La pianiste - Elfriede Jelinek

La pianiste

- Point Signatures 2014 -

- Traduit de l'allemand ( Autriche ) par Yasmin Hoffmann et Maryvonne Litaize -

" Erika est seule face à la masse de ses élèves, seule contre tous, à la barre du frêle esquif de l'art. " À trente-six ans, elle ne boit pas, ne fume pas et dort encore dans le lit de sa mère. Promise à une carrière de pianiste internationale, asphyxiée par les ambitions maternelles, elle est devenue simple professeur. Elle se plaît à fréquenter les peep-shows et les bois du Prater à ses heures perdues. Hors la vie, elle jongle entre une sexualité bancale et des séances d'automutilation. Quand un étudiant tombe amoureux d'elle, Erika ne peut lui offrir qu'un scénario dont la perversité semble fonctionner à merveille.
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Pour découvrir la plume de l'auteure autrichienne Elfriede Jelinek, j'ai choisi son roman La pianiste, le premier traduit en français. Il a été écrit en 1983, traduit en 1988 ( éditions Jaqueline Chambon ). 

J'ai été impressionnée par la puissance de cette écriture, au-delà de cette histoire trouble de mère dévoreuse-venimeuse, de cette histoire d'emprise qui se démultiplie entre la fille qui ne se libère pas, qui exerce son propre pouvoir sur ses élèves; au-delà de cette histoire perverse entre cet élève jeune adulte et son professeur. Ces jeux de séduction-soumission et de désirs pulsionnels sont aussi ceux de pouvoir.

Pouvoir, le verbe comme le nom, sont les maîtres mots de ce roman. Une écriture qui frappe jusqu'au malaise, brutal autant que perspicace dans les scènes tant elles sont évocatrices, saisissantes. Cete prose directe l'est paradoxalement. Perverse, elle aussi, elle plaque une distance froide sur le récit, du clinique et cru, du voyeur, du rageur, du grotesque parfois, sans tentative d'explications-justifications; pas de psychologie dans ce maelström de (res)sentiments, des corps à corps et des liens en obsessions, dépendances, féminité.

Et puis, cette autre obsession, cette autre dévoration, la musique, des pages qui racontent l'exigence et les finesses de la composition, de l'interprétation. L'effet de contraste en est incroyable, s'en est presque terrifiant, ces mots de l'art sur ces corps dominés-dominants en torture.

Les descriptions du Prater nous emmènent bien loin de la Vienne intellectuelle et élégante, c'est la société des années 80, consomatrice, le pouvoir de l'argent, du paraître.

Quelle virtuosité !


Je n'ai pas vu le film de Michael Haneke, j'appréhende la déconvenue, l'adaptation restrictive, malgré sa Palme d'Or. Me le conseillez-vous ?

 

Elfriede Jelinek a reçu le prix Nobel de littérature en 2004. Peter Handke, également auteur autrichien, l'a reçu cette année 2019. J'ai eu la curiosité de chercher les Nobel de littérature germanophones : - Hermann Hesse en 1946 - Nelly Sachs en 1966 - Heinrich Böll en 1972 - Elias Canetti en 1981 - Günter Grass en 1999 - Herta Müller en 2009.

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Commentaires

  • niki

    1 niki Le 06/11/2019

    pas non plus vu le film adapté de ce roman - mais le roman me tente
    marilire

    marilire Le 07/11/2019

    Ce roman est puissant ! Dérangeant aussi, une lecture marquante.
  • Ingannmic

    2 Ingannmic Le 06/11/2019

    Je trouve cette auteure effrayante, mais fascinante aussi. J'ai lu Les exclus et Lust, des textes arides, forts, et difficilement accessibles... Mais tu parviens tout de même à me donner envie de retenter l'expérience !
    marilire

    marilire Le 07/11/2019

    Je suis bien d'accord sur le " effrayante et fascinante ". Je n'ai lu que La pianiste qui m'a semblé accessible. En revanche, j'ai " Totenauberg " qui m'attend, il me paraît plus difficile en effet.
  • Anne

    3 Anne Le 06/11/2019

    J'ai vu le film mais pas lu le livre. Je n'ai pas de souvenir hyper précis sauf que c'était impressionnant. Et bon, Isabelle Huppert...
    marilire

    marilire Le 07/11/2019

    J'hésite pour le film malgré Isabelle Huppert parce que bon, c'est rude tout de même.
  • Valentyne

    4 Valentyne Le 06/11/2019

    Cette auteure m’impressionne beaucoup ....

    Ce que tu en dis est très tentant

    J’ai trouvé un de ces romans dans la boîte à livre de mon village : « les amantes « 
    Je l’ai feuilleté : pas une majuscule pas un signe de ponctuation... du coup j'hésite
    marilire

    marilire Le 07/11/2019

    Ouch, pas évident, j'avoue que j'hésiterai aussi !
  • Aifelle

    5 Aifelle Le 07/11/2019

    Je n'ai pas lu le roman, pas vu le film. J'avoue que tant de perversité dans les personnages ne me tente franchement pas.
    marilire

    marilire Le 07/11/2019

    Je peux te comprendre. Ce qui m'a attirée aussi, c'est cette vision de Vienne.
  • Kathel

    6 Kathel Le 07/11/2019

    Je ne crois pas que ce soit pour moi... Le film ne m'a d'ailleurs jamais tentée non plus.
    marilire

    marilire Le 07/11/2019

    Il faut être motivée, je le reconnais ;-)
  • Annie

    7 Annie Le 07/11/2019

    Je n'ai jamais osé affronter cette auteure et je m'en veux un peu, je dois le dire. Vu le film qui, dans mon souvenir me semble moins noir que le livre (mais je ne garantis rien). Pour moi, le plus souvent, un film tiré d'un livre aimé est toujours décevant et je n'aime guère l'inverse non plus. Pourtant je viens de lire "A l'est d'Eden" de John Steinbeck après avoir vu le film qu'Elia Kazan en a tiré et cela a été une merveilleuse découverte.
    marilire

    marilire Le 12/11/2019

    Une belle lecture qui m'attend encore, A l'Est d'Eden. Il y a de nombreux films que je n'ai pas vus parce que je préfère avoir lu le livre avant pour ne pas avoir une idée fausse du récit, de l'atmosphère, et je crains toujours que, connaissant déjà l'histoire, je n'ai plus envie de lire. Mais parfois, oui, le film incite à plonger dans le livre, pour les grandes oeuvres.
  • MTG

    8 MTG Le 07/11/2019

    J'ai vu le film il y a pas mal de temps, un film fort mais je t'avoue avoir oublié ce qui se passe avec l'étudiant. Je me souviens bien de la performance d'Isabelle Huppert dans ce film, qui joue parfaitement la perversité et le dérangement psychologique.
    marilire

    marilire Le 12/11/2019

    J'imagine bien que ce film laisse plutôt le souvenir de l'atmosphère. Je ne suis pas décidée encore à le visionner.
  • Cécile

    9 Cécile Le 08/11/2019

    Je n'ai pas vu le film non plus et là tu me tentes fortement, d'autant plus que je suis fan de la collection Signatures chez Points !
    marilire

    marilire Le 12/11/2019

    Fan aussi, j'avoue que ça influence le choix du titre :)
  • Cléanthe

    10 Cléanthe Le 08/11/2019

    A l'inverse de toi, j'ai vu le film, mais pas lu le livre. Je pense quand même que c'est très différent.
    marilire

    marilire Le 12/11/2019

    Je me pose beaucoup de question sur cette adaptation, mais je crois que je vais quand même m'en passer...
  • krol

    11 krol Le 11/11/2019

    Ce serait une expérience à tenter, donc. Malgré ce malaise dont tu parles. Je le note.
    Haneke a fait de très bons films que j'ai adorés, mais je n'ai pas lu de très bonnes critiques sur celui-ci...
    marilire

    marilire Le 12/11/2019

    A tenter même pour ce malaise, la plume est pointue et puissante !
  • Jérôme

    12 Jérôme Le 13/11/2019

    La musique ce n'est vraiment pas mon truc mais tu es tellement enthousiaste...
    marilire

    marilire Le 14/11/2019

    Il y a la musique mais pas que, loin de là. J'ai été soufflée par la puissance de l'écriture, la violence des thèmes.
  • Eva

    13 Eva Le 14/11/2019

    Bonjour Marilyne,
    J'ai lu ce livre il y a très très longtemps donc j'en garde un souvenir plutôt flou. C'est en tout cas un livre assez fascinant si on peut dire (comme son auteure !). J'ai vu le film également - Annie Girardot et Isabelle Huppert m'ont impressionnée !
    marilire

    marilire Le 15/11/2019

    Fascinant, c'est le mot. C'est cette atmosphère qui reste.
  • Goran

    14 Goran Le 14/11/2019

    Je n’ai pas lu le livre, mais j’ai adoré le film...
    marilire

    marilire Le 15/11/2019

    Je n'ose pas, pour le film...
  • lili

    15 lili Le 15/11/2019

    Je garde un souvenir hyper malsain de l'adaptation ciné, très violente à tous points de vue (je l'ai vu lors de sa sortie au cinéma donc ça date). C'est probablement un des films qui m'a mis le plus mal à l'aise. Le jeu des acteurs par contre, dans mon souvenir, est impeccable.
    marilire

    marilire Le 15/11/2019

    C'est bien comme ça que j'imagine le film... ce qui correspond à l'atmosphère du roman, avec cette violence.

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