Jours de combat - Paco Ignacio Taibo II

Jours de combat

- Rivages/noir -

- Traduit de l'espagnol ( Mexique ) par Marianne Millon -

Un beau jour, Héctor Belascoarán Shayne quitte son épouse et son emploi, loue un bureau qu’il partage avec un plombier et s’établit détective privé. Il se sent investi d’une mission : retrouver le « Cervo », l’étrangleur qui assassine des femmes de conditions et d’âges variés dans les rues de Mexico. Héctor, qui se situe, selon ses propres termes, « dans la lignée des détectives inductifs, presque métaphysiques, à caractère impressionniste », poursuit sa quête par des chemins détournés : il participe à un jeu télévisé sur les « grands étrangleurs de l’histoire du crime », embauche une assistante diplômée en philosophie et… rencontre la fille à la queue de cheval.
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Première lecture de l'auteur mexicain Paco Ignacio Taibo II avec ce titre, le premier d'une série policière avec le personnage du détective Hector Belascoaran Shayne. Et disons que je ne suis pas convaincue, ce ne fut pas une rencontre.

Il est vrai qu'il s'agit d'un premier tome, chacun des personnages récurrents prend sa place, le lecteur également. Toutefois, je suis restée distante de chacun. En revanche, j'ai apprécié la plume - le style, le ton - cette atmosphère de roman noir urbain, la touche d'humour, voir de dérision si ce n'est de cynisme. Je pense même que c'est ce qui m'a accrochée à cette lecture, la vision de la ville, ou plutôt les visions, que ce soit les descriptions-réflexions sur les grandes villes en général ou sur Mexico en particulier. La ville est là, présente, elle pulse, elle prend, elle rejette, ville bruyante, mécanique, dévoreuse, indifférente - " le monstre urbain " en critique sociale -. 

" La ville se nourrit de charogne. Comme un vautour, comme une hyène, comme l'urubu si mexicain qui se repaît des morts pour la patrie. Et la ville avait faim. Aussi les faits divers dégoulinèrent-ils une nouvelle fois de sang ce jeudi-là : un accident entre un autocar de ligne et le train de Cuernavaca qui avait fait seize morts, un homme criblé de balles par sa femme " pour qu'il n'emmène plus jamais son copain voir les putes ", une vieille femme poignardée pour trois cents pesos à la sortie du métro... "

Je ne crois pas être réfractaire à l'étrangeté, au mélange des genre, pourtant l'errance du détective, cette crise existentielle qui transforme l'enquête en quête de sens, d'identité, ce flottement, ces passages hallucinés-hallucinants, m'ont gênée. Plus que de l'étrangeté, j'y ai lu une absence qui m'a rendue d'autant plus distante ( au point qu'une ou deux scènes m'ont paru ridicules, notamment le dénouement ). 

Hemingway, qu'il avait lu encore adolescent, l'avait convaincu qu'on finit invariablement par partager quelque chose avec l'ennemi. Que la chasse est un processus d'identification progressive entre la proie et l'homme, au cours duquel la sueur de l'autre se colle à la sienne propre, cherchant une peau unique qui trouve son accomplissement dans la mort. "

Mon sentiment à la lecture est paradoxal. J'ai aimé les citations à chaque chapitre, être baladée en références improbables, de L'Illiade au films de Lelouch jusqu'à Nietzsche - " Une lune digne de Lorca brillait dans le ciel " -, entre " histoire d'amour ou histoire policière, ce n'était pas très clair, peut-être parce que cela n'avait pas été établi ", mais je suis restée trop détachée du récit. Finalement, je me suis plus intéressée au " monstre social " et politique dont l'ombre funeste écrase l'intrigue : les mouvements ouvriers et les mouvements paysans, les grèves, la corruption, la misère, la répression, la violence de la société mexicaine, les mouvements contestaires de 1968, le massacre du 10 juin 1971 à Mexico lors d'une manifestation. Le roman se déroulant au début des années 70, ce contexte est présent en filigrane, parfois de façon très directe.

" ... l'Etat a liquidé cette semaine plus de paysans que l'étrangleur ne pourrait éliminer de femmes en plusieurs années. "

" ... derrière l'étrange partie qui avait commencé entre l'étrangleur et lui, se croisaient des cadavres agréablement humains, définitivement innocents, si l'on peut parler d'innocence dans un pays où les innocents étaient habituellement passés par les armes. " 

Paco Ignacio Taibo II est un auteur prolixe et militant. J'ai vu qu'il avait écrit un ouvrage sur cette terrible année 1968. Il ne s'agit pas d'un roman, mais d'un témoignage, parce que l'auteur a été l'un de ces étudiants manifestants. Le livre s'appelle sobrement " 68 ".

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- Participation au Book Trip mexicain - Lecture partagée avec A-girl-from-earth, Kathel, Maggie.

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Commentaires

  • Kathel

    1 Kathel Le 25/04/2022

    Je suis étonnée que tu n'aies pas été plus emportée. Moi qui ai souvent du mal avec le bizarre et même avec les littératures sud-américaines en général, là, j'ai marché à fond !
    marilire

    marilire Le 25/04/2022

    Je n'ai pas trouvé le récit bizarre mais décalé. Aux premières pages, j'ai accroché, pensant être dans ces polars noirs sud-américains que j'apprécie, mais j'ai décroché peu à peu. Et puis ce final gothico-philosophique ( il ne manquait plus que les grands miroirs ^^ ), vraiment non, surtout avec la fin ensuite. Je vais attendre ta lecture du tome suivant avec intérêt !
  • keisha

    2 keisha Le 25/04/2022

    Tiens quelques bémols. J'en ai lu un, n'y suis pas revenue, mais je devrais lui laisser une chance!!! Ces LC sont une bonne idée
    marilire

    marilire Le 25/04/2022

    Je crois que je devrais tenter un autre titre, pas de cette série, de l'auteur. Plus tard.
  • rachel

    3 rachel Le 25/04/2022

    J'ai un peu pres tout lu ce cet auteur...fan jusqu'au bout...ou presque (un ou 2 livres m'ont laissee de cote)...mais son Hector, j'adore...ouiii il n'y a pas d'enquetes en general c'est juste un polar social...et son 68 une pure merveille...essai assez court qui se lit "bien"....
    marilire

    marilire Le 26/04/2022

    Je comprends pour polar social. C'est ce que j'attends du polar noir, c'est son principe, son origine même. Mon problème avec cette lecture, c'est que les personnages sont restés " flous " pour moi.
  • A_girl_from_earth

    4 A_girl_from_earth Le 26/04/2022

    Super ton billet ! Je m'y retrouve complètement et je crois que comme toi, j'étais un peu en équilibre entre l'adhésion à l'histoire et le décrochage, haha ! J'ai eu du mal aussi avec ce flottement dont tu parles, et ces passages hallucinés-hallucinants qui m'ont vraiment rappelé Solénoïde (quel traumatisme cette lecture^^). Je suis vraiment ravie tout de même que les autres aient apprécié et trouvé leur compte dans ce roman quelque peu singulier.
    marilire

    marilire Le 26/04/2022

    C'est très intéressant ces LC, de confronter nos lectures en même temps. J'attends gentiment ton billet sur Solénoïde, j'y viendrai, je le crains ^^
  • Anne

    5 Anne Le 26/04/2022

    Kathel donne plus envie que toi mais si j'ai l'occasion, je serais tentée de tester cette lecture ;-)
    marilire

    marilire Le 27/04/2022

    Tente, je suis curieuse ;-)
  • A_girl_from_earth

    6 A_girl_from_earth Le 27/04/2022

    Bon courage alors ! Là aussi, en LC, les avis étaient partagés. Isabelle est toujours dessus depuis un mois et se régale. Moi j'avais accéléré ma lecture à la moitié car je voulais passer à autre chose, je n'en pouvais plus.^^
    En passant, j'avais oublié que Pativore avait aussi lu Jours de combat en mars et avait été très enthousiaste elle aussi.:) Ton billet me rassure d'autant plus du coup.
    marilire

    marilire Le 28/04/2022

    Je crois en effet que c'est une lecture au long court. Je ne l'ai toujours pas lu parce que j'ai le syndrome du " bon moment ". Peut-être que pour découvrir l'auteur, je vais préférer le recueil Melancolia. Je ne regrette pas pour Jours de combat, je ne lis des polars que par période ( en mode crise monomaniaque ^^ ) et je n'aurai jamais choisi celui-ci sans votre Book Trip mexicain.

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