Les sorcières de Salem - Arthur Miller

Salemmiller

- Pavillon Poche - Robert Laffont -

- Traduction et adaptation de Marcel Aymé -

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J'adore le théâtre. J'ai la chance de pouvoir assister à des représentations régulièrement. Cependant, j'en lis peu, ou alors après avoir vu la pièce sur scène, notamment dans le cas d'adaptation.

J'aimerais vraiment beaucoup voir jouer Les sorcières de Salem d'Arthur Miller, parce que la lecture de cette pièce m'a soufflée. Elle entre dans la catégorie de mes indispensables. Parce qu'elle m'a terrifiée. La démonstration est magistrale.

Cette pièce en 4 actes reprend la folie du procès dans la ville de Salem ( dans le Massachusetts ) en 1692. Les accusations de sorcellerie prirent une dimension tragique en hystérie collective, qui conduisit à des centaines d'arrestations et d'interrogatoires façon Inquisition, se soldant par plus d'une vingtaine d'exécutions.

La pièce dépasse ce cadre historique pour mettre en évidence les mécanismes de cette violence sociale. A chaque acte la tension monte. L'intensité dramatique ( c'est le cas de le dire ! ) m'a saisie. Les scènes se jouent à la façon d'un huis-clos, étouffant et nauséabond, alors même qu'il y a de nombreux personnages. La situation devient inextricable puisque toute parole et tout acte peuvent être interprétés. 

Arthur Miller met en évidence l'engrenage de la suspicion et de l'effet collectif qui détourne de la pensée rationnelle, ainsi que celui du retour en arrière impossible, remettant trop en cause les valeurs prônées. L'auteur pointe, dans cet effet collectif, l'individuel, pour ne pas écrire l'égoïsme, qui s'en mêle, s'emmêle; les conflits sous-jacents, la colère, la vengeance. Et surtout, à mon sens, il pose la question de la légitimité, de la responsabilité, des droits et pouvoirs qu'une communauté s'octroie, jusqu'à ce que le mouvement engagé ne soit plus contrôlable même par ceux qui l'ont souhaité puisque cela ébranlerait le système et les remettrait en cause. Il y a la peur, la paranoïa, l'absurde. 

Cette pièce a été écrite en 1953, c'était l'époque de " la chasse aux sorcières ", du maccarthysme. La dénonciation est évidente. Cependant, il me semble que la pièce garde une résonance contemporaine, les mécanismes sont reconnaissables dans le déni de la complexité du réel, dans les droits ( notamment à l'exercice d'une violence instituée et institutionnalisée ) que s'arrogent ceux qui affirment détenir une vérité et/ou une morale; reconnaissables aussi par l'interprétation des faits, par l'information décontextualisée au profit du " spectaculaire ", également par l'aspect Pour ou Contre, cette impossibilité de ne pas être qualifié " d'ennemi " , d'être jugé comme tel, si la pensée n'est pas partagée, s'il est émis le moindre doute. Arthur Miller nous parle de fanatisme.

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Commentaires

  • Kathel

    1 Kathel Le 13/12/2018

    Brrr, glaçant... et à lire, assurément, je me presse de noter !
  • Ingannmic

    2 Ingannmic Le 13/12/2018

    J'aime bien lire du théâtre de temps en temps. Cette pièce m'avait aussi marquée, comme Mort d'un commis voyageur, du même Miller. Et sur le même thème, il y a aussi le très bon roman de Maryse Condé, Moi Tituba, sorcière (adaptation très libre et très réussie de ce fait divers historique).
  • Marilyne

    3 Marilyne Le 13/12/2018

    @ Kathel : oui, éprouvant ! A la fois tellement ( doublement ) daté et absolument intemporel...

    @ Ingannmic : j'ai croisé ce roman de Maryse Condé. Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu de théâtre, depuis l'hiver dernier avec Ibsen. Je crois que je ne vais pas tarder pour lire " Mort d'un commis voyageur ".
  • maggie

    4 maggie Le 14/12/2018

    J'avais adoré cette pièce et son adaptation filmique ( même si c'est très classique dans la manière de filmer) Ce thème me passionne notamment parce qu'il permet d'aborder les hystéries collectives encore d'actualité...
  • Dominique

    5 Dominique Le 14/12/2018

    j'ai vu cette pièce il y a très longtemps et effectivement on ne l'oublie jamais
    j'ai du mal à lire du théâtre et je me prive de bien des plaisirs tu m'a donné envie de relire cette pièce que je dois avoir dans le fond de ma bibliothèque
  • Dominique

    6 Dominique Le 14/12/2018

    j'ai mis la main dessus je vais le relire
  • Aifelle

    7 Aifelle Le 14/12/2018

    Je n'ai vu que la version filmée. Je ne sais pas si elle est parfaitement fidèle, mais elle est terrible.
  • Annie

    8 Annie Le 14/12/2018

    Une pièce, toujours hélas d'actualité !
  • Anis

    9 Anis Le 15/12/2018

    Je ne connais pas encore mais cela m'intéresse beaucoup. je suis une mordue de théâtre.
  • Marilyne

    10 Marilyne Le 17/12/2018

    @ Maggie : clairement, les mécanismes sont mis en évidence !

    @ Dominique : comme toi, j'hésite toujours pour la lecture d'une pièce de théâtre. Mais là, je suis motivée pour poursuivre avec " Mort d'un commis voyageur ". Bonne relecture.

    @ Aifelle : j'avoue, je n'ai pas vu la version filmée. Je ne suis pas encore décidée à la regarder...

    @ Annie : c'est certain, et c'est terrible !

    @ Anis : alors cette lecture est pour toi ! J'espère connaître ton retour.
  • yuko

    11 yuko Le 18/12/2018

    J'aimerais beaucoup lire Arthur Miller. Le côté dénonciation de cette oeuvre me plait bien. Merci pour ce retour !
  • Marilyne

    12 Marilyne Le 18/12/2018

    @ Yuko : c'est une pièce très engagée. Je vais poursuivre avec la lecture de " Mort d'un commis voyageur ".
  • Lili

    13 Lili Le 13/02/2019

    En fait, le seul problème pour moi, c'est que je ne suis pas fan de lire du théâtre... Mais je suis vraiment curieuse de lire cette pièce tout de même, maintenant. J'aimerais aussi lire le bouquin d'Elizabeth Gaskell, que j'avais acheté avec toi pour offrir.
  • Marilyne

    14 Marilyne Le 14/02/2019

    @ Lili : je reconnais que je n'allais pas non vers la lecture de théâtre spontanément. Puis, j'ai pris le rythme. Et cette pièce-ci se lit comme un roman. ( ah oui, j'attends ton retour sur le Gaskell alors :))

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