Roman d'un berger - Ernst Wiechert

Roman d un berger

- Les éditions du Typhon - 2022 -

- Traduit de l'allemand par Sylvaine Duclos -

Ernst Wiechert ( 1887 - 1950 ) fut un auteur allemand renommé. Hostile au nazisme, il fut arrêté et interné à Buchenwald en 1938. Libéré sous condition quelques mois plus tard, il poursuivit tout de même son travail d’écriture, dont un récit sur son expérience du camp, qui ne sera publié qu’après la guerre alors qu’il avait rejoint la Suisse. Tous ses livres ne sont pas traduits en français. Son titre le plus connu, le plus facile à trouver, est Les enfants Jeromine ( une chronique de Patrice ICI ).

Les éditions du Typhon - ICI - proposent une nouvelle traduction de ce Roman d’un berger, paru en 1935.

La qualité de ce livre est remarquable : qualité éditoriale, qualité du style de l’auteur comme du récit.

Comme le titre l’indique, le récit a pour cadre un milieu rural, un environnement bucolique. Il se déroule avant la Première Guerre Mondiale dans un petit village. Il se dégage des pages, teintées de christianisme, une fraîcheur, une bienveillance aux touches d’humour, qui n’empêchent pas la profondeur, ni la subtilité du propos, une certaine tristesse, une mélancolie, une élégance aussi. Le sacré, dans ce texte, c’est cette nature, ce qu’elle apprend aux hommes, comme l’acceptation des cycles de la vie, les conséquences des actes, la paix du coeur et savoir regarder. En lisant, j’ai pensé à mes lectures de J.Giono.

Il s’agit donc de l’histoire d’un jeune garçon, son enfance et son adolescence, de ses 6 ans à ses 16 ans, qui, malgré son origine modeste - Michaël, fils d’une veuve - devient le berger du village, responsable de son troupeau, de son unique richesse. Les références bibliques, récurrentes, à David notamment, ne pèsent absolument pas sur ce récit, au contraire, elles apportent, tout en finesse et humour, cette dimension humaine, ce regard indulgent sur les prétentions humaines - en jouant des paraboles : qu’est-ce vraiment qu’une couronne de roi ? ...»; et un regard sur la possibilité du choix, d’une liberté, d’une harmonie.

Sur une prose fluide, perspicace, la simplicité apparente de ce récit en fait toute la force, avec un dernier chapitre, en miroir du premier, qui m’a cueillie là où je m’y attendais pas. Roman vibrant, à travers dix années de la vie de Michaël durant laquelle il accomplit son destin de berger - d’une vie au cours paisible et régulier - aucun duel intérieur - , cette vie solitaire pourtant large au-dessus du monde mesquin, l’auteur nous raconte cette communauté, un environnement social et historique, puis une guerre qui arrive.

L’auteur se garde d’un récit contemplatif, il est rythmé, comme en épisodes, comme il se garde d’opposer vie rurale et vie citadine. Cet aspect peut paraître développé, ce n’est qu’apparence. Ce que l'auteur oppose, c’est le bien commun à l’esprit de conquête, une modestie. Et une confiance, une assurance. Juste est le mot qui s’impose à moi après lecture.

Par ce roman, c’est à l’idéologie nazie que Ernst Wiechert s’oppose, en prônant - simplement, comme une évidence - le respect du vivant, en affirmant son mépris du guerrier et du vainqueur, en décrivant, par une scène qui se mêle pas d’épique, la barbarie de la guerre. Il nous parle de nature humaine autant que de nature.

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« Et lorsque, de l’ombre du bois marécageux qui déjà les séparait, les accents de la corne de Michaël s’élevaient encore une fois, submergeant comme une lueur sonore toute la plaine que l’automne obscurcissait déjà, le vieil homme qui regagnait son logis s’arrêtait, une fois de plus. Appuyé sur son bâton, il prêtait l’oreille, envahi d’une mélancolie profonde, en songeant au couchant de sa propre vie qui n’avait connu que de maigres moissons ou à sa tardive amitié pour le calme adolescent qui s’enfonçait là-bas dans les bois et dont il était impossible de deviner le destin et l’avenir.»

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Un roman d’une grande beauté.

Cette édition est préfacée par l’auteur Franck Bouysse. S’il contextualise bien le roman, mieux vaut la lire ensuite puisqu’il interprète les épisodes majeurs.

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- Participation aux Feuilles allemandes -

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Commentaires

  • Ingannmic

    1 Ingannmic Le 04/11/2022

    Quelle incroyable coïncidence, que vous publiiez avec Patrice un billet sur ce roman le même jour ! Et vous donnez tous les deux envie...
    marilire

    marilire Le 06/11/2022

    J'adore cette coïncidence ! Deux avis positifs :)
  • Kathel

    2 Kathel Le 04/11/2022

    Ton billet et celui de Patrice sont convaincants. Lire ce roman me permettrait de découvrir la maison d'éditions, je n'en ai jamais rien lu. Sont-ils spécialisés en littérature allemande ?
    marilire

    marilire Le 06/11/2022

    Les éditions du Typhon ne sont pas spécialisées en littérature germanophone. Leur catalogue est très intéressant, elles développent une politique éditoriale forte.
  • Dominique

    3 Dominique Le 04/11/2022

    je te dirais comme à Patrice que je suis heureuse de trouver ton billet
    j'ai lu deux romans de l'auteur : Les enfants Jeromine et Missa sine nomine et les deux lectures furent un bonheur
    alors merci à tous les deux de m'alerter sur cette parution que je n'avais pas repéré du tout
    chic une belle lecture à faire
    marilire

    marilire Le 06/11/2022

    Je suis certaine que ce roman aura une belle place dans ta bibliothèque. J'espère lire maintenant Les enfants Jéromine.
  • Aifelle

    4 Aifelle Le 05/11/2022

    Je n'ai pas encore abordé cet auteur mais tu me donnes très envie de le faire. Mais quand ?
    marilire

    marilire Le 06/11/2022

    La terrible question ! Et le roman Les enfants Jéromine que j'espère découvrir passe les mille pages...
  • Patrice

    5 Patrice Le 05/11/2022

    Oui, c'est une sacrée coïncidence que nous publiions tous les deux le même jour. Tu livres de ce roman une très belle chronique qui traduit complétement la richesse du livre malgré le peu de pages qu'il contient. Je suis sûr que cela va donner envie de lire ce livre !
    marilire

    marilire Le 06/11/2022

    Je crois que nous avons été convaincants :)
  • Krol

    6 Krol Le 05/11/2022

    Bravo pour cette chronique qui évoque ce livre avec une grande justesse. C'est un texte d'une grande justesse qui mérite amplement qu'on s'y attarde.
    marilire

    marilire Le 06/11/2022

    Un lire que l'on relit. Et quelle plume.
  • doudoumatous

    7 doudoumatous Le 05/11/2022

    Je ne connais pas cet auteur. Merci donc pour cette découverte. "Les feuilles allemandes" commencent bien.
    marilire

    marilire Le 06/11/2022

    Ce rendez-vous des Feuilles allemandes nous permet toujours des découvertes, il est passionnant.
  • Livr'escapades

    8 Livr'escapades Le 05/11/2022

    Quelle belle chronique pour un livre que Patrice et toi donnez très envie de lire!
    marilire

    marilire Le 06/11/2022

    Merci. Ce fut vraiment un bonheur de lecture.
  • Lilly

    9 Lilly Le 06/11/2022

    C'est amusant, j'ai repéré cet auteur en fouinant sur le catalogue de l'éditeur il y a quelques temps et là vous publiez deux billets dessus. Il va falloir craquer !
    marilire

    marilire Le 06/11/2022

    Ravie que tu craques ( en attendant ton retour de lecture que j'espère aussi enthousiaste que le nôtre ).
  • A_girl_from_earth

    10 A_girl_from_earth Le 06/11/2022

    Superbe couverture ! Je m'étonnais de cette trouvaille insolite qui dénote un peu dans les lecture habituelles bloguesques, mais je viens de me souvenir que c'était le mois allemand.^^ L'auteur a l'air d'être un personnage intéressant, de ceux qu'on aurait aimé connaître. Je le découvre ici.
    marilire

    marilire Le 06/11/2022

    J'aime aussi beaucoup cette couverture, dans l'esprit de la lecture. Ce livre est beau, de fond comme de forme. Je crains que ce titre ne soit pas si insolite sur mes pages ;-)
  • Brize

    11 Brize Le 06/11/2022

    Je connais l’auteur de nom, bien sûr, mais ne l’ai jamais lu. Je note ce roman !
    marilire

    marilire Le 08/11/2022

    Je crois que ce roman est parfait pour découvrir la plume et l'esprit, avant la lecture au long Les enfants Jéromine
  • Michel Quedeverbes

    12 Michel Quedeverbes Le 06/11/2022

    Je n'avais jamais entendu parler de cet auteur :-( . Comme je n'achète (normalement) plus de livre, j'ai regardé le catalogue de ma bibliothèque, mais ils n'ont pas le Roman d'un berger. Ils n'ont que Les enfants Jéromine, et c'est un peu épais par rapport à mes disponibilités actuelles. Noté pour plus tard ;-) .
    marilire

    marilire Le 08/11/2022

    Cette publication est récente, certainement encore confidentielle.
  • Passage à l'Est!

    13 Passage à l'Est! Le 07/11/2022

    Je crois bien que c'est chez Dominique que j'ai appris l'existence d'Ernst Wiechert avec son billet enthousiaste sur Les enfants Jéromime, noté et toujours pas lu. Voilà qu'il va falloir que je lui rajoute ce Roman d'un berger, d'autant que la citation que tu donnes me plait.
    C'est un peu dommage que les éditeurs mettent le nom de l'auteur de la préface sur la couverture, mais pas celui de la traductrice, surtout si - comme tu le soulignes - le reste du livre est soigné au niveau éditorial.
    marilire

    marilire Le 08/11/2022

    C'est juste, d'autant que placer le nom du traducteur en première de couverture se généralise. Ici, il apparaît en quatrième de couverture. Le nom du préfacier est en évidence car il est vendeur, voilà tout. Cet auteur a eu son succès il y a peu ( sinon, un préfacier universitaire n'est que très rarement en couverture ).
  • nathalie

    14 nathalie Le 08/11/2022

    C'est un éditeur marseillais ce qui explique la beauté de l'objet (oui pardon) mais j'ajoute ce titre à la liste de tous les autres, l'auteur a l'air vraiment bien.
    marilire

    marilire Le 08/11/2022

    J'ai lu ça dans la présentation de l'éditeur, je n'ai pas pensé à le préciser :)
  • Cléanthe

    15 Cléanthe Le 10/11/2022

    J'avais commencé Les enfants Jeromine, pour voir, et m'étais promis de consacrer un temps où je serais au calme pour lire ce qui m'avait semblé être en effet un très beau roman. Je note donc ce titre aussi. Ton billet fait bien envie.
    marilire

    marilire Le 10/11/2022

    Je pense tenter Les enfants Jéromine l'été prochain. Une lecture commune pourrait peut-être nous motiver.
  • keisha

    16 keisha Le 14/11/2022

    Les enfants Jeromine, c'est gros (mais à la bibli),d ommage pour ce berger
    marilire

    marilire Le 15/11/2022

    Petite maison d'édition, moins diffusée... " Les enfants Jéromine ", c'est le pavé de l'été ^^

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