Pas pleurer - Lydie Salvayre

 

Pas pleurer

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- Seuil 2014 - Point 2015 -

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De Lydie Salvayre, j'avais lu avec plaisir Portrait de l'écrivain en animal domestique, sans poursuivre la lecture des romans de cette auteure. 

Si celui-ci est considéré comme un roman ( comme cela est écrit sous le titre ), il s'agit d'autofiction, de témoignages retranscrits.

Dans le récit que j'entreprends, je ne veux introduire pour l'instant, aucun personnage inventé. "

Lydie Salvayre y raconte les souvenirs de sa mère, espagnole, ses souvenirs de l'été 1936, revenant ainsi sur son histoire familiale.

En 1936, la mère de l'auteure avait quinze ans dans un petit village aux règles ancestrales. Elle va vivre, à travers l'engagement anarchiste de son frère, l'euphorie de cette période de révolution, l'accompagnant dans une grande ville où elle vit intensément avant de revenir, laissant sa jeunesse derrière elle.

Ce roman est une chronique villageoise de la guerre d'Espagne, avec ses luttes fratricides, entre anarchistes, communistes, nationalistes. Ce qui fait la particularité de ce récit, c'est son ton et son style vif, cynique parfois.

Lydie Salvayre offre ses pages à sa mère, c'est son récit, dans son français  " mixte et transpyrénéen ", une langue réappropriée, absolument savoureuse. Des expressions, des phrases, en espagnol jalonnent et rythment le texte. Par les mots, nous sommes pleinement plongés dans cette immigration forcée espagnole. Le personnage de José, jeune frère de la mère de l'auteure, anarchiste enflammé puis désenchanté, m'a retenue, tournant les pages pour le suivre, son malaise, ses doutes, sa colère.

Pour autant, malgré ce contexte extrême, sa violence sociale, l'auteure parvient à partager l'atmosphère intime de cet échange avec sa mère, les émotions. Et ce qui va à la fois renforcer cette atmosphère et l'élargir, c'est que Lydie Salvayre intervient, croisant les souvenirs entre ombre et lumière de sa mère avec sa propre lecture du livre de Georges Bernanos Les grands cimetières sous la lune, dénonciation virulente des crimes phalangistes et de la complicité de l'Eglise espagnole. Sur les pages de Pas Pleurer, c'est un véritable réquisitoire contre la collaboration et les bénédictions du clergé. 

L'auteure s'attarde sur la personnalité de George Bernanos, son parcours de catholique, ses révoltes. J'avoue que c'est cet aspect qui m'a le plus accroché à cette lecture. Depuis un ( long ) moment, je suis intéressée par les écrits de G.Bernanos, ses romans comme ses essais. Ce roman a ravivé mon intérêt, j'ai cherché plus loin, lisant des articles, dans les affres du choix de la lecture à venir, pour découvrir. 

Ce roman entre " l'été radieux de ma mère, l'année lugubre de Bernanos " est un beau roman. Je lui ai toutefois préféré, sur ces thèmes mêlés de la guerre d'Espagne et de la mémoire familiale, le magnifique Monarque des ombres de Javier Cercas.

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- Lecture avec Ingannmic -

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Commentaires

  • Dominique

    1 Dominique Le 18/11/2020

    c'est un bon roman qui m'avait bien plu
    marilire

    marilire Le 19/11/2020

    Je me souviens. J'ai tardé à le lire, j'appréhendais un peu le style.
  • Jérôme

    2 Jérôme Le 18/11/2020

    Je m'empresse de noter et de surligner Monarque des ombres !
    marilire

    marilire Le 19/11/2020

    Excellent choix :)
  • krol

    3 krol Le 18/11/2020

    Comme je l'ai dit en commentaire chez Ingannmic, je n'ai pas aimé ce roman pour des raisons que j'expose dans un article (surtout pour le style si je me souviens bien). En revanche, je note Monarque des ombres.
    marilire

    marilire Le 19/11/2020

    C'est certain que le style peut rebuter ou éloigner du récit.
  • Aifelle

    4 Aifelle Le 18/11/2020

    J'ai beaucoup aimé cette lecture, dont j'ai pu écouter aussi de larges extraits dits par Maria de Medeiros (en présence de Lydie Salvayre, suivi d'un échange). Je lisais tous les premiers romans de Lydie Salvayre, j'appréciais l'étrangeté de son univers (et son style).
    marilire

    marilire Le 19/11/2020

    Quelle chance. En lecture orale, le texte devait prendre toute sa saveur et son ampleur.
  • niki

    5 niki Le 18/11/2020

    ohlala, quelle tentation ! bon je vais noter (soupir soupir :D)
    marilire

    marilire Le 19/11/2020

    Noter, noter, moui, je fais ça très bien aussi ;-)
  • papillon

    6 papillon Le 18/11/2020

    Je n'ai jamais lu Lydie Salvayre, mais je vais plutôt tentre Le Monarque des ombres, parce que j'aime beaucoup Javier Cercas !
    marilire

    marilire Le 19/11/2020

    Ah, si tu apprécies Javier Cercas, tu ne peux pas manquer ce Monarque des ombres. Cette lecture me laisse un souvenir fort.
  • Kathel

    7 Kathel Le 18/11/2020

    Comme Krol, j'ai tenté de lire Lydie Salvayre avec ce roman, et pas accroché du tout. Essentiellement le style et le parallèle avec Bernanos, ça m'a lâchée.
    marilire

    marilire Le 19/11/2020

    Notre lecture a été contraire :). Je crois que sans cette langue et les réflexions sur le parcours de Bernanos, j'aurai moins accroché.
  • Ingannmic

    8 Ingannmic Le 18/11/2020

    Je viens de réaliser que nos trois LC de cette année (Gamboa, Padura et celle-ci) ont un rapport avec l'Espagne ou un pays hispanophone.. si on avait voulu le faire exprès... ! Ravie encore une fois, ce fut une expérience de lecture réjouissante, malgré le sombre contexte, comme tu l'écris.
    J'ai lu qu'on avait reproché à Lydie Salvayre son choix narratif, de laisser de nombreux mots en espagnol. Cela ne m'a personnellement pas gênée (peut-être parce que je comprends l'espagnol, ceci dit...), au contraire, j'ai aimé la verve que cela apporte au récit..
    marilire

    marilire Le 19/11/2020

    Absolument, nous nous sommes préparés à ton rendez-vous hispanophone de 2021 :) ( je commence à mettre à jour une bibliographie sur ce blog, avec les titres sud américains déjà chroniqués ). Comme toi, j'ai apprécié ces langues mêlées, qui apportent beaucoup au récit, qui lui donne " une voix ". Sinon, avant l'hispanophone, cette année, nous avons commencé les LC à l'Est avec Olga Tokarczuk, une grande lecture.
  • Ingannmic

    9 Ingannmic Le 19/11/2020

    Mais oui, tu as raison, j'avais oublié notre -belle- lecture de mars ! J'ai hâte de découvrir ta liste "latino" ! J'ai pu commander en librairie des titres d'auteurs qui me sont complètement méconnus pour le mois de février, je suis impatiente de les découvrir ..
    marilire

    marilire Le 20/11/2020

    Ces mois thématiques sont toujours très motivants. J'aime bien ce moment de la recherche d'auteurs et de titres, cette impatience à découvrir.
  • athalie

    10 athalie Le 21/11/2020

    Effectivement, il y a quelque quelque chose de l'ordre de l'hommage à la mère de l'auteure dans ce roman, un regard tendre sur la Montse qu'elle fut et celle qu'elle est devenue, du coup, elle ne pouvait pas faire autrement que de lui laisser son langage. Et puis, je ne suis pas du tout attirée par l'oeuvre de Bernanos, mais j'ai quand même eu, du coup, la curiosité de lire quelques passages Des grands cimetières sous la lune. Il faut bien reconnaitre la grande honnêteté intellectuelle de cet écrivain, fervent catholique, et fervent dénonciateur de l'indignité de l'église.
    marilire

    marilire Le 22/11/2020

    Des grands cimetières sous la lune doit être une lecture difficile. Je pense lire un des romans de Bernanos. Merci pour ton commentaire.
  • Alys

    11 Alys Le 21/11/2020

    J'ai beaucoup aimé, notamment en raison de ce français hispanisant si particulier. <3
    marilire

    marilire Le 22/11/2020

    Cette langue donne une saveur et une couleur au récit, sa force aussi il me semble.

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