Les fêtes du commissaire Ricciardi

En novembre dernier, je vous présentais une série policiaire de l'auteur italien Maurizio de Giovanni; les enquêtes du commissaire Ricciardi se déroulant à Naples au début des années 30 ( chronique ICI ).

La série débute avec quatre titres, un pour chaque saison. Elle se poursuit avec les fêtes, deux autres titres, l'un pour Noël, l'autre pour Pâques.

Noel ricciardi

- Rivage Noir - 2018 -

- Traduit de l'italien par Odile Rousseau -

En cette fin d'année 1931, Naples est en pleine effervescence à l'approche des fêtes de Noël. Et pourtant, en cette période de réjouissances, une note discordante résonne : dans un luxueux logement près du port, on retrouve les corps d'un "centurion" de la milice fasciste et de son épouse, baignant dans leur sang. Flanqué de son fidèle adjoint le brigadier Maione, le commissaire Ricciardi va une fois encore traquer la vérité dans les rues de la ville où le crime ne connaît pas de trêve.

Je ne reviendrai pas dans ce billet sur les personnages, leurs interactions. Ces deux romans sont aussi prenants que les précédents, et touchants, parce que Maurizio de Giovanni sait aussi nous raconter ses personnages, approcher leurs émotions, nous les faire partager, que ce soit leurs douleurs et leurs troubles ou leur ferveur. Je crois les avoir même appréciés encore plus, ces deux titres,  et ce pour deux raisons, hors l'intrigue toujours aussi bien menée.

La première tient au contexte historique qui se développe, se mêle à l'intrigue. La politique fasciste n'est plus seulement un environnement, une atmosphère, elle pèse sur les personnages. Cette politique devient concrète, quotidienne, pour les êrsonnages et le lecteur, qui en lit les conséquences, les implications, dans la vie des Napolitains.

La seconde pour l'attention portée aux traditions des fêtes ( comme en témoigne la beauté des illustrations de couverture ), les symboliques. Ce titre sur Noël s'attarde sur la crèche, son art, ses représentations, au point que l'une des figurines, ce qu'elle incarne, intervient dans l'intrigue. A Naples se trouve un musée des santons, c'est une tradition et un artisanat perpétués. Ainsi, l'auteur développe en parallèle ce contexte culturel.

La crèche est l'une des plus anciennes et des plus nobles traditions de notre peuple. A travers elle, durant les différents moments de l'histoire de notre ville, ont été représentés des situations et des personnages dignes de faire partie de l'imagination populaire. Vous voyez, chaque crèche, même la plus modeste, présente trois niveaux : tout en haut le château d'Hérode qui représente le pouvoir et la prévarication; au milieu, la campagne avec les troupeaux, les bergers et tout le reste; en bas, au premier plan, la grotte avec la Nativité. Et éparpillées dans le paysage, les ruines du temple, symbolisant le triomphe de la chrétienté sur les dieux païens, la taverne qui représente l'attirance humaine pour le vice, etc. Chaque élément de la crèche a une signification et beaucoup en ont plusieurs.

Ricciardi écoutait attentivement.

- Chaque objet peut avoir plusieurs significations, dites-vous. Pourriez-vous me donner un exemple, mon père ? [...]

- Certainement. On va commencer par les lieux et les éléments architecturaux. Je vous ai déjà tout dit sur le temple et la taverne; sur cette dernière je préciserai que le banquet qui s'y déroule fait allusion au refus des auberges d'accueillir la Sainte Famille pour la nuit. Elle représente la méchanceté humaine et l'égoïsme, que l'avènement du Christ éclairera. Le four, là, est toujours présent : il symbolise un des plus vieux métiers, ainsi que le pain qui, avec le vin, est une des bases de notre foi. Le pont sur le fleuve, que vous voyez au second plan, fait référence à une ancienne légende selon laquelle trois petits enfants ont été ensevelis dans ces fondations, sacrifiés pour soutenir solidement les arches par un enchantement. Le pont incarne l'union entre le monde des vivants et celui des morts. Même le puits, qui ne manque jamais, représente un lien direct entre notre monde et les Enfers. Comme vous le voyez, l'obscurité et le mal figurent également dans la crèche. Comme dans la vie, n'est-ce pas ? "

.

- Le billet d'Annie ?ICI , qui vous en dira plus sur l'intrigue et sur ce contexte culturel ( avec photos )-

.

Paques ricciardi

- Rivage Noir - avril 2019 -

- Traduit de l'italien par Odile Rousseau -

Une semaine avant Pâques, dans le Naples fasciste de 1932, une prostituée de luxe connue sous le nom de Vipera est assassinée dans un bordel de première classe, le Paradiso. Son dernier client jure qu'elle était bien vivante quand il l'a quittée, le suivant dit l'avoir retrouvé étouffée sous un oreiller. Alors que la ville s'apprête à célébrer en grande pompe la résurrection du Christ, le commissaire Ricciardi devra démêler un noeud d'avidité, de jalousie et de rancune afin de résoudre l'énigme de la mort de Vipera.

Plus je lis cette série, plus je l'apprécie, pourtant conquise dès le premier titre. Pas de lassitude, ni de sensations de répétition des mécanismes ou ficelles de l'intrigue. Maurizio a la plume aussi noire que sensible. J'ai dévoré ce dernier roman passé en format poche, il est passionnant. L'inquiétude et la crainte s'installent, les silences aussi. Le ton se durcit autant pour le contexte mussolinien qui répand son ombre délétère mettant en péril les personnages, les mettant face à des choix, toujours insatisfaisants, que par le propos, féministe, sans pourtant jouer une gamme monochrome.

Ce que Lucia avait bien à l'esprit, c'étaient les mots du commerçant qui lui avait conseillé, pour son propre bien et surtout pour celui de ceux qu'elle aimait, de se taire. Devant n'importe qui. C'était une expression de certitude et de peur. Une expression qu'elle connaissait et qui en disait beaucoup plus que les quelques mots chuchotés au milieu de la rue. Lucia ne s'intéressait pas à la politique : pour elle, tout le monde se valait, mais il est vrai que les choses étaient en train de changer. Chaque jour on apprenait qu'il y avait eu un tabassage, des blessés, une arrestation. "

Ce roman est bouleversant, bouleversant d'humanité, de désirs, de gâchis, d'horreurs et d'absurde fascistes, de sacrifices. Maurizio de Giovanni nous parle de la beauté, de la puissance et la douleur que peut donner la beauté, de la malédiction que la beauté peut être pour une femme à cette époque, selon son milieu, pas seulement dans les milieux défavorisés - " La beauté est un délit impardonnable " - " La beauté, commissaire, il faut pouvoir se la permettre " -;  un sujet que l'auteur avait déjà approché dans un précédent titre. Et, à nouveau, Maurizio de Giovanni sait trouver les mots pour dire le printemps, l'air du printemps changeant et chantant l'amour.

Le printemps avait décidé de revêtir son plus bel habit pour rencontrer Pâques. L'air était vif comme un vin nouveau et traîtreusement soûlant, rempli de promesses qu'il n'avait pas l'intention de tenir. "

Comme pour Noël, sur ces pages, l'auteur s'intéresse aux traditions et les symboliques de la fête chrétienne, les plats composant le repas ainsi que sur les légendes napolitaines, la Naples d'avant la chritiannisation avec la sirène Parthénope ( la légende ICI ), figure fondatrice et protectrice. L'auteur mêle tous ces sujets autour de la pastiera, gâteau pascal originaire de Naples; ce gâteau que prépara Parthénope avec tout ce qu'offre de bon le printemps, pour apaiser son père Mare affamé. Repus, il calma la tempête, les pêcheur purent rentrer dans leur famille.

.

La série se poursuit, en français, à paraître en grand format début juin : L'Enfer du commissaire Ricciardi.

- Participation au mois italien organisé par Martine -

*

Commentaires

  • Gwenaelle

    1 Gwenaelle Le 28/05/2019

    J'en ai lu deux de cette série assez récemment, et comme toi, j'ai beaucoup apprécié ma lecture. On s'attache aux personnages, à l'atmosphère et à la subtilité des récits.
  • Marilyne

    2 Marilyne Le 28/05/2019

    @ Gwenaelle : oui, je te rejoins. Ces livres, au fil des parutions maintenant, sont devenus des rendez-vous pour moi.
  • keisha

    3 keisha Le 28/05/2019

    Il va bien falloir que je le découvre!
  • maggie

    4 maggie Le 28/05/2019

    La couverture du Noel du commissaire est magnifique, tu as raison ! J'avais noté déjà cet auteur de romancier mais je n'ai pas encore choisi le titre. Pour l'instant, j'ai commencé le dernier Connely.
  • Marilyne

    5 Marilyne Le 28/05/2019

    @ Keisha : l'auteur écrit aussi une série policière se déroulant dans la Naples contemporaine. Tu as du choix :)

    @ Maggie : ah, Connoly, on n'est pas du tout dans le même genre... Pour Maurizio de Giovanni, c'est bien de commencer par le premier - L'hiver - pour suivre les personnages.
  • Anne

    6 Anne Le 28/05/2019

    Trop occupée hier et aujourd'hui (rencontre en librairie chez TuliTu... parfois il y a des priorités, hein), j'écrirai mon billet demain. Et chez TuliTu il y avait tous les titres sauf celui que je veux pour continuer la série !!!
  • Bonheur du Jour

    7 Bonheur du Jour Le 29/05/2019

    Je suis une fan absolue de Ricciardi ! J'aime cette série policière et j'attends la suite avec impatience.... Finalement, qui épousera-t-il ? Livia ou Enrica ?
  • Aifelle

    8 Aifelle Le 29/05/2019

    Je copie sur Keisha ;-)
  • manou

    9 manou Le 29/05/2019

    Il va bien falloir que je découvre cette série que je ne connais pas encore...peut-être cet été ?!
  • Marilyne

    10 Marilyne Le 30/05/2019

    @ Anne : je connais ce type de priorité :) Il te reste un mois pour Le printemps, tout va bien, je constate que tu as signé pour une année en compagnie du commissaire Ricciardi.

    @ Bonheur du jour : nous sommes deux ! Je ne suis pas certaine que nous aurons cette réponse, et je me demande comment les personnages vont s'en sortir dans ce contexte fasciste de plus en plus dur.

    @ Aifelle : même réponse. Tu vas tomber dans une nouvelle série policière ;)

    @ Manou : bonjour et merci pour votre visite et votre commentaire. Pourquoi pas cet été. Je me permets toutefois de vous recommander de commencer par le premier : L 'hiver. Cela peut être rafraîchissant en période estivale :)
  • Lili

    11 Lili Le 30/05/2019

    La couverture du roman de Noël est magnifique !
    Je suis ravie à la perspective que le contexte historique prenne de plus en plus d'ampleur et que l'humanité si palpable qui sourd des premiers titres perdurent tout au long de la série ! En attendant d'attaquer les fêtes : vivement l'été ! A ce propos, je crois que l'éditeur est en train de lancer une nouvelle salve de parution avec des couvertures différentes, non ?
  • maggie

    12 maggie Le 01/06/2019

    Merci du conseil ! Quel succès, j'ai vu que d'autres blogueuses aimaient aussi ces romans italiens... J'espère que j'aurai l'occasion de les lire rapidement :-)
  • Marilyne

    13 Marilyne Le 02/06/2019

    @ Lili : Comme toi, le fait que le contexte historique se développe m'accroche encore plus à la série. Pour les couvertures, c'est ce que j'ai vu, dommage, elles sont moins jolies. Bonne lecture estivale :)

    @ Maggie : Il y avait un rendez-vous autour de cet auteur dans le cadre du mois italien. Je crois que tu vas pouvoir craquer ;)
  • Annie

    14 Annie Le 02/06/2019

    Je suis entrain de lire les Pâques, et comme toi j'apprécie beaucoup et les descriptions des traditions et celles du contexte politique, qui en effet devient de plus en plus présent et prenant. Merci pour le renvoi vers mon article ! J'ai été de plus ravie d'apprendre grâce à toi que la série continuait. Je me posais justement la question ! Bonne soirée, Maryline !
  • Marilyne

    15 Marilyne Le 03/06/2019

    @ Annie : je ne suis pas étonnée que tu sois déjà plongée dans la lecture des Pâques. Je crois qu'il s'agit d'un des meilleurs romans de la série. J'ai vu qu'il y en aura d'autres après L'Enfer, il y a encore des titres non traduits qui suivent.
  • dasola

    16 dasola Le 15/06/2019

    Bonjour Marilyne, j'ai beaucoup de retard avec Ricciardi. J'ai lu 3 saisons sur 4 et j'ai Pâques, Noël et l'Enfer (paru) qui m'attendent. Le contexte historique, les années 30 en Italie est passionnant et le commissaire est un personnage bien attachant. Bon week-end.
  • Marilyne

    17 Marilyne Le 17/06/2019

    @ Dasola : bonjour Dasola, tu as déjà l'Enfer, tu es encore plus accrochée que moi, mais je crois que je ne vais pas résister longtemps... Bonne lecture à toi et bonne semaine.
  • Dominique

    18 Dominique Le 30/06/2019

    j'ai commencé la série et je crois que je vais aller au bout !!!
  • Marilyne

    19 Marilyne Le 01/07/2019

    @ Dominique : ah, je ne suis pas étonnée que tu t'y sois laissée prendre. Je comprends bien ton envie de récidive !

Ajouter un commentaire