
- Actes Sud - 2016 -
- Traduit de l'italien par Danièle Robert -
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Pour lire La Divine Comédie, j’ai choisi la nouvelle traduction signée Danièle Robert aux éditions Actes Sud.
En trois tomes, il s’agit d’une édition bilingue, maintenant publiée en un seul volume dans la collection poche Babel.
Cette traduction fut un véritable plaisir de lecture, d’autant que la traductrice accompagne son titanesque travail d’une préface et de notes, permettant de suivre le récit dont elle explicite les références et le contexte; de suivre ses choix de traduction, de fond comme de forme.
Car le fond et la forme sont indissociables : La Divine Comédie est un poème constitué de chants en terza prima et en terzina, c’est-à-dire en strophes de trois vers avec un système de rimes entrelacées par trois ABA-BCB-CDC... Cette structure renvoie à la structure générale de l’oeuvre, au sens de l’oeuvre établi sur le chiffre trois et ses multiples, le chiffre de la Trinité. Trois royaumes en trente-trois chants - L’enfer, le purgatoire, le paradis -, neuf cercles en enfer... Les rimes lient ainsi les strophes, donnent son rythme et sa musicalité au texte, sa dimension orale aux chants tout en symbolisant la descente vers l’enfer pour ce tome, ce mouvement en cercle, en spirale. Chaque chant se termine par un vers isolé - le un - qui clôt le chant et introduit le suivant.
La lecture ne peut se faire sans les notes de la traductrice, permettant d’apprécier pleinement le texte d’origine et sa traduction, cette variété de registres, de niveaux de langue et de style, qui m’a étonnée. Je comprends pourquoi le poète florentin est considéré comme l’un des pères de la langue italienne, par sa créativité.
Toutefois cette lecture - que j’ai différé trop longtemps tant elle m’impressionnait bien que j’y revenais sans cesse par l’art, les représentations de l’enfer - est fluide et entraînante, justement par cette structure et par son caractère narratif.
Accompagnée de Danièle Robert, j’ai suivi Dante Alighieri guidé par son maître Virgile à la découverte de sa vision, de sa quête; j’ai suivi les pas du pèlerin dans ce voyage initiatique, son chemin de foi dans cette représentation poétique de l’au-delà chrétien du Moyen-Age. La Divine Comédie a été écrite entre 1314 et 1320.
J’ai pénétré l’Inferno.
« Ah ! combien en parler est chose dure,
de cette forêt rude et âpre et drue
qui à nouveau un effroi me procure !
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Si aigre que la mort l’est à peine plus.
Mais pour traiter du bien que j’y trouvai,
je parlerai des choses que j’ai vues.»
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C’est une véritable géographie que nous dévoile Dante, un récit de voyage. Pour chaque cercle est décrit le paysage autant que l’organisation de l’enfer, les damnés, le type de damnation selon les péchés, chacune des violences humaines détaillées. Dante, à chaque cercle, s’adresse à des réprouvés qui lui content leur histoire.
Les descriptions sont précises. Souvent, le poète use de la comparaison avec des lieux, des climats ou des situations de notre monde. Dans ce texte du XIVème siècle, j’ai retrouvé des lieux connus, les Alycamps de Arles, la Flandre, Venise.
J’ai marché sur des corniches escarpées, des berges, traversé des marais, des bois, escaladé des rochers, vu des rivières, des fossés et des tours.
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« Lasciate ogne speranza, voi ch’intrate.
Vous qui entrez, laissez toute espérance.»
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Pour pénétrer « les choses souterraines », il a fallu embarquer avec Charon pour passer l’Acheron, puis plus tard, le Styx. Dans les limbes, j’ai croisé des poètes, des héros, des philosophes, « dames antiques et chevaliers». Ce voyage de cercles en cercles m’a entrainée au coeur de cette culture antique et médiévale ( avec quelques démons, diables noirs et cornus dignes de gargouilles, dans une scène épique et burlesque ), retrouvant aussi bien Hélène, Cléopâtre, Jason, Tristan, Tiresias, Ulysse, - « les fureurs de Thèbes et des Troyens »- que le bestiaire avec Cerbère, les Erinyes, la Méduse Gorgone, « l’infamie de la Crète » le Minotaure, les centaures, les Harpies.
« Immenses ailes, cou et visage humains,
pattes griffues, un grand ventre emplumé;
Les arbres de soupirs étranges sont pleins.»
Nous retrouvons ainsi L’Eneide ( à lire ), les Métamorphoses ( à relire ) et les Héroïdes d’Ovide ( à lire depuis trop longtemps ), des références à la pensée d’Aristote ( la lecture de l’Enfer est une parfaite révision ).
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Certains échanges se font avec des Florentins contemporains du poète, concernent la situation politique à Florence dont Dante a souffert, les luttes religieuses à propos du Pape. J’ai été surprise, malgré l’oeuvre en acte de foi, que le poète juge et critique tant l’Eglise. Déjà, il dénonce la trahison au message du Christ, les abus de pouvoir, la corruption; ce qu’on appelle le péché de simonie, quand le pouvoir spirituel se mêle de pouvoir temporel, pour le profit, pour l’argent.
« Vous avez fait un dieu d’or et d’argent :
Est-ce que les idolâtres de vous diffèrent
sinon qu’ils en honorent un et vous cent ?
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Ah ! Constantin, de combien de maux fut mère
non pas ta conversion mais ce seul don
qui fit riche par toi le premier père.»
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Enfin, j’ai atteint le puits de l’enfer, le Cocyte, j’ai découvert qu’il s’agissait d’un lieu de froid, glacé, métaphore de la disparition de toute vie, de toute humanité.
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Ce fut un grand voyage dans ce mal mondo - mauvais monde, vous pouvez craindre la thématique artistique Infernale.
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« Laissant le fiel, je cherche les fruits féconds
comme mon guide authentique l’a promis,
mais je dois auparavant toucher le fond.»
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- Les illustrations de couverture sont des créations de l'illustrateur argentin Santiago Caruso - Son site ICI -
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- Les classiques c'est fantastique : thème Tour d'Europe -
Mille mercis pour cette invitation qui m'a précipitée en Enfer ;)
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Commentaires
1 Mina Le 30/05/2022
marilire Le 31/05/2022
2 Dominique Le 30/05/2022
j'ai la chance d'avoir 2 versions : la même que toi et j'ai aussi une belle édition illustrée chez Diane de Sellier, ce fut un cadeau magnifique par contre si c'est magnifique à feuilleter vu le poids c'est un peu difficile à lire d'où l'édition chez Actes Sud
j'ai lu ton billet avec attention et j'y retrouve des sensations ressenties lors de mes lectures partielles
Dans mon exemplaire illustré c'est une traduction de Jacqueline Risset illustre spécialiste, et les cercles de l'enfer sont ceux de ...Boticelli !!
J'aime bien tes extraits qui sont très parlants
marilire Le 31/05/2022
3 A_girl_from_earth Le 31/05/2022
marilire Le 31/05/2022
4 eimelle Le 31/05/2022
marilire Le 31/05/2022
5 PatiVore Le 31/05/2022
marilire Le 07/06/2022
6 Fanny Le 04/06/2022
Woouah.. Ce livre m'effraie autant qu'il m'attire. Peut-être qu'un jour, je franchirai le cap pour le découvrir.
marilire Le 07/06/2022
7 Alys Le 05/06/2022
Comptes-tu lire le Purgatoire et le Paradis, si la traductrice les a traduits également?
marilire Le 07/06/2022
8 Lilly Le 10/06/2022
9 niki Le 12/06/2022
marilire Le 15/06/2022
10 L'ourse bibliophile Le 13/06/2022
marilire Le 15/06/2022
11 Moka Le 18/06/2022
marilire Le 20/06/2022