Ciné Décembre17 #1

Le mois de décembre étant faste en envies cinéma, je préfère publier un premier billet à mi-parcours pour ne pas vous imposer un article à rallonge début janvier.

Alors, un documentaire, un film français historique, un film américain aussi déjanté qu'engagé.

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Vienne

- Documentaire de Robert Bober -

- Sortie le 29/11/2017 -

Le documentariste Robert Bober ravive la mémoire de son arrière-grand-père parti de Pologne pour s'installer dans une Vienne moderne et cosmopolite, celle de Stefan Zweig, Joseph Roth, Arthur Schnitzler, à la veille de la montée en puissance du national-socialisme qui mettra fin à cette capitale culturelle.

Ce que je retiens de ce film, c'est sa délicatesse. Robert Bober tente de se réapproprier une histoire familiale en allant à Vienne à l'âge d'être grand-père; une histoire juive qu'il aurait souhaité transmise par cet arrière grand-père. En suivant ses pas, quelques informations et son imagination, c'est Vienne de la Mittel Europa qu'il visite. Alternant scènes contemporaines et images d'archives, il raconte, narrateur discret, errant, guetté par les biches qui s'y sont installées, dans l'ancien cimetière abandonné où il espère trouver la tombe de son aïeul. C'est sa voix, puis aussi des mots yiddish sur la mémoire des lieux. Ce sont les lectures de Stefan Zweig, de Joseph Roth, leurs mots, sur les ténèbres à venir, et la Nuit de Cristal en 1938. Ce sont les mots de Kafka aussi, les cafés viennois, la mémoire autrichienne.  

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- Wolf Leib Fränkel, ferblantier, pieux arrière grand-père du cinéaste -

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- Stefan Zweig et Joseph Roth -

Intime et pourtant pudique, il y a de la douceur dans ce film et, parmi les ombres, la lumière des chandeliers.

- Le billet d'Aifelle -

Pendant ce film, ce n'est pas aux Lettres d'Amérique de S.Zweig, dont je suis pourtant une lectrice admirative, mais à Joseph Roth que j'ai pensé, à mes lecture, notamment au recueil de chroniques et articles Une heure avant la fin du monde dénonçant le nazisme et sa barbarie avant même la prise de pouvoir d'Hitler.

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Gardiennes

- Film français de Xavier Beauvois -

- Sortie le 06/12/2017 -

1915. A la ferme du Paridier, les femmes ont pris la relève des hommes partis au front. Travaillant sans relâche, leur vie est rythmée entre le dur labeur et le retour des hommes en permission. Hortense, la doyenne, engage une jeune fille de l'assistance publique pour les seconder. Francine croit avoir enfin trouvé une famille...

Voici un beau film servi par un beau trio d'actrices, un film lent qui nous emmène jusqu'en 1920. S'il est lent, c'est parce qu'il suit les saisons, parce que lorsqu'on vit de la terre, il faut bien y travailler en toutes saisons, parce qu'il faut bien, malgré la guerre, assurer le quotidien, assumer la famille ici, les soldats là-bas. Et si l'on suit trois générations de femmes - la mère, la fille, une jeune fille - , ce film n'est pas tant féministe. Bien-sûr, il met en évidence les responsabilités et les charges que les femmes ont portées durant le conflit alors que les hommes étaient au combat. Elles ont tenu les fermes, elles ont tenu pour tous ces travaux de force. La caméra s'attarde sur tout ce travail répétitif et épuisant. Le titre l'indique, les gardiennes. Ces femmes, mère-fille, ne travaillent pas à une libération féminine, elle préserve leur monde, cette société rurale avec ces castes. Elles attendent le retour des hommes entre labeur et peur. Ce sera la jeune fille, orpheline, employée de ferme déconsidérée, qui, sans attaches, pourra aller vers une vie nouvelle, une vie libre et choisie, après la guerre.

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Des scènes justes, signifiantes, qui se passent de mots, comme les moissons quand sur l'écran défile des visages, seulement des femmes, leur bébé, les plus âgé(e)s, des adolescent(e)s; comme cette scène de deuil, ce vieil homme seul qui se refuse à la cérémonie religieuse d'un soldat, qui ne sait que faire de son chagrin entre ses mains inutiles qui tremblent, qu'il frotte. Des scènes fortes, violentes, bouleversantes. J'ai été marquée par le rôle des maires de ces villages, constamment en habits de deuil, triturant leur chapeau noir les larmes aux yeux parce que, représentant de l'Etat, c'est à eux que revient le devoir d'informer les familles des morts aux combats, ces hommes qu'ils ont certainement connus gamins. Cette scène là, avec ce maire qui entre dans la petite maison d'une femme devenue charbonnier pendant l'absence de son mari. Elle a les mains dans la pâte pour le pain, pour le dîner de la petite, lorsqu'il vient lui dire, juste ces trois mots " c'est ton mari ", et puis il essaie de lui prendre la main, de l'essuyer doucement. 

Il y a peu de musiques dans ce film, il y a les silences, les bruits des travaux et les chants de la jeune fille. 

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Subur

- Film américain de George Clooney -

- Sortie le 06/12/2017 -

Suburbicon est une paisible petite ville résidentielle aux maisons abordables et aux pelouses impeccablement entretenues, l’endroit parfait pour une vie de famille. Durant l’été 1959, tous les résidents semblent vivre leur rêve américain dans cette parcelle de paradis. Pourtant, sous cette apparente tranquillité, entre les murs de ces pavillons, se cache une réalité tout autre faite de mensonge, de trahison, de duperie et de violence... Bienvenue à Suburbicon.

Celui-ci je n'y croyais pas trop, c'était par curiosité et j'ai adoré ! Ce n'est ni un policier ni une comédie comme annoncé - et pourtant on rit, que s'en est terrible, et il s'agit bien d'une histoire de meutres . Il s'agit d'un pamphlet, d'une satire noire. Parodique dans l'excès, ce film de Clooney dénonce les violences de cette société américaine bien pensante - bien blanche : violence sociale, raciste, familiale. Excellemment filmé et interprété par des acteurs qui savent jouer de la caricature de leurs rôles, le scénario nous balade entre délirant et monstrueux, parfaitement maîtrisé. 

Il y a la violence extérieure à Suburbicon quand, dans ce ghetto blanc américan way of life ( que l'on retrouve dans le titre : icône de banlieue / banlieue iconique ), une famille afro-américaine s'installe. Les malversations et intimidations de cette communauté envers leurs nouveaux voisins scanderont tout le film. Les propos, entre femmes, devant les journalistes, donnent la chair de poule. Il y a la violence intérieure de la petite famille modèle blanchette - papa, maman, fiston, tantine - dans laquelle le meurtre de la mère est organisé parce que papa veut toucher l'argent de l'assurance vie pour coucher tranquille avec tantine aux Caraïbes après avoir envoyé fiston parfaire son éducation dans une académie militaire. ( je ne dévoile rien, c'est compréhensible dès le début ). Evidemment, ça se complique pour le charmant couple. Il y a de l'hémoglobine, du rire donc par des situations incongrues dont la mise en scène/ en image sont absolument burlesques, il y a le kitch publicitaire des années 50-60. Il y a également des clins d'oeil ( ou hommages ) aux classiques du cinéma comme les films d'Hitchcock.

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Et il reste cette enfance qui subit toute cette bétise adulte, tout ce jeu d'apparences policées de ces bêtes et méchants.

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Commentaires

  • Aifelle

    1 Aifelle Le 15/12/2017

    Tu sais déjà ce que j'ai pensé de "Vienne avant la nuit". J'ai l'intention d'aller voir "les gardiennes". Par contre le troisième, je ne pense pas qu'il soit pour moi.
  • dasola

    2 dasola Le 15/12/2017

    Bonsoir, malgré ma promesse à Aifelle, je n'ai pas encore vu Vienne avant la Nuit et je le regrette. Les deux autres ne me tentent pas. Bonne soirée.
  • Niki

    3 Niki Le 15/12/2017

    Les deux premiers m'intéressent par contre je passe pour Suburbicon. Très intéressant billet
  • Marilyne

    4 Marilyne Le 15/12/2017

    @ Aifelle : j'attends donc maintenant ta lecture du livre de Robert Bober Et ton avis sur Les gardiennes :)

    @ Dasola : ah, ne le manque pas, ce serait dommage et ce n'est pas le type de film qui reste longtemps en salle. Merci de ton commentaire. Bon week-end à toi.

    @ Niki : Merci ! comment ça tu passes Suburbicon, l'humour noir, ça ne te fait pas peur ;-)
  • Mina

    5 Mina Le 17/12/2017

    J'ai vu Les gardiennes hier et beaucoup aimé. La lenteur seyait bien à ces saisons qui passent, je ne l'ai pas ressentie comme telle en tout cas. Et, comme tu le disais, il y a de très belles scènes qui se suffisent à elles-mêmes, des regards très signifiants.
  • Marilyne

    6 Marilyne Le 18/12/2017

    @ Mina : j'ai été un peu surprise au début par le rythme et le silence, et puis je l'ai pris ce rythme, avec les personnages. A mon tour maintenant d'aller voir " Le crime de l'Orient-Express " :-)

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