Les maraudeurs de l'obscur - Jean Jauniaux

 Maraudeursjauniaux

- Editions Luce Wilquin -

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Après la jolie lecture du roman Les mots de Maud, je désirai suivre encore la plume de Jean Jauniaux. J'ai choisi son second recueil de nouvelles, pour le thème, celui du titre.

Ces récits ne sont pas nocturnes, ni consacrés exclusivement aux SDF. Ces maraudeurs, ce sont ces personnes rejetées, les perdus de la société, qu'ils vivent dans une cabane de cartons et de tôles, dans une tranchée au fond du jardin ou dans un exil, quels qu'en soient les motifs, et l'obscur n'est pas la nuit de la rue, il est le sombre de notre société et c'est cette histoire là que Jean Jauniaux raconte, et celle des rencontres, de détresses qui se croisent. L'histoire des origines, même lorsqu'elle apparaît, n'est pas le propos.

Des nouvelles à chute, des épilogues plutôt que des pourquoi, en variations de narrations. Sur l'espace bruxellois réaliste - contexte parfaitement mis en scène, ni trop, ni trop peu - ces moments rares entre deux univers, entre générations, lorsque le regard dépasse l'apparence et les codes sociaux; les moments aussi lumineux que douloureux de l'obscur, ces rencontres marquantes qui rappellent que l'on peut être très loin et très proche, très proche et très loin... Des scènes de violences sociales au quotidien sur des textes délicats d'une réelle compassion pour chacun des personnages.

Dans ce recueil, selon l'expression de l'auteur dans deux textes, les crayons et les pinceaux sont les flèches d'un carquois. Fines flèches qui m'ont particulièrement atteinte avec L'orgue de barbarie ( l'amitié entre un écolier solitaire en souffrance et un clochard chansonnier ) et Tranchées ( le silence que va parvenir à briser un grand-père pour son petit-fils )

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" L'enfant insiste.

Il espère chaque fois sortir le vieillard de son mutisme. Il dit tout bas ce qu'il voudrait crier :

- Parle ! Parle ! Raconte ... c'est tout ce que je connais de toi, tout ce qui me relie à ton histoire, à mon histoire...

Alors, Marcellin !

Ecoute la prière de cet enfant ! Tu lui dois ce sacrifice de ton chagrin. Ne sois pas lâche. Ne fuis pas.

Raconte comment tu as sauvé ta compagnie dans la nuit d'Ypres tandis que les gaz avançaient vers la tranchée, dis-lui comment tu as été alerté par la fuite d'un rat, d'un mulot ou d'un autre rongeur que tu croyais jailli d'un rêve et qui t'avait été envoyé par un de ces anges célestes, ces chérubins qui survolent toutes choses en ce monde.

Invente !

Mens !

Fabule !

Mais parle, parle ! "

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- Mois de la nouvelle avec Flo -

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Commentaires

  • Anne

    1 Anne Le 01/06/2014

    Tu commences en beauté ! Je note ce titre, bien sûr.
  • Manu

    2 Manu Le 01/06/2014

    Un sujet qui me touche, j'ai toujours eu une affection pour ces rejetés de la société que les gens ignorent.
  • Nadège

    3 Nadège Le 01/06/2014

    J'ai lu pas mal de billets sur "Les mots de Maud", mais je n'ai pas ressenti d'élan vers ce livre, je ne pense pas que nous soyons voués à nous rencontrer à travers ce livre...

    Par contre, j'ai repéré à la FLB "L'année dernière à Saint-Idesbald" que j'ai hésité à acheter ! Et j'avoue que ce qui m'a titillée, c'est surtout une dédicace de JMG Le Clézio...

    Cependant, comme la dédicace était en fait une référence au "Pavillon des douanes", je me dis que c'est par celui-là que je rencontrerai l'auteur... Je n'ai jamais été déçue par les conseils de Le Clézio... (ni par Le Clézio, d'ailleurs... !)
  • Aifelle

    4 Aifelle Le 02/06/2014

    Je note le nom de cet auteur qui est à découvrir (ma bibliothèque evidemment ne connaît pas)
  • Marilyne

    5 Marilyne Le 02/06/2014

    @ Anne : tu fais bien de noter, je crains qu'il y ait récidive de mois belge en 2015 :D
    @ Manu : je crois que tu peux tenter ( le " rejet ", dans deux de ces nouvelles est l'exil )
    @ Nadège : effectivement, la dédicace de Le Clézio concerne le premier recueil de nouvelles " Pavillon des douanes " ( je lirai donc peut-être ton avis à propos de cette lecture ), celui-ci est le second. J'ai noté ton repéré-hésité, j'en suis très curieuse mais je suis patiente... ^^
    @ Aifelle : je pense que la découverte est tout à fait organisable via le groupe Mois belge, tu auras plusieurs titres à disposition :)
  • Mina

    6 Mina Le 02/06/2014

    Je retiens ce titre pour retrouver Jean Jauniaux et Nicolas Dostkine en quelque sorte, cela semble une belle continuité après Les Mots de Maud. Et dire que j'ai raté une rencontre avec l'auteur à la Foire du Livre...
  • Flo

    7 Flo Le 02/06/2014

    Cela pourrait me plaire mais je voudrais être sûre d'avoir bien compris cette phrase de ton billet : "Des nouvelles à chute, des épilogues plutôt que des pourquoi, en variations de narrations." > toutes les nouvelles ne sont pas "à chute" n'est-ce pas ? (sinon, je pars en courant)

    Après reste le problème Luce Wilquin mais je vais finir par noter sur un carnet à part les livres d'éditeurs belges et un jour que je me déciderai à venir à nouveau à Bxl, je purgerai la liste.
  • Marilyne

    8 Marilyne Le 02/06/2014

    @ Mina : Dommage pour la rencontre, en effet... N.Dostkine n'apparaît pas, les contextes sont plus variés que ceux suggérés dans " Les mots de Maud ", mais ce sera des retrouvailles, sans aucun doute.

    @ Flo : ce que je voulais dire par des épilogues, c'est que les nouvelles ne reviennent pas systématiquement sur les causes de la " marginalité " des personnages. En revanche, c'est toujours l'histoire de la fin de quelque chose... Non, pas toutes à chute, dans le sens surprise-coup de théâtre. Mais fin, oui. ( et variations de narrations car changement de point de vue narratif selon les nouvelles, certaines en Je )

    Je suis tout de même étonnée pour tes difficultés avec les éditions Luce Wilquin, on peut commander leurs livres en librairies ( ceci dit, c'est un excellent prétexte pour un séjour à Bruxelles, il faut qu'on s'organise ça :) )
  • Flo

    9 Flo Le 04/06/2014

    Donc fins potentiellement intéressantes...

    Je sais bien pour les commandes en librairie : je suis la première à m'en faire l'apôtre quand on m'oppose la "facilité" de passer par Zozone (ma librairie est plus efficace, plus sympa et m'envoie un texto pour me dire que le livre m'attend bien au chaud pendant un mois).

    Mais pour cela j'ai besoin :
    1. soit de bien connaître ce que je commande (et les éditions Luce Wilquin restent pour moi un flou complet. J'ai l'impression que leurs multiples lignes éditoriales tissent un schéma illisible ; en outre, et c'est certainement lié au point précédent, je n'arrive pas à m'arrêter sur un titre, un auteur. Ma biblio a le Geneviève Damas dont vous avez beaucoup parlé (me souviens plus du titre) et je n'ai même pas eu envie de l'emprunter...). Or j'achète (commande ou pas) uniquement si je le sens vraiment très bien et l'année du challenge de Mina n'a pas réussi à me convaincre.

    2. soit qu'il s'agisse d'une nécessité liée à un annif par exemple.
  • Marilyne

    10 Marilyne Le 04/06/2014

    Effectivement, je ne pratique pas non plus la commande si je ne suis pas certaine du titre que je demande ( j'ai lu trop peu de textes pour t'en recommander, du moins un avec certitude. )

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