Une heure avant la fin du monde - Joseph Roth

Fin du monde

- Editions Liana Levi - Collection Piccolo -

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- Textes traduits de l'allemand et annotés par Nicole Casanova -

" Depuis qu'il y a des écrivains, ils n'ont pas d'autres tâches que celle de façonner leurs oeuvres. Tant qu'il y aura des écrivains, ils n'auront pas d'autres missions. Mais votre question sur le devoir de l'écrivain en notre temps entraîne une autre interrogation : est-ce que l'écrivain doit prendre position envers la cruauté, envers la bassesse, envers l'inhumanité du monde d'aujourd'hui ? A cela, il faut répondre : que l'écrivain a tout aussi peu qu'un autre le droit de ne pas prendre position envers l'inhumanité du monde d'aujourd'hui. Que l'écrivain n'a jamais - et aujourd'hui non plus - le droit de s'abriter derrière sa vocation et son prétendu devoir de se consacrer aux choses intemporelles. Talent et génie ne dispensent aucunement de ce devoir qui va de soi ... "

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Ce livre est un recueil présentant des articles de l'écrivain autrichien Joseph Roth ( 1894 - 1939 ). Après avoir chroniqué deux de ses romans ( La crypte des Capucins ICI avec une biographie succinte -  La rébellion ICI ), je ne pouvais pas ne pas proposer ses écrits journalistiques, sa vocation de journaliste. Dans ce recueil, dès 1924 pour le premier texte, jusqu'à 1938 ( de son exil parisien à partir de 1933 ), Joseph Roth ne cessa de prévenir et prévoir la barbarie dans laquelle l'Europe allait sombrer si les idéologies nationalistes et fascistes se développaient, gouvernaient, tel un prophète infaillible devant la montée et les conséquences du nazisme, comme l'écrit Nicole Casanova en préface. Et comme le souligne la traductrice-commentatrice, ce recueil nous propose une double lecture, celle à vif des évènements et manifestations de l'époque contemporains à l'écriture (re)liée à notre connaissance de la suite de l'histoire européenne du XXème siècle, " et la justesse prémonitoire de ces vues, l'espèce de fil continu qu'elles lancent dans le temps nous donnent l'impression d'une actualité dont nous pouvons tirer un enseignement immédiat " ...

Des notes de Nicole Casanova précisent le contexte événementiel ainsi que les références historiques et culturelles des articles.

La plume de ces chroniques est vive, lucide et inquiète parfois jusqu'à la violence. Bien plus que l'ironie, Joseph Roth la trempe dans le noir de la satire. Il dénonce les mensonges et les réécritures de la propagande nazie , il espère encore en les cultures germanophone et européenne qui doivent vaincre leur ennemi, il est de cette génération de la Mittel-Europa rayonnante, de ce monde qui deviendra celui d'hier, comme l'écrira Stefan Zweig, le compatriote. Mais l'Anschluss aura lieu. Et " l'Anschluss le désespéra. Telle était sa foi en la culture, cependant, qu'il ne renonça jamais à dresser, devant Hitler, Mozart et Beethoven, il ne les imagina jamais définitivement vaincus.", sa foi en le génie allemand - " Il ne peut y avoir aucune entente [...] entre l'Allemagne et le IIIème Reich ". Une désespérance engagée, des pamphlets véhéments, virulents, qui n'épargnent personne, les Juifs - sionistes ou patriotes - comme les " nouveaux Allemands ", les nations européennes silencieuses.

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" Néanmoins, la culture européenne est de loin beaucoup plus ancienne que les nations d'Europe. La Grèce, Rome et Israël, le christianisme et la Renaissance, la Révolution française et le XVIIIème siècle allemand, la musique autrichienne supranationale et la poésie slave : voilà les forces qui ont sculpté la face de l'Europe. Toute ces forces ont engendré la solidarité européenne, la conscience culturelle européenne. Aucune de ces forces n'a connu de frontières nationales. Toutes, elles sont les ennemis naturels de la puissance barbare : du soi-disant " orgueil national ". "

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Commentaires

  • Liliba

    1 Liliba Le 29/05/2014

    Je note, mais il faudrait que je me le trouve en allemand...
  • Marilyne

    2 Marilyne Le 30/05/2014

    Celui-ci en VO, non. En revanche, les articles de Joseph Roth, bien-sûr, il a été un grand journaliste, très actif ( rien qu'en traduction en français, nous pouvons en trouver plusieurs volumes ), ce recueil est un florilège thématique.
  • Aifelle

    3 Aifelle Le 31/05/2014

    Ce serait intéressant que je lise juste après "après minuit" d'Irmgard Keun, j'aurais un regard croisé sur la même époque (et de deux amants ..)
  • Marilyne

    4 Marilyne Le 01/06/2014

    J'ai découvert ce livre de Irmgard Keun avec toi. Et dans ma bibiliothèque m'attend encore " Sur les falaises de marbre " de Ernst Junger. Très envie de lire Klaus Mann aussi.

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