- Dupuis 2020 -
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Cette BD est une reprise du personnage Marsupilami, création de Franquin dans le Journal de Spirou en 1952. L’animal a donc déjà 70 ans.
Cette reprise est une réussite, c’est d’ailleurs plus une re-création qu’une reprise, une re-lecture.
Le travail, tant en scénario qu’en graphisme, est impeccable. Il y a un réel travail d’ambiance, de contexte pour nous livrer une version plus réaliste, plus noire, plus « engagée».
Le dessin de Franck Pé est magistral. Il y a d’abord ce choix de faire du Marsupilami un animal sauvage, un animal qui n’est pas domestiqué, qui s’évade d’une cage de contrebande. Les premières pages, sur le port d’Anvers en 1955, grand format, sont impressionnante d’ambiance et de précision, en noir & blanc, en sépia.
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Dans une interview dans le magazine DBD ( #147-octobre 2020 ), le dessinateur dit :
« Cet album m’a permis de reprendre mon travail sur les animaux, de parler de mon enfance à Bruxelles dans les années 50...»
Ce que raconte l’histoire, c’est l'évasion du Marsupilami, perdu dans le monde urbain occidental, reccueilli par François, un enfant, à Bruxelles, dans ce premier tome ( la reprise est prévue en diptyque, prochain tome en 2023 ). A travers cet enfant, des sujets sociaux sont abordés : l’enfant est seul avec sa mère, le père a disparu, il était allemand. Les traumatismes de la guerre sont encore vivaces, la mère est rejetée, du moins calomniée. Elle se débrouille avec un emploi de vendeuse dans une poissonnerie, vivant dans une vieille maison isolée, que son fils, souffre-douleur en classe, transforme en arche de Noé.
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« Le Bruxelles d’après-guerre, gris, triste, qui a enterré ses morts il n’y a pas si longtemps.»
A la fois sombre par le contexte, lumineux par les couleurs d'enfance et des sentiments en partage, c'est beau. A la lecture, on retrouve tout le talent du scénariste Zidrou, sa tendresse et son humour, l’émotion qui affleure. Il ne se prive pas de recourir à l’argot bruxellois.
Dessinateur et scénariste signent un bel hommage à la BD franco-belge : certains personnages sont des caricatures de grands dessinateurs BD belges - Franquin, bien-sûr, pour ce professeur timide, obsédé par le rire au point qu’il les enregistre - Roba ( Boule & Bill ) pour le vétérinaire. On suppose que certaines expressions et attitudes sont inspirées de la réalité. Il faut dire que tous les personnages sont croqués avec brio, de vraies bouilles et trognes.
La scène d’ouverture dans la salle de classe est fabuleuse, en postures, en discours du directeur qui use de démonstrations par l’absurde ( où je me demande s’il ne s’agit pas d’une caricature de Gigé - Jerry Spring - Tanguy Laverdure - ).
La maison-arche de Noé dévoile des scènes très drôles, improbables à la façon de fantaisies enfantines, avec ces ragondins amoureux batifolant dans la baignoire. Par exemple.
La Bête est un grand album dans tous les sens du terme ( elle pèse plus de 150 pages, la bête ); un album généreux dont j’attends la suite impatiemment.
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- Participation au Mois belge -
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Commentaires
1 Autist Reading Le 14/04/2022
marilire Le 16/04/2022
2 Kathel Le 15/04/2022
marilire Le 16/04/2022
3 krol Le 17/04/2022
marilire Le 20/04/2022
4 nathalie Le 17/04/2022
marilire Le 20/04/2022
5 A_girl_from_earth Le 17/04/2022
marilire Le 20/04/2022
6 Anne Le 18/04/2022
marilire Le 20/04/2022