Histoire d'une baleine blanche - Luis Sepulveda

Baleine blanche sepulveda

- Métailié - 2019 -

- Traduit de l'espagnol ( Chili ) par Anne-Marie Métailié - 

- Illustrations de Joëlle Jolivet -

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Lors de ma lecture du Moby Dick, je n'ai pas pensé que Au vieil homme et la mer d'Hemingway. Je me rappelais en contre-point le roman Le monde du bout du monde de Luis Sepulveda, auteur regretté parmi mes favoris. Ce roman est un voyage initiatique sous le patronage du roman de Melville et un hymne à la nature, je ne peux que vous le recommander ( la chronique ICI ).

Je suis heureuse d'avoir lu Moby Dick, pour le classique ( en apprécier à présent mieux les références et influences dans d'autres lectures ), pour le défi personnel, pour avoir pu lire en toute connaissance cette Histoire d'une baleine blanche.

Comme pour Le monde du bout du monde, il s'agit d'un récit engagé pour le respect de la nature. Prenant le ton et les codes du conte, l'auteur chilien donne la parole à une baleine blanche, que les hommes appelleront Mucha Dick - " peut-être parce qu'ils m'ont vu pour la première fois dans les eaux proche de l'île de Mucha. " -; une baleine investit d'une mission par ses pairs, une mission " de vigie et de gardien ".

Dans une première partie, Luis Sepulveda présente avec délicatesse les moeurs de la baleine, leur " éternité ", puis il raconte la rencontre avec les hommes, l'observation fascinée mutuelle. Cette " baleine couleur de lune ", c'est une mémoire des mers, et une mémoire des hommes - " L'homme a toujours eu peur de ma taille et son incapacité à me dominer l'a toujours inquiété. A quoi peut bien servir un animal aussi grand ? " -. Avec eux, elle découvre cette volonté de s'approprier son environnement propre à l'humanité, l'audace qu'il a fallu pour partir sur les océans en s'éloignant des côtes. Elle découvre aussi ensuite la guerre, puis la haine. Les hommes commencent à chasser les phoques, les baleines.

A l'orgueil, l'exploitation, la conquête, l'auteur oppose l'attitude des lafkenche - des hommes nommés Gens de la mer - qui ne prélèvent que ce dont ils ont besoin. La présence de la baleine blanche est liée à leur croyance, elle est le guide de leurs morts vers une île protégée, là au-delà de l'horizon où tous se retrouveront.

" Mais tous les hommes ne sont pas comme les Gens de la mer. Nous, les baleines et les dauphins, nous avons entendu leurs voix inquiètes de la présence de plus en plus nombreuses d'autres hommes venus d'endroits lointains, des étrangers qui prennent dans le bois, la terre et la mer tout ce qu'ils veulent, sans demander avant et sans aucun signe de gratitude après. Les baleiniers appartiennent à cette espèce d'hommes venus du monde de l'ingratitude et de la convoitise."

Les Lafkenche sont des Indiens Mapuche, la baleine est mythique. Ce récit les réunit dans cette lutte pour la préservation de leur monde, de leur mode de vie, contre les prédateurs. La référence à Moby Dick est explicite, pas seulement par le nom de la baleine, par les derniers chapitres épiques de combat contre le baleinier du capitaine Achab.

Mêlant réalisme sans concession au merveilleux comme il sait si bien le faire, Luis Sepulveda en signant cette histoire aussi militante qu'émouvante, ouvre l'horizon, libère une voix qui résonne et nous invite face à l'immensité et les étoiles. Une très jolie lecture.

" On raconte que les nuits de pleine lune, sur la côte ouest de l'île de Mocha, on voit émerger des profondeurs un énorme cachalot blanc, couleur de lune. 

Oui, on raconte beaucoup d'histoires au sud du monde. "

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Commentaires

  • Tania

    1 Tania Le 28/07/2022

    Je note ces deux titres de Sepulveda qui possède l'art du conteur, en effet.
    marilire

    marilire Le 29/07/2022

    Ce titre s'inscrit dans les textes '" jeunesse " que je traduit en " pour tous " concernant Luis Sepulveda. " J'ai beaucoup aimé " Le monde du bout du monde " pour son réalisme et son humanité.
  • Anne

    2 Anne Le 28/07/2022

    Oh une histoire qui manque à ma collection. Je note ce titre.
    marilire

    marilire Le 29/07/2022

    Pour le plaisir ( et la nostalgie de lire L.Sepulveda ).
  • niki

    3 niki Le 28/07/2022

    j'ai été conquise par 2 romans de sepulveda et à présent j'ai envie d'en découvrir d'autres, je vais donc noter ces titres
    marilire

    marilire Le 29/07/2022

    Je t'envie, tu as encore un beau choix de lectures.
  • A_girl_from_earth

    4 A_girl_from_earth Le 29/07/2022

    J'ai lu mon premier Sepulveda il y a peu mais ce fut un flop pour ma part. C'était l'histoire d'une mouette et du chat qui lui apprit à voler, qui avait pourtant tout pour me plaire. Du coup j'hésite vraiment à poursuivre avec Sepulveda. Mais mon choix de lecture était peut-être trop jeunesse. Et sinon j'avais beaucoup aimé Le vieil homme et la mer (d'où ma motivation aussi pour Moby Dick au départ^^). J'avais oublié de le mentionner dans ton billet précédent mais comme tu en parles ici, j'en profite.:)
    marilire

    marilire Le 29/07/2022

    Les romans de L.Sepulveda ne sont pas dans la veine de l'histoire de la mouette. Ils sont toujours engagé, pétris d'humanité sans concession. Je peux te recommander le presque classique " Le vieux qui lisait des romans d'amour " ( le plus beau d'entre tous pour moi étant Les roses d'Atacama, des nouvelles, et le voyage " Dernières nouvelles du Sud. Ils ne sont peut-être pas indiqués pour reprendre-découvrir ). Je comprends bien pour Moby Dick et Le vieil homme et la mer, nous avons suivi le même chemin ( mais je ne te pousse pas à l'eau ;)).
  • Bonheur du Jour

    5 Bonheur du Jour Le 29/07/2022

    Je n'ai pas lu ce roman de Sepulveda. Il m'attire, forcément car j'aime cet écrivain qui raconte des histoires fabuleuses. Merci !
    marilire

    marilire Le 29/07/2022

    Cette histoire vous plaira, j'en suis certaine.
  • Kathel

    6 Kathel Le 29/07/2022

    J'ai lu quelques romans de Luis Sepulveda sans être totalement transportée, peut-être me manque-t-il des clefs pour apprécier vraiment... du coup, j'hésite à continuer.
    marilire

    marilire Le 29/07/2022

    Effectivement, si tu n'accroches pas... Peut-être ce " monde du bout de monde ", aux allures de récit de voyage.
  • Passage à l'Est!

    7 Passage à l'Est! Le 31/07/2022

    Je m'aperçois que je n'ai rien lu de Sepulveda. Il faudrait que je m'y mette un jour. Je ne suis vraiment pas sûre de pouvoir en dire autant pour Moby Dick. Je suis peut-être devenue trop continentale, à force de vivre en Hongrie? (Je vois tout de suite les limites de ce que je viens d'écrire: la lecture de l'Odyssée, elle, me tente).
    marilire

    marilire Le 01/08/2022

    L'Odyssée, il va falloir que l'on se motive... finalement, je ne le perçois pas tant comme un récit maritime, ce serait plus pour le voyage mythique. Hors-sujet : les dates de mon voyages se sont décalées, je pars la deuxième quinzaine de septembre. Je suis donc présente le 1er et le 6 octobre, si cela t'arrange de revenir à cette première date pour le rendez-vous Olga Tokarczuk.
  • Alys

    8 Alys Le 06/08/2022

    J'adore Sepulveda aussi
  • Alys

    9 Alys Le 06/08/2022

    Hmm, mon commentaire se terminait par un joli coeur tout brillant et j'ajoutais que je devrais lire ce roman si je le trouve un jour :) C'était moins abrupt que ce qui se retrouve publié :) :)
    marilire

    marilire Le 08/08/2022

    C'était court mais efficace ;-)
  • Passage à l'Est!

    10 Passage à l'Est! Le 07/08/2022

    Comme on sera 4 à lire Tokarczuk, je préfère qu'on garde le 1er octobre. J'ai d'ailleurs commencé à lire le mien (Les Pérégrins) et je tiens à souligner que Moby Dick y apparait sur plusieurs pages!
    marilire

    marilire Le 08/08/2022

    Très bien pour le 1er octobre. Et voilà pourquoi je voulais lire Moby Dick, parce qu'on rencontre ce roman si souvent en références ( je n'ai pas choisi Les Pérégrins, mais je sais que je lirai ce titre un jour. Ta chronique va certainement me le confirmer ).

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