Le livre des amours galantes - Tanehiko Ryutei

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- Editions Picquier -

- Traduit du japonais par Elizabeth Suetsugu -

Des amours japonaises, donc. Ce recueil est présenté comme les mémoires d’un libertin ayant fréquenté assidûment les courtisanes. Ce n’est pas vraiment ce que j’ai lu. Certes, trois  » carnets  » pour six saynètes pas franchement coquines mais plutôt agrémentées de scènes de sexe durant lesquelles ces messieurs gardent le contrôle et visent à l’efficacité tandis que ces dames se pâment faussement honteuses.

Ce recueil a tout du vaudeville, du feuilleton grivois illustré. Les scènes dans  » les maisons de thé  » décrivent autant les hommes en profitant pour préparer une escroquerie dont la victime sera une célèbre courtisane. Bien peu sur Yoshiwara, le quartier des plaisirs de Tokyo lorsque la ville s’appelait Edo, bien peu sur la vie des geishas. L’ensemble m’a paru fort prosaïque, limite bavard, peu érotique avec des scènes de sexe attendues; du sexe plus technique que voluptueux, focalisé sur la pénétration.

En revanche, ce qui m’a interpellée, c’est l’égalité sexuelle présidant à l’intimité, non pas pour l’expression du désir mais pour l’accès au plaisir. L’auteur situe son récit à l’époque Muromachi, c’est à dire entre le XIVème et XVIème siècle. Dans la société japonaise si codée, si retenue, pour l’époque, c’est impressionnant. Si l’érotisme ne se déploie pas dans le jeu des baisers et des caresses sur la peau ( premier étonnement pour moi qui m’attendais à ce que la beauté, la somptuosité des kimonos et des parures des femmes japonaises entrent dans le jeu alors que les kimonos sont simplement ouverts, peu souvent retirés ) parce que la relation sexuelle décrite est plus directe, dans chacune des scènes, l’homme se consacre à la jouissance de sa partenaire avant la sienne.

L’érotisme relèverait plutôt de la variété des situations qui semblent s’amuser justement de ces codes et de leur transgression dans l’intimité : soubrette, coupable abandon ( même si c’était avec son mari ) au plaisir d’une jeune mariée bourgeoise en pleine journée  dans l’une des  » pièces de vie  » de la maison et non dans une chambre, initiation d’un jeune homme de cette maison par une femme d’âge mûr, voyeurisme impromptu puis délibéré d’une fenêtre avec sourire en coin puisque la dame observée en diverses positions sans ambiguïté appartient à la bonne société, apparait dans toute sa bonne tenue plus tard. En compagnie du batelier qui la guidait...

Théâtre, c’est le mot que confirme le second intérêt de ces récits. Bien que très courts, la lecture peut en paraître ardue. De nombreux personnages se croisent, le texte est truffé de notes, ces notes renvoyant à un contexte culturel omniprésent, de nombreuses références et allusions  à des scènes de théâtre, à des personnages de légendes. J’imagine comme le lectorat de l’époque ( ce livre fut publié en 1836 ) pouvait apprécier à sa juste mesure le ton enlevé, les jeux de mots et clin d’oeil ( également explicités en notes, notamment sur certains noms ) et l’irrévérence de cet ouvrage. D’autant que ledit ouvrage est généreusement illustré d’estampes érotiques de Utagawa Kunisada ( 1786 – 1865 ), peintre d’estampes sur bois, contemporain d’Hiroshige, qui n’a pas peint que des scènes à caractère sexuel, loin s’en faut. Les estampes érotiques ont cette particularité de représenter les organes sexuels disproportionnés ( alors que les personnages ne sont pas nus ). L’illustration de couverture de ce livre est le détail de l’une d’elles.

Pour le plaisir, des estampes de Utagawa Kunisada non érotiques :

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Kunisada

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Kunisada yozakura cherry blossom at night

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