvenirs soit rompu. J'avoue que, bien que le récit n'excède pas les deux cents pages, je me suis essoufflée, lassée de ces excès sanguinaires et sexuels répétitifs sur ce fil ténu.

Extrait : glose au bordel

- La Grande Révolution culturelle prolétarienne. Tes parents t'en ont forcément parlé ! " . Maintenant qu'il est nu, sa voix a pris un ton enjoué, presque charmant.

- " Eh bien, je sais que mon uniforme date de cette période, n'est-ce pas ? " Elle se penche sur son entrejambe à nouveau et sa chevelure balance tandis que sa tête bouge d'avant en arrière, en va-et-vient.

- " Oui, c'est un uniforme de la Garde Rouge, mais il devrait y avoir le nom de ta faction sur le brassard. Unité de Combat de l'Orient Rouge, par exemple. Les Gardes Rouges n'étaient pas tellement plus jeunes que toi. Mao voyait en eux ses petits soldats, et il leur a demandé de " créer un grand désordre sous le ciel ". Quand les ouvriers ont rejoint le mouvement, ils se sont divisés en factions rivales et la violence a pris des proportions inarrêtables... " Dès que le directeur Ma se met à pontifier, son pénis débande. Numéro 8 le sort de sa bouche et lui redonne lentement vie de ses doigts roses manucurés.

- " Je me fiche que mon uniforme ne soit pas parfait. Notre patron nous a dit que nous étions toutes les héritières du communisme. " 

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Pour info, l'illustration de couverture a été réalisé par l'artiste dissident Ai Weiwei.

Sur la Chine contemporaine, Courrier International titrant Chine, un temps de cochon ( N° 1472 - du 17 au 23 janvier 2019 ) m'a plus intéressée et appris.

- Le billet plus enthousiaste de Delphine-Olympe -

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Commentaires

  • Annie

    1 Annie Le 08/02/2019

    Si je comprends bien une lecture qui ne doit pas être facile, mais qui par contre est éclairante sur le passé comme sur le présent. Je le garde en mémoire .
  • Marilyne

    2 Marilyne Le 09/02/2019

    @ Annie : pas si éclairante, je n'ai rien appris de plus sur la Révolution culturelle et les luttes internes. Le personnage ressasse la violence de sa jeunesse. J'ai eu l'impression que la volonté d'accusation a pris le dessus sur le fond.
  • maggie

    3 maggie Le 09/02/2019

    Dommage que tu finisses par une note négative. Je pense que je vais passer mon tour. Mais je compte bien, en revanche, lire des auteurs chinois...
  • Jerome

    4 Jerome Le 09/02/2019

    Dommage, le texte n'a pas eu l'effet escompté. sur toi du moins.
  • Marilyne

    5 Marilyne Le 11/02/2019

    @ Maggie : déçue, je fus. Mais oui pour d'autres lectures !

    @ Jérôme : je crois que j'attendais plus que le ton pour cette lecture.

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