L'infinie patience des oiseaux - David Malouf

Malouf

- Albin Michel 2018 - Livre de poche 2019 -

- Traduit de l'anglais ( Australie ) par Nadine Gassie -

Lorsqu’en 1914, Ashley Crowther revient en Australie pour s’occuper de la propriété héritée de son père, il découvre un paysage merveilleux peuplé de bécasses, d’ibis et de martins-chasseurs. Il y fait également la connaissance de Jim Saddler, la vingtaine comme lui, passionné par la faune sauvage de l’estuaire et des marais. Au-delà de leurs différences personnelles et sociales, les deux jeunes hommes partagent un rêve : créer un sanctuaire destiné aux oiseaux migrateurs. Loin de là, l’Europe plonge dans un conflit d’une violence inouïe qui n’épargnera ni Jim ni Ashley, envoyés sur le front français. Seul témoin de la parenthèse heureuse qui les a réunis, Imogen, une photographe anglaise amoureuse comme eux des oiseaux. Saura-t-elle préserver le souvenir des moments exceptionnels qu’ils ont connus ?

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Lorsque j'ai constaté que ce livre était déjà paru en format poche, je n'ai pas hésité à m'en saisir, tentée par Dominique et Jérome que je remercie pour cette première lecture de l'auteur australien. Ce roman date de 1983, il a enfin été traduit en français en 2018.

La quatrième de couverture dit tout du récit mais ne dit rien de cette infinie beauté de ce récit. Ce roman est extrêmement émouvant, lumineux, malgré la violence sociale et l'horreur de la guerre qui ne sont pas occultée. Une lecture tout en contraste, en paradoxe presque, qui touche d'autant plus, qui pointe d'autant plus. Un texte vibrant d'humanité, une délicatesse jusque dans la tristesse, dans la boue, le gâchis, la mort.

Ce roman est court, sans précipitation, et pourtant quelle intensité. En deux parties, il raconte les oiseaux, le sanctuaire, avec en filigranne la société d'avant-guerre australienne, bien proche de celle de l'Europe, ses démarcations sociales, cette fabuleuse et improbable amitié entre deux jeunes hommes qui partagent un émerveillement; puis ce roman raconte les batailles de cette Europe lointaine, les ravages. Mais il y a le ciel toujours, au-dessus de la terre, ce ciel sans frontière où la vie va et (re)vient, où l'homme s'immisce avec les débuts de l'aviation. Ce rêve fou, s'envoler, voir d'en haut. Il n'aurait pas fallu vouloir dominer, juste s'élever. Il aurait fallu simplement regarder. Ce roman, ce sont ces regards, attentifs, sur la vie, lorsqu'elle se déploie, lorsqu'elle se perd.

Le titre original de ce roman, c'est Fly away Peter, il est parfait. Ce qui me reste de cette lecture, ce sont ces passages sur ce fol enthousiasme des jeunes Australiens pour s'engager - " Jim sentait le sol pencher du côté où était la guerre, exactement comme il l'avait senti le premier jour à Brisbane, et il sentait le poids de tous ces morts l'entraîner. L'heure viendrait où il ne serait plus capable de résister. Il glisserait avec les autres. Au fond du gouffre. " -

Et ce qui me reste, ce sont les oiseaux, l'émotion à toutes les pages, ces temps suspendus. 

A la fin de l'été et tout l'automne, Jim vavait vu la plaine de Salisbury peuplée de milliers d'oiseaux. Et plus tôt dans l'année, après un long trajet en train depuis Marseille, quand pour la première fois ils avaient traversé la Manche, il avait aperçu depuis le bastingage tout un vol de chevalier guignettes, avec leurs ailes étrangement arquées vers le bas, évoluant au ras de l'eau huileuse, et clairement identifiables parmi eux car beaucoup plus gros, des bécasseaux maubêches, certainement descendus de l'Arctique, le corps rougeâtre en cette saison - les mêmes bécasseaux qu'il aurait pu voir le long des bancs de sable sur les côtes australiennes, arrivant au printemps et repartant au début de l'automne, exactement comme il le faisait ici. Il était réconfortant de voir ces créatures familières, capables d'aller et venir d'un bout à l'autre du globe dans le cours naturel de leur vie, et de constater qu'elles étaient à peine touchées par l'activité déployée autour d'elles : les ferries crachant de la fumée, le déchargement des gros cuirassées, les cris, les coup de sifflet, les hommes débarquant le long des passerelles et se formant en rangs sur le quai, les moteurs vombrissants des camions, les chevaux paniqués, descendus ruant et hénissant par des treuils, le son des cornemuses écossaises. "

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Commentaires

  • Anne

    1 Anne Le 02/01/2020

    Ah ben bravo, Anne, encore un bouquin acheté à sa sortie et pas encore lu alors qu'il sort en poche. Humhum... Je suis sûre que ça va me plaire (j'ai tellement aimé déjà "Une rançon" et l'époque de celui-ci ne peut que m'attirer) mais pour l'instant j'ai d'autres lectures adaptées à la saison (et à la fin de la deuxième guerre mondiale) qui m'attendent.
    marilire

    marilire Le 02/01/2020

    Je connais ça.... Je suis absolument certaine que cette lecture te plaira ! Evidemment, " La rançon " est maintenant sur mes listes. Curieuse de tes lectures.
  • niki

    2 niki Le 02/01/2020

    j'ai pris une décision drastique, aussi bon (je ne que soit la chronique (comme ici), je ne note plus rien :D
    (et je me demande combien de temps je vais tenir)
    marilire

    marilire Le 03/01/2020

    Je me le demande aussi :) Je n'ai jamais réussi à tenir longtemps ce type de décision ( alors qu'il faudrait ), une lecture en appelle bien souvent une autre.
  • Mina

    3 Mina Le 02/01/2020

    Quels beaux extraits, tu donnes indéniablement envie (et en poche, aucune raison de se priver, c'est parfait). J'ai aussi lu La rançon grâce à Anne et en garde un merveilleux souvenir.
    marilire

    marilire Le 03/01/2020

    Voilà, en poche, on ne peut pas s'en priver ;). Ce fut une jolie lecture de fin d'année, malgré ce sujet terrible.
  • keisha

    4 keisha Le 03/01/2020

    Niki vient de laisser, à mon avis, LE commentaire le plus drôle de l'année ^_^
    marilire

    marilire Le 03/01/2020

    Le commentaire de début d'année ( que nous n'osons plus écrire ;)
  • krol

    5 krol Le 03/01/2020

    J'aimerais dire la même chose que Niki mais... oh la la ce titre-là en poche !
    marilire

    marilire Le 03/01/2020

    J'y ai pensé aussi, j'y pense même régulièrement. Et le format poche, oui, impossible de résister. Vraiment une belle découverte, une lecture " différente ", de la guerre, des hommes.
  • Dominique

    6 Dominique Le 03/01/2020

    l'écrivain pour qui j'ai eu un véritable coup de coeur ce roman là m'a énormément plu mais mon préféré reste Une rançon un roman magistrale d'humanité
    marilire

    marilire Le 03/01/2020

    Alors je suis contente d'avoir commencé par celui-ci. Je lirai " La rançon ", c'est certain ( comment résister à la façon dont tu le qualifies après les précédents commentaires qui confirment également )
  • Aifelle

    7 Aifelle Le 03/01/2020

    Niki est bien imprudente. Moi aussi, je peux ne pas noter, mais je saurai bien le reconnaître sur une table de librairie ;-)
    marilire

    marilire Le 03/01/2020

    C'est là qu'on sait que tu ne débutes pas :-D . Je n'ai pas eu à le noter non plus, le titre est trop joli pour l'oublier.
  • Passage à l'Est!

    8 Passage à l'Est! Le 03/01/2020

    Aïe, je m'étais dit que je lirai ton article mais que je ne noterai rien, mais tu m'as eue avec "infinie beauté de ce récit". Il est dans la bibliothèque près de chez moi, ce sera pour ma prochaine visite. Encore une tentation qui va nuire à mes lectures centre-européennes!
    marilire

    marilire Le 03/01/2020

    Puis-je te consoler en te disant que je prépare déjà mon programme lecture pour le Mois à l'Est ?
  • Kathel

    9 Kathel Le 04/01/2020

    Il semblerait que j'ai raté les billets que tu cites, puisque je ne connais pas l'auteur (je confondais avec Amin Maalouf, c'est dire !)... Mais après ton billet, je ne peux que noter ! ;-)
    marilire

    marilire Le 05/01/2020

    Figure-toi que je n'ai jamais lu Amin Maalouf ;)
  • Autist Reading

    10 Autist Reading Le 04/01/2020

    Je termine tout juste la lecture de ton billet et je suis certain, persuadé même , que ce roman est tout à fait pour moi et mieux encore, que je vais l'adorer. Non seulement je note (tant pis, Niki) mais je vais de ce pas me le procurer !
    marilire

    marilire Le 05/01/2020

    Je le pense aussi que ce roman va te plaire ( mais quand même, tu me mets la pression, là ^-^ )
  • Tania

    11 Tania Le 06/01/2020

    Lu cet été avec bonheur, je l'avais trouvé par hasard à la bibliothèque et aimé le titre, d'emblée.
    marilire

    marilire Le 07/01/2020

    Ah, ce titre, il m'a interpellée aussi, je l'ai gardé en mémoire. C'est le paradoxe de ce livre, on lit avec bonheur une histoire triste.
  • ellettres

    12 ellettres Le 07/01/2020

    ça a l'air très poétique. Mais je ne sais pas si j'arriverais à me faire à tous ces noms d'oiseaux ! Peur d'être lassée, étant une ignare en la matière ornithologique...
    marilire

    marilire Le 08/01/2020

    Je comprends. J'aime les oiseaux, les regarder, les écouter, mais je ne connais que peu de noms, peu d'informations réellement. Dans ce roman, cela ne m'a pas gênée, les descriptions sont explicites et pas trop longues, intégrées au récit.
  • Goran

    13 Goran Le 08/01/2020

    Cela me semble très beau...
    marilire

    marilire Le 08/01/2020

    Oui, il est prenant ce roman par son atmosphère si délicate alors même qu'il raconte la guerre.
  • Lili

    14 Lili Le 08/01/2020

    Le titre du roman, déjà, est magnifique. Le résumé l'est tout autant ensuite, et que dire des extraits ? Je suis tout simplement convaincue !
    Et comme c'est mon premier passage sur ton blog depuis le passage de janvier, je te souhaite une très belle année, Marilyne :*
    marilire

    marilire Le 08/01/2020

    Ah, je suis ravie, et j'espère que tu l'apprécieras autant que moi. En te souhaitant une année douce.
  • Cécile

    15 Cécile Le 09/01/2020

    Tu en parles très bien et en plus, c'est un poche, je le note !!!
    marilire

    marilire Le 10/01/2020

    Merci. Un petit poche, ça ne compte pas ;)

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