
- Futuropolis - Avril 2023
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- Traduit de l'espagnol par Charlotte Le Guen -
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Le chant des Asturies est une véritable fresque : en 4 tomes ( la parution du dernier volume est annoncée pour 2024 ), elle raconte l'Espagne des années 30. L'auteur, Alfonso Zapico, signe le scénario comme le dessin, appuyé sur de nombreux documents. Pour autant, cette BD n'est pas un documentaire. Un réel souffle narratif entraîne le lecteur dans ce récit parfaitement incarné par de nombreux personnages sans que l'on s'y'égare, rythmé par des chapitres.
Les dessins, en noir et blanc, aux camaïeux de gris éloquents, au trait fin et fouillé, sont au plus près des personnages, attitudes et expressions. Justesse des dialogues comme des silences, le découpage dynamique sert la narration tendue, à la fois informative, démonstrative, et romanesque.
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Une double page de préface, par l'historien Jesus Alonso Carballès, professeur de civilisation de l'Espagne contemporaine ( Université Bordeaux Montaigne ), contextualise : la Seconde République proclamée en avril 1931, le gouvernement de Manuel Azana, les Asturies région minière du Nord, les deux ans de réformes radicales, les oppositions parce que trop, les grèves parce que pas assez.En 1933, les élections amènent à l'Assemblée une majorité de droite conservatrice. Les clivages et les tensions se cristallisent. Des insurrections éclatent. Sur les conseils du général Franco, le gouvernement dépèche l'armée d'Afrique, des légionnaires, pour briser le mouvement, réprimé par de violents affrontements puis répression.
En 1934, l'insurrection dans les Asturies a duré, elle a été meurtrière.
" Dans Le chant des Asturies, Alfonso Zapico réussit à reconstituer l'histoire de la Commune des Asturies. Il le fait avec un objectif manifeste : sauver la mémoire et l'identité des protagonistes d'une révolution oubliée. "
Le romanesque, dans ce récit, c'est la romance, l'histoire d'amour compliquée, avec un personnage témoin et liaison : Tristan Valdivia, jeune héritier, qui rentre au pays après des années madrilènes durant lesquelles il a tenté le journaliste et l'édition. Il publiait des poètes russes. Des poèmes parsèment les pages, comme une voix off, sa voix. Il rentre, à contre coeur, peu attiré par ce monde des " puissants ", il est " en sursis " : malade, certainement tuberculeux, solitaire, il revient sur le domaine de son père, marquis, propriétaire, actionnaire des mines de charbons de la région qui emploient la population. Tristan est sombre, désabusé, il persiste à fumer beaucoup, à boire.
Il est " comme la République : pour l'instant je tiens le coup, et dès que je me relacherai... Ce sera foutu pour moi ! "
Tristan rencontre puis fréquente la bonne de la maison, Isolina; n'osant lui avouer son identité au premier abord. Par elle, fille d'un contremaître des mines, Apolonio, il approche le monde ouvrier qu'il ne connaît que de loin, par des amitiés de jeunesse, des hommes devenus journalistes militants.
Ce premier tome déploie la situation de cette région pauvre, sans concession : les luttes partisanes - entre communistes, socialistes, syndicats -, la misère, le travail des enfants, la révolte qui gronde, l'insurrection qui se prépare, le patronat qui ne prend pas la mesure de la colère retranché dans sa vision archaïque. Par le personnage du contremaître Apolonio, l'auteur nous montre un homme indigné par le malheur et l'injustice sans qu'il soit attiré par la théorisation des partis.
Plusieurs doubles pages, à lire à la verticale, présente des Une du journal ouvrier, nous permettant de suivre la chronologie sociale et politique espagnole.
Les dessins de couverture de ce premier tome ( avec Apolonio au centre ) sont parfaitement représentatifs du style et du ton.
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- Parution du second tome le 21 juin -

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- Le troisième tome est prévu pour l'automne -
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Commentaires
1 Kathel Le 15/06/2023
marilire Le 16/06/2023
2 nathalie Le 15/06/2023
marilire Le 16/06/2023
3 A_girl_from_earth Le 16/06/2023
marilire Le 18/06/2023