Acide, arc-en-ciel - Erri de Luca

Erri de luca

- Éditions Folio Gallimard -

- Traduit de l’italien par Danièle Valin -

Avec Jérôme, nous espérons aujourd’hui vous inviter à (re)découvrir l’univers et la plume d’Erri De Luca. Il vous présente son tout dernier titre paru « Les poissons ne ferment pas les yeux « .

Pour ma part, ce sera ce récit en trois temps. Toujours plus impressionnée et émerveillée à chaque lecture. Univers matière, plume ciselée, la prose précise, concise. L’écriture de Erri de Luca me fait vraiment songer à de la sculpture, à ce geste à la fois technique et artistique qui soumet et se soumet face à la matière pour y marquer une œuvre qui relève autant du réalisme que d’une poétique dans le brut, le rude de la vie; quelque chose de grave et lourd et qui pourtant s’attarde sur les contours et lève les yeux vers le ciel.

Récit en trois temps comme trois nouvelles liées par un narrateur. Un homme solitaire au seuil de son existence qui rappelle celles de ses amis d’enfance. Récits crépusculaires. Un chœur et un cœur. Trois récits de mémoire, témoignages d’engagement, de choix de vie ( ouvrier militant, missionnaire, un courtisan errant ). Ce sont leur voix.

« Tu cherchais en moi un témoin, appelé à être présent, à écouter le cours du temps sans pouvoir l’arrêter. »

Pas de contexte clairement défini mais c’est bien l’histoire d’une génération en filigrane. Il y a un essoufflement sur les pages, une densité entre les lignes où les émotions et l’amitié affleurent, se dessinent plus qu’elles ne s’écrivent. Trois hommes qui se racontent, reconnaissent les limites de leur choix. Il y a une vacuité, un détachement comme se détache de la vie ce narrateur qui ne s’y est jamais vraiment attachée. Une vacuité et une plénitude du regard, des mots comptés, choisis. Plus qu’un renoncement, une résignation. J’y ai retrouvé cette pudeur virile lue dans Le poids du papillon, ce regard sur les hommes et les paysages. Les hommes comme des paysages.

Et le murmure bouleversant de cet homme qui s’en va, sa solitude partagée avec les arbres du jardin et les pierres de sa maison.

« Je t’écoute à nouveau et je pense au châtaignier derrière la maison. Il est dans le champ et se dispute avec la foudre. Au cours de ces nuits-là, je restais à la fenêtre pour le regarder balayer l’air de son épaisse chevelure tenant en respect les éclaires. Je connais ses souffrances plus nombreuses que les années, plus fortes que le gel. Depuis que je l’ai planté, à chaque saison, j’ai remué sa terre. [...] Je fus très ému l’année où je ne parvins plus à l’entourer de mes bras, il était devenu trop large pour mon étreinte.

Je sais qu’il m’attend dehors, mais je ne sortirai plus à sa rencontre. Ainsi de mon corps : je vois la dureté de mes membres allongés et je dois les abandonner. « 

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