La Maison où je suis mort autrefois – Keigo Higashino

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- Babel Noir / Actes Sud -

Sayaka Kurahashi va mal. Mariée à un homme d’affaires absent, mère d’une fillette de trois ans qu’elle maltraite, elle a déjà tenté de mettre fin à ses jours. Et puis il y a cette étonnante amnésie : elle n’a aucun souvenir avant l’âge de cinq ans. Plus étrange encore, les albums de famille ne renferment aucune photo d’elle au berceau, faisant ses premiers pas… Quand, à la mort de son père, elle reçoit une enveloppe contenant une énigmatique clef à tête de lion et un plan sommaire conduisant à une bâtisse isolée dans les montagnes, elle se dit que la maison recèle peut-être le secret de son mal-être. Elle demande à son ancien petit ami de l’y accompagner. Ils découvrent une construction apparemment abandonnée. L’entrée a été condamnée. Toutes les horloges sont arrêtées à la même heure. Dans une chambre d’enfant, ils trouvent le journal intime d’un petit garçon et comprennent peu à peu que cette inquiétante demeure a été le théâtre d’événements tragiques.

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Sous cette couverture magnifique et intrigante, un excellent polar qui ne doit pas décourager ceux qu’un contexte asiatique rebute. Ici, il n’apparait que par les noms propres.

Il s’agit d’un roman intimiste dans lequel la tension monte crescendo au rythme des révélations qui sont autant de questions jusqu’au dénouement. Une intrigue classique en huis-clos, une quête identitaire, une enquête sur les ombres d’un passé condamné, un devoir de mémoire motivé par ses résurgences dans un présent douloureux :

 » Je n’ai pas les capacités requises pour éduquer un enfant. Je suis incompétente. Je ne suis pas digne d’être une mère… »

Roman noir au temps de narration extrêmement resserré – quatre courts chapitres pour à peine plus de vingt-quatre heures sur 250 pages -, il prend son lecteur par son atmosphère particulière, prégnante, par la mise en abîme du récit. Il se dégage un réel malaise des pages. Sur un texte sobre – j’ai envie d’écrire neutre – les sentiments, les émotions, les personnalités se dévoilent avec force. Les descriptions de la maison pétrifiée entretiennent l’étrangeté et le malaise, l’air y est vicié, funeste. La reconstitution de l’enfance de l’héroïne tient du psychodrame, éprouvant, tant elle se confronte avec violence aux portes de sa conscience, se donnant sans protection aux images, aux sensations.

Lecture dans la lecture – c’est pourquoi il faudra pardonner quelques dialogues répétitifs et surexplicatifs qui encadrent ces textes -, nous plongeons avec Sayaka et son ami dans le journal intime de l’enfant, dans les lettres du père de la maison, pris au jeu d’une compréhension partielle des évènements du passé qui épaississent et assombrissent le mystère. Frissons nerveux, fantômes sans fantastique, dérangeante fascination hypnotique malgré l’intuition troublante de la tragédie, ce roman se dévore en retenant sa respiration. Une histoire cruelle et triste dont pourtant il émane une certaine beauté. Crépuscule et aurore amers.

 » D’ailleurs, chacun n’a-t-il pas une maison où l’enfant qu’il était est mort autrefois ? On fait seulement semblant de ne pas voir qu’il s’y trouve encore parce qu’on ne tient pas à le rencontrer. « 

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