En Novembre, trois films, des voyages qui donnent des frissons.
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- Film français de Gaël Morel -
- Sortie le 08/11/2017
Edith, 45 ans, ouvrière dans une usine textile, voit sa vie bouleversée par un plan social. Loin de son fils et sans attache, plutôt que le chômage, elle est la seule à choisir de rejoindre son usine délocalisée au Maroc…
Je ne suis pas particulièrement fan de Sandrine Bonnaire, c'est le sujet qui m'a intéressée. Ce qui ne m'a pas empêché d'apprécier les prestations des deux actrices principales, Sandrine Bonnaire et Mouna Fattou, le ton très juste de leurs jeux, leurs personnalités qui s'affirment au fil de leurs échanges, de l'amitié naissante. C'est leur façon de vivre une certaine liberté féminine et finalement, c'est cette femme marocaine, la battante, la plus libre.

Ce film m'a beaucoup touchée, certainement pour des raisons personnelles, une certaine proximité. J'y ai aimé la sobriété, la modestie aussi et la pudeur, sans être assomée de clichés. J'ai aimé ce réalisme sans noirceur appuyée ni lyrisme - auquel le visage marqué par les années, le profil dur, les cheveux tombant ou le sourire spontanée et lumineux de Sandrine Bonnaire donnent toute la dimension - , une chronique, une tranche de vie. La vie de cette femme a un moment charnière sans qu'elle le choisisse, ce changement géographique et professionnel qui la bouscule, qui la met face, comme une évidence sans bruit, au vide de sa vie en France, son grand fils parti à Paris pour une autre vie, loin de la sienne, loin de son milieu, cette maison trop grande même pour y garder les souvenirs.
Ce film est à la fois intimiste - un film de femmes seules, de mères - tout en émotions retenues, et un film social, nous racontant le milieu ouvrier des deux côtés de la Méditérannée, le milieu ouvrier féminin, des ateliers textile à la cueillette. La fin est jolie, gentiment happy end, ouverte, ouverte sur un horizon comme s'est ouvert celui d'Edith.
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- Film allemand, français, géorgien de George Ovashvili -
- Sortie le 15/11/2017 -
Le Président déchu, qui incarnait autrefois l’espoir d’une nation nouvelle, tente de reconquérir le pouvoir. Escorté par une poignées de fidèles, il traverse clandestinement les paysages majestueux de la Géorgie, tour à tour accueillants et inquiétants.
J'ai bien conscience que, souvent, les films que je choisis ne rameutent pas les foules, que nous sommes à peine une dizaine à assister à la projection, que ces films ne sont pas considérés " grand public " et qu'ils ne restent que peu de temps en salle ( pour l'anecdote, cela fait deux semaines que j'essaie de voir un film intitulé Ice Mother, il est proposé dans moins de cinq cinémas en France... ). Pour Khibula, je suis allée à une séance en semaine, en fin d'après -midi, et j'ai eu droit à une projection privée, seule dans la salle.
J'avais choisi ce film pour son sujet et pour son réalisateur. De lui, j'avais vu le beau et émouvant La terre éphémère. Je n'ai pas été déçue par Khibula. J'y ai retrouvé toute l'esthétique, la force de l'évocation sans palabres, les scènes si signifiantes. J'y ai retrouvé l'attention aux paysages géorgiens, aux gestes, aux regards, avec en plus, dans ce film, des chants.

J'y ai découvert l'histoire de ce premier président élu démocratiquement, renversé par un coup d'état, sans pour autant que son nom soit prononcé. Il est le Président d'un film qui n'est pas une biographie. Rien n'est réellement contextualisé, seulement un texte en voix off en épilogue, avec une bouleversante poésie de cet homme. Le film, c'est son périple, quelques jours, ses derniers jours, à travers le pays, accompagné des fidèles, flanqué de son premier ministre, en quête d'informations sur les partisans en déroute.

Le président ne veut pas quitter le pays comme on l'incite à la faire pour sa sécurité, et par défaitisme. Il s'accuse de trahison. Les fermiers qui l'accueillent sont majoritairement heureux et fiers de le recevoir, fatalistes aussi. Et le président va jusqu'à Khibula un 31 décembre, le village où s'arrête le film, le village où il a été retrouvé mort, suicide ou assassinat, il n'y a pas de réponse. Malgré l'aspect politique et " militaire ", ce film profondément humain est un chant mélancolique.
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- Film norvégien, français, danois, suédois de Joachim Trier -
- Sortie le 22/11/2017 -
Thelma, une jeune et timide étudiante, vient de quitter la maison de ses très dévots parents, située sur la côte ouest de Norvège, pour aller étudier dans une université d'Oslo. Là, elle se sent irrésistiblement et secrètement attirée par la très belle Anja. Tout semble se passer plutôt bien mais elle fait un jour à la bibliothèque une crise d'épilepsie d'une violence inouïe. Peu à peu, Thelma se sent submergée par l'intensité de ses sentiments pour Anja, qu'elle n'ose avouer - pas même à elle-même, et devient la proie de crises de plus en plus fréquentes et paroxystiques. Il devient bientôt évident que ces attaques sont en réalité le symptôme de facultés surnaturelles et dangereuses. Thelma se retrouve alors confrontée à son passé, lourd des tragiques implications de ses pouvoirs...
Ce film est donc un film fantastique, sans toutefois tomber dans les excès du genre, il ne joue pas dans la catégorie de L'exorciste... Et ce n'est pas non plus un thriller. Les effets y sont limités, pertinents et réussis. L'histoire n'a rien de frénétique, elle vaut par l'angoisse latente - pas seulement celle de Thelma - qui est distillée, par son trouble, sa difficulté à assumer la violence de ses sentiments et son impérieux désir homosexuel; sa difficulté à se libérer de son éducation.
Trouble et glacé, ce sont les mots de ce film qui conviennent également aux parents de Thelma, omniprésents. La première scène, dans le passé, entre la fillette et le père dans la forêt, est magistrale. Elle vous retourne sans prévenir, sans violence effective, sans coups, seulement les attitudes. Pas d'hémoglobine dans ce film. Il y a quelque chose de baroque. Je retiendrais une scène à l'Opéra, sous tension soutenue par la danse des hommes déformant leurs corps, leurs visages, comme des démons. Le sombre et le sensuel sur le blanc d'un lac gelé.
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Commentaires
1 Valérie Le 07/12/2017
Sinon, rien à voir mais je vais déclarer forfait pour le Daoud. Je n'arrive pas à dépasser les premières pages. Question de moment peut-être.
2 Aifelle Le 08/12/2017
3 Marilyne Le 08/12/2017
D'accord pour le Daoud.
@ Aifelle : bon, nous sommes au moins deux à vouloir regarder Ice Mother, je suis très déçue de le manquer ( mais je guette encore, sans franchement d'espoir ). C'est certain que pour les films diffusés dans les salles des cinémas Art et Essais, il ne vaut mieux pas traîner ! Les salles sont petites aussi mais comme nous ne sommes pas nombreux... ( je me motive aussi en me disant qu'au moins ils passent pas trop loin, ça doit être l'avantage d'être dans la ville des Frères Lumière... on y croit ! )
4 maggie Le 09/12/2017
5 MTG Le 10/12/2017
6 Marilyne Le 10/12/2017
@ MTG : je reconnais que ce n'est pas déplaisant une projection privée ;-)
7 dasola Le 15/12/2017
8 Marilyne Le 15/12/2017