Le jour avant le bonheur - Erri de Luca

Le jour de luca- Folio 2012 -

- Traduit de l'italien par Danièle Valin -

.

Revoir Naples... avec Erri de Luca.

Le jour avant le bonheur est un récit d'initiation et de transmission, rythmé par les parties de scopa, ce jeu de carte italien. Il se déroule dans les années 50, les souvenirs de la Seconde Guerre Mondiale sont encore prégnants. 

Le narrateur de ce roman est un jeune orphelin. Il a dix-sept ans, il termine ses études poursuivies grâce à une bourse. Il a été pris en charge par une " mère adoptive " absente, c'est une adoption qui se limite à l'aspect financier. Il vit dans un réduit d'un immeuble populaire, dans une rue étroite, avec une cour et la loge du concierge, don Gaetano, orphelin également, qui sera comme son père adoptif, son mentor, en toute discrétion. Il veille. Il raconte. Il sait, se taire aussi.

Dans les récits d'Erri de Luca, chaque moment, chaque mot, chaque rencontre, prend sens; les sensations, le corps, toujours présents. Ce roman, malgré sa cruauté, est un beau roman. Les dialogues font mouche comme les réflexions du narrateur sur ses expériences. 

- " Comment se fait-il que je n'aie pas eu peur ? Je compris que ma peur était timide, elle avait besoin d'être seule pour sortir à découvert. Mais là, il y avait les yeux des enfants au-dessous et ceux de la fillette au-dessus. Ma peur avait honte de sortir. Elle se vengerait ensuite, le soir, au lit, dans le noir, avec le bruissement des fantômes dans le vide. "

- " A l'école, il y avait les pauvres et les autres. A onze heures, ceux de la pauvreté comme moi recevaient du pain avec de la confiture de coing que leur donnait le surveillant. Avec lui entrait une odeur de four qui fondait dans la bouche. Les autres n'avaient rien, seulement leur goûter apporté de chez eux. [...] On écrivait avec une plume et de l'encre versée dans un trou de notre pupitre. Ecrire était une peinture, on trempait sa plume, on faisait tomber les gouttes jusqu'à ce qu'il n'en reste q'une avec laquelle on arrivait à écrire la moitié d'un mot. Puis on la trempait à nouveau. Nous de la pauvreté, nous séchions notre feuille à la chaleur de notre respiration. Sous notre souffle, le bleu de l'encre tremblait en changeant de couleur. Les autres l'essuyaient avec un buvard. Le vent que nous faisions sur la feuille à plat était le plus beau. Les autres écrasaient les mots sous leur petit carton blanc. "

Le jour avant le bonheur, c'est aussi le roman de la ville. Don Gaetano raconte l'insurrection de septembre 1943, la guerre qui révèle les personnalités, la violence, la foule qui devient peuple, la libération.

Tu cherches à tout prix un saint. Il n'y en a pas, pas plus que des diables. Il y a des gens qui font quelques bonnes actions et une quantité de mauvaises. Pour en faire une bonne, tous les moments se valent, mais pour en faire une mauvaise, il faut des occasions, des opportunités. La guerre est la meilleure occasion pour faire des saloperies. Elle donne la permission. En revanche, pour une bonne action, aucune permission n'est nécessaire. "

Sur les pages, il y a les lieux que j'ai retrouvés à plaisir, Piazza Dante, le Vomero, le Capodimonte, Mergellina, le Castel dell'Ovo, la mer, les îles, le golfe, le Vésuve. Il y a la présence américaine et une histoire d'amour d'enfance mêlée à la Camorra. C'est le sang de Naples dans ce récit, sa langue, les expressions napolitaines parsemant les phrases. C'est aussi le roman de ceux qui prennent la mer, qui embarquent, pour fuir la misère, la mafia...

Ce roman d'origine, s'il dévoile finalement les parents du narrateur, nous raconte avant tout l'attachement à la ville comme filiation.

Et puis, encore, il y a les livres, ce formidable libraire Don Raimondo, celui qui prête, qui conseille. 

Platon dupait le lecteur, il mettait dans la bouche de son maître et des autres ce que bon lui semblait. Il restait caché derrière eux. Est-ce ainsi que fait un  écrivain ? Certes non. L'écrivain doit être plus petit que la matière dont il parle. On doit voir que l'histoire lui échappe de tous les côtés et qu'il n'en recueille qu'une faible partie. Celui qui lit apprécie cette abondance qui déborde de l'écrivain.  "

.

Je ne vous impose pas tous les liens vers les articles de ce blog liés à Erri De Luca, vous pouvez les retrouver ICI ( y compris pour la rencontre ).

J'ajoute seulement cette information : paru en février 2021 en Poésie/Gallimard

Poesie de luca.

- Présentation de l'éditeur ICI  avec un podcast d'un entretien.

*

Commentaires

  • Bono Chamrousse

    1 Bono Chamrousse Le 16/05/2021

    C'est le premier De Luca que j'ai lu ! Je me souviens avoir adoré malgré la faible épaisseur du livre (à l'époque, je me sentais toujours arnaquée si ce n'était pas un pavé... heureusement, j'ai évolué depuis ! MDR !) mais je ne me rappelle plus trop de l'intrigue. En tout cas, tu m'as vraiment donné l'envie de mettre De Luca au programme de mes prochaines lectures (surtout que j'ai quelques titres dans ma PAL).
    Bisous :-*

    PS Je me demande pourquoi je n'avais pas eu l'idée jusqu'ici de m'inscrire sur ton blog
    marilire

    marilire Le 17/05/2021

    Tu es inscrite maintenant, et je t'en remercie. Cela veut-il dire qu'il va falloir que je publie régulièrement ? ;-)
  • Kathel

    2 Kathel Le 16/05/2021

    Celui-ci je l'ai lu. J'ai une préférence pour ses romans plus récents, je ressens peut-être un peu de saturation concernant les romans d'apprentissage.
    marilire

    marilire Le 17/05/2021

    Les romans d'apprentissage n'ont pas ma préférence non plus. Mais celui-ci, c'est De Luca ^-^. Et puis, je voulais le lire sur Naples.
  • Anne

    3 Anne Le 16/05/2021

    Je ne l'ai pas (encore) lu, celui-ci mais tout compte fait j'en ai encore pas mal à lire de cet auteur... J'en sortirai peut-être un titre, pas prévu mais un petit livre passe mieux en ce moment (quoique je suis dans un bon thriller italien de plus de 500 pages et ça fait du bien !)
    marilire

    marilire Le 17/05/2021

    Oh, tu me rends curieuse avec ton thriller italien ! De De Luca, j'ai lu également Noyau d'olive, que je n'ai pas chroniqué. Je vais poursuivre la lecture de ses textes sur la Bible. De Luca, c'est exactement le type de lecture dont j'avais besoin avant de me lancer dans un pavé.
  • krol

    4 krol Le 16/05/2021

    De cet auteur, je n'ai lu que son dernier Impossible, qui ne m'a pas laissé un souvenir impérissable. Il faudrait que j'en lise d'autres...
    marilire

    marilire Le 17/05/2021

    Peut-être, ou pas, sa prose et/ou l'esprit de ses récits ne te conviennent peut-être pas.
  • keisha

    5 keisha Le 17/05/2021

    Hélas je ne suis pas trop attirée par l'auteur, je dis hélas car les avis sont bons...
    marilire

    marilire Le 17/05/2021

    Trois fois hélas ;-). Mais je ne suis pas inquiète, tu sauras te consoler avec d'autres auteurs italiens.
  • Bono Chamrousse

    6 Bono Chamrousse Le 17/05/2021

    Marilyne, je serais effectivement ravie si tu publiais un peu plus ;-) :-*
    marilire

    marilire Le 17/05/2021

    Ce n'est pas gagné... ( mais le prochain billet est programmé :))
  • eimelle

    7 eimelle Le 17/05/2021

    il parle si bien de Naples !
    marilire

    marilire Le 17/05/2021

    Nous avons tellement envie d'y retourner !
  • Jourdan

    8 Jourdan Le 27/07/2021

    J’ai vraiment du mal à vous poster un commentaire.
    Je réessaierai une autre fois.
    Je voulais juste dire que j’appréciais l’auteur.
    marilire

    marilire Le 29/07/2021

    Je vous remercie pour vos commentaires malgré la difficulté. Je suis peu active/disponible en ce moment. J'espère que nous nous retrouverons dès septembre. Lire Erri de Luca est toujours enrichissant. Belles lectures à vous.

Ajouter un commentaire