Une suite d'événements - Mikhaïl Chevelev

- Gallimard - Du monde entier - Janvier 2021 -

- Traduit du russe par Christine Zytounian-Beloüs -

C'est avec une grande surprise que Pavel Volodine, journaliste moscovite, apprend un soir qu'il est attendu sur les lieux d'une prise d'otages, où on le réclame comme médiateur. Un homme retient plus d'une centaine de fidèles dans une église, et ne veut négocier qu'avec lui. Pavel reconnaît alors Vadim, qu'il avait fait libérer lors d'une mission bien des années auparavant. Engagé malgré lui dans une périlleuse course contre la montre et un improbable dialogue, il tente de comprendre ce qui a pu le conduire à faire le choix du terrorisme.

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La quatrième de couverture nous dit les quelques pages d'ouverture de ce roman sur la Russie contemporaine mené tambour battant. La plume est véloce autant que féroce sur cette rétrospective des trentes dernières années.

Pavel raconte, Vadim aussi, deux vies, deux trajectoires qui se sont croisées dans un contexte de guerre, se retrouve dans ce même contexte pour une autre guerre. C'est la Tchétchénie, puis l'Ukraine - " As-tu entendu parler d'Holodomor, la grande famine ? Et sais-tu quel pays c'était avant ? Non avant ça, avant la guerre... abruti, pas la guerre de Tchétchénie, l'autre, la Grande Guerre... " [...] " Il découvre que c'est pire que la Tchétchénie. Tout est pareil, mais en pire. "

Sur cette narration enlevée, sarcastique, et pourtant on ne peut plus réaliste, ce qui en fait la dérision, les faits s'alignent à hauteur d'homme.

Ce roman porte parfaitement son titre, de fond comme de forme. Les chapitres racontent depuis 1991 le parcours de l'un et de l'autre ainsi que leur rencontre, lors du premier cessez-le-feu en Tchétchénie, lorsque Pavel, journaliste, ramène en Russie Vadim, tout jeune soldat russe prisonnier.

" Eltsine a fait un discours quelque part en Europe affirmant que l'ordre constitutionnel était pratiquement rétabli en Tchétchénie, et que maintenant, euh, ben euh, on va tous faire un effort commun, voilà quoi, euh, reprendre la vie de tous les jours... Il n'était pas ivre au moins ? Avec lui, difficile à dire... [...]

Le cessez-le-feu n'a pas duré. Des nerfs ont lâché à Moscou, la télé a entonné le vieux refrain appelant à liquider l'hydre du séparatisme et à conserver l'unité du pays, et en avant la musique : à nouveau les bombardements à la pelle, des colonnes de blindés qui partent à l'assaut des défilées de montagne et qui se font incendier comme il se doit, puis un MI-8 rempli de généraux de police est abattu à l'approche de Khantala, en riposte tous les hommes de plus de dix-huit ans se font rafler dans les villages voisins... Et c'est là que nous débarquons avec notre mission humanitaire  : sauver le soldat Vadim, comme deux imbéciles. "

Avant qu'ils ne se perdent de vue quelques années plus tard. En 2015, Vadim réapparaît, à la télévision, à la tête du groupe terorriste qui demande Pavel comme médiateur. 

En première page du livre, une carte permet de situer les lieux des différents chapitres, chapitres datés : 1996 - 1984 - les années 80-90 - 1995 - 1991 - 2000-2004. Ce roman, ce sont les doubles souvenirs, de Pavel en Russie depuis l'effondrement de l'URSS, de Vadim, balloté par la politique russe, par son impossible réinsertion dans une société impitoyable et corrompue. A chaque rencontre dans l'église assiégée, Vadim raconte les quinze années, puis Pavel se souvient des siennes, son expérience de journaliste, le KGB, la crise économique, le libéralisme, le pouvoir des médias, celui particulièrement de la télévision. Ce sont autant de thèmes que brasse ce roman, avec celui de la responsabilité collective, de la responsabilité individuelle, ainsi que celui de la violence qui n'engendre que de la violence.

Chapitres après chapitres, nous retournons dans l'église, d'heures en heures au cours de cette nuit de prise d'otages qui est un épilogue pour tous deux, le moment décisif du choix et de ses conséquences.

" Mais que proposes-tu ? Ne pas y aller et refuser de l'écouter ? Attendre que ça devienne un nouveau Beslan ? Tu ne sais pas à quel genre de types tu as affaire ? Ils vont zigouiller tout le monde pour démontrer qu'ils ne plaisantent pas, et les enfants aussi...

- C'est la guerre, Pavel ! La guerre ! Et il y a des gens qui meurent à la guerre. Malheureusement. 

- Et qui fait la guerre à qui, j'aimerais bien le savoir ? Mais bon, si tu ne veux pas y aller, n'y vas pas. J'irai seul.

- Tu es con, ou quoi ? Quoi que tu fasses, ils ne les laisseront pas sortir. On n'est plus au temps de Tchernomyrdine avec Bassaïev... Quand il lui demandait de parler plus fort... On peut considérer que ces types sont déjà morts.

- Et les otages ? 

- Quoi, les otages ? Ils en sauveront autant qu'ils pourront.

Je me demande qui est la plus grosse ordure du coin. Mais je m'abstiens de le dire à voix haute. "

Ce roman, tenant à la fois de la chronique et du reportage, est prenant et puissant, par son propos, par son style. perturbant, pathétique malgré l'ironie, brutal, terriblement lucide.

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Mikhaïl Chevelev, journaliste d'opposition, signe son premier roman avec Une suite d'événements. La romancière Ludmila Oulitskaïa en signe la postface. 

" ... un récit profond sur le parcours d'un homme, sur la recherche de réponses aux grandes questions de l'existence, sur la responsabilité de chacun pour ce qui se passe autour de lui, sur la dignité de soi, la cruauté et la miséricorde. [...] Le héros de ce roman est prisonnier de l'une des idées les plus séduisantes qui existent, l'idée de justice. "

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- Participation au Mois de l'Europe de l'Est -

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