Le Maître et Marguerite - Mikhaïl Boulgakov

Le maitre et marguerite pavillons poche ne

- Robert Laffont - Collection Pavillons Poche 2018 -

- Traduit du russe par Claude Ligny, révisé par Marianne Gourg -

Pour retrouver l'homme qu'elle aime, un écrivain maudit, Marguerite accepte de livrer son âme au diable. Version contemporaine du mythe de Faust, transposé à Moscou dans les années 1930, Le Maître et Marguerite est aussi l'une des histoires d'amour les plus émouvantes jamais écrites. Mikhaïl Boulgakov a travaillé à son roman durant douze ans, en pleine dictature stalinienne, conscient qu'il n'aurait aucune chance de le voir paraître de son vivant. 

.

Ayant déjà lu Mikhaïl Boulgakov, je pensais connaître l'auteur. J'avais lu J'ai tué puis le Récit d'un jeune médecin. Je sais maintenant que je connaissais bien moins que je ne croyais cet auteur.

Ce roman est incroyable. Je suis allée de surprises en surprises ! J'avoue qu'une centaine de pages a été nécessaire pour m'adapter à cette lecture ( sur plus de 600, ça reste raisonnable ), à son ton, à son rythme.

La première surprise, ce fut le double récit : je ne m'attendais pas du tout à lire un roman dans le roman, des chapitres du roman du Maître sur Ponce Pilate. Je n'étais pas du tout prête à croiser Yeshoua sur le chemin de croix, à partager les affres du procurateur romain de Judée. Double surprise, ayant lu que Le Maître et Marguerite était une réécriture du Faust, j'avais imaginé que le Maître du titre était le Diable. Non, non, c'est l'écrivain dont nous ne saurons jamais le nom. Et puis j'attendais Marguerite - Marguerite qui n'arrive pas -, qui est annoncée en fin de première partie ( relatant le chaos lié à la présence du Démon à Moscou, avec une formidable séance au théâtre du " magicien noir " ) pour occuper la seconde partie.

Ce roman est aussi fantaisiste que fantastique, foisonnant et dense, il est impossible à résumer, ce serait dommage, le limiter. Nombre de scènes, de passages, sont d'anthologie. De nombreux personnages se croisent, les genres se mêlent. 

J'ai également été surprise ( et c'est certainement ce qui a retardé " le plongeon " dans le récit ) par la nécessité de lire les notes en bas de pages pour apprécier certaines références implicites et/ou le contexte. Ce qui ne m'a gênée en rien, comme les récits enchâssés. J'ai absolument adoré cette lecture.

Qu'est-ce que ce roman terriblement drôle ? Là, encore, étonnement, je ne pensais pas m'amuser autant, voir pouffer de rire. Ce n'est pas le souvenir que j'avais de mes précédentes lectures de grands romans russes, prenants, passionnants, impresionnants. Tous ces adjectifs se prêtent au Maître et Marguerite, la dérision et le sourire en plus. Alors, ce roman, c'est une critique magistrale de la dictature stalinienne, saisie au quotidien moscovite, c'est une réflexion sur la foi, la folie, la vérité, la création, de liberté de choix, c'est une parodie de roman gothique, c'est une histoire d'amour, un roman philosophique, c'est... fantastique ! Les descriptions sont splendides, touches poétiques en tableaux, les jeux de lune et de soleil rythment la lecture; une histoire d'ombres et de lumières. Il y a une magie sur ces pages.

Les scènes récurrentes dans l'asile psychiatrique sont fabuleuses, parmi mes favorites. Ce roman débridé joue avec toutes les gammes de l'humour, de l'ironie au burlesque, jusqu'à l'absurde ( politique ).

Un grand moment de lecture ( bon, je ne me suis pas amusée à compter le nombre de fois où le mot Diable apparaît, au moins 666 fois... )

Ce roman a été le dernier écrit par Mikhaïl Boulgakov, publié plus de vingt ans après son décès ( en 1966, dans une version censurée. Cette traduction Pavillon Poche respecte l'oeuvre intégrale, signalant entre crochets les passages rétablis ). Dans la seconde partie, des pages ont été dictées par l'auteur alité, mourant, à son épouse, il n'a pas eu le temps de la relire.

Pour le plaisir :

Oui, il y avait des victimes, et ces victimes exigeaient une enquête. D'autres vinrent s'y adjoindre même après le départ de Woland [ le diable ]. J'ai nommé - et cela est bien triste - les chats noirs. Une centaine environ de ces animaux paisibles, utiles et amis de l'homme furent exécutés à coups de feu ou exterminés par d'autres procédés, en différentes localités du pays. Une quinzaine de chats, parfois dans un état lamentable, furent présentés aux postes de milices de différentes villes. C'est ainsi qu'à Almavir un citoyen dont nous ignorons le nom présenta à la milice une de ces innocentes bêtes, les pattes de devant attachées. [... ] Le chat noir ne pouvait que rouler des yeux de martyr. Privé par la nature du don de la parole, il n'avait aucun moyen de se disculper. Le pauvre animal dut son salut, en premier lieu, à la milice, et en second lieu, à sa maîtresse, une vieille veuve tout à fait respectable. Dès que le chat fut au poste, on s'aperçut que le citoyen exhalait une forte odeur d'alcool, en conséquence de quoi ses déclarations furent accueillies avec le plus grand scepticisme. Entre-temps, comme la vieille avait appris par ses voisins qu'on avait fait main basse sur son chat, elle courut à la milice, et for heureusement, arriva à temps. Elle fournit à son chat les références les plus flatteuses, expliqua qu'elle le connaissait depuis cinq ans, époque à laquelle il n'était qu'un petit chaton, déclara qu'elle répondait de lui comme d'elle-même, et témoigna qu'il navait fait aucun mal et n'était jamais allé à Moscou. C'est à Almavir qu'il avait grandi, et appris à attraper les souris.

Le chat fut détaché et rendu à sa maîtresse, après avoir bu, il est vrai, cette coupe amère : apprendre par expérience ce que sont l'erreur et la calomnie. "

.

- il va quand même falloir que je relise le Faust de Goethe, lu il y a .... -

- Le pavé de l'été avec Madame Brize ( oui, l'été dure jusqu'au 30 septembre, c'est évidemment diabolique :))-

*

Commentaires

  • Ingannmic

    1 Ingannmic Le 29/09/2019

    J'avais été emballée moi aussi, par la richesse, l'humour, l'inventivité de ce texte, et pourtant, j'en ai presque tout oublié (sauf le début..)
    marilire

    marilire Le 02/10/2019

    Peut-être à cause des nombreuses péripéties. Certaines scènes me resteront en mémoire.
  • Kathel

    2 Kathel Le 30/09/2019

    Lu il y a quelques années, j'avoue que je ne m'en souviens que dans les grandes lignes : c'est tellement foisonnant ! J'avais aimé, en tout cas.
    marilire

    marilire Le 02/10/2019

    Oui, comme Ingannmic, et je comprends. Quel plaisir de lecture, en tout cas.
  • niki

    3 niki Le 30/09/2019

    et dire que je ne l'ai jamais lu - je crois que c'est le fait que ce soit un pavé qui m'a retenue - mais je n'abandonne pas l'idée de le découvrir
    marilire

    marilire Le 02/10/2019

    Oui, je n'ai cessé de reporter la lecture du fait qu'il s'agit d'un pavé, en attendant le fameux bon moment...
  • Dominique

    4 Dominique Le 30/09/2019

    J'ai un peu de mal avec le fantastique mais j'aime Boulgakov pour son Roman de Molière ou surtout pour la Garde Blanche moins pour ce roman ci mais le talent est toujours au Rendez vous
    marilire

    marilire Le 02/10/2019

    Pas spécialement fan de fantastique non plus, mais ici c'est tellement savoureux. Je vais voir ce Roman de Molière.
  • Goran

    5 Goran Le 30/09/2019

    C'est l'un de mes livres préférés...
    marilire

    marilire Le 02/10/2019

    Je comprends bien pourquoi :)
  • Autist Reading

    6 Autist Reading Le 30/09/2019

    Pouffer de rire avec ce roman ? Je ne l'aurais jamais cru si ce n'était pas toi qui le disais !
    Je suppose que c'est un argument supplémentaire qui devrait finir par convaincre de m'y plonger à mon tour. Depuis que je blogue, ce roman fait des apparitions récurrentes chaque année... ce qui est plutôt bon signe.
    marilire

    marilire Le 02/10/2019

    J'ai le rire facile ;) . C'est un roman qui ne laisse indifférent. Si tu te laisses emporter par le récit, c'est gagné !
  • maggie

    7 maggie Le 30/09/2019

    J'ai adoré ce roman ! J'ai aussi aimé le burlesque et l'absurde pour dénoncer un régime...
    marilire

    marilire Le 02/10/2019

    Et pas que le régime, les portraits disent aussi beaucoup de l'âme humaine.
  • krol

    8 krol Le 01/10/2019

    Encore un auteur que je n'ai jamais lu... et un de plus...
    marilire

    marilire Le 02/10/2019

    Un de plus... nos listes sont sans fin !
  • Cléanthe

    9 Cléanthe Le 03/10/2019

    Ce que j'ai lu de Boulgakov m'a beaucoup plu aussi (notamment sa biographie de Molière). Mais je n'ai pas encore lu ce roman.
    marilire

    marilire Le 03/10/2019

    A lire ! De mon côté, je note la biographie de Molière, je ne connaissais pas.
  • Tania

    10 Tania Le 03/10/2019

    A relire, certainement - on ne s'ennuie jamais avec Boulgakov !
    Je me demandais en quoi consistait cette version "révisée", je suppose que c'est celle de mon exemplaire qui date de 1985, du même traducteur.
    marilire

    marilire Le 04/10/2019

    Dans cette version, les passages qui étaient supprimés dans les premières versions sont ajoutées et signalées. Il y a aussi de nombreuses notes.
  • Annie

    11 Annie Le 03/10/2019

    Je ne suis pas certaine que ce roman soit pour moi en ce moment. J'ai envie/besoin de choses plus fluides...
    marilire

    marilire Le 04/10/2019

    Je comprends, ce roman il faut entrer dedans, le début peut rebuter, puis ensuite se laisser emporter par la fantaisie du récit ( avec les nombreux personnages ).
  • MTG

    12 MTG Le 05/10/2019

    Un peu trop dense et référencé si je puis dire. Pourtant, il y a tous les ingrédients et sien plus c'est décapant...
    marilire

    marilire Le 07/10/2019

    Absolument décapant ! Je ne m'y attendais pas du tout.
  • Alys

    13 Alys Le 05/10/2019

    Super intéressant! J'ai étudié un extrait de ce livre quand j'étais en troisième et il m'a beaucoup marquée, mais je n'ai jamais lu le roman. Tu donnes envie!
    marilire

    marilire Le 07/10/2019

    Oh, je ne pensais pas que ce roman était approché en troisième, c'est certain qu'il doit paraître impressionnant. Je ne peux que te conseiller de t'y plonger quand tu en auras la disponibilité.
  • ellettres

    14 ellettres Le 09/10/2019

    Mon frère m'a offert ce roman il y a déjà deux ans en me conseillant vivement de le lire, mais je n'avais pas encore sauté le pas (les premières pages m'avaient paru vraiment trop "bizarres" mais je ne l'avais pas définitivement mis de côté). J'y repensais justement ces derniers jours. Ta chronique tombe à pic pour me faire basculer ! Et cela me rassure que tu dises qu'il faut environ 100 pages pour vraiment plonger dedans, cela m'incite à la persévérance.
    marilire

    marilire Le 09/10/2019

    Disons que c'est une expérience de lecture ;). Il m'a fallu autant prendre le rythme que prendre celui de me laisser aller à cette fantaisie fantastique, à sa densité. Je ne peux que te recommander cette expérience à mon tour.

Ajouter un commentaire