Descendances - Adalbert Stifter

Descendances stifter

- Cambourakis - 2018 -

.

- Traduit de l'allemand par Jean-Yves Masson -

Friedrich Roderer, jeune peintre qui a élu domicile près d'un marais sauvage, refuse obstinément de montrer ses toiles et se jure de les brûler tant qu'il ne sera pas parvenu à peindre le marais dans toute sa vérité. Il se lie d'amitié avec un riche philanthrope du voisinage qui met, à faire assécher le marais, la même obstination que le jeune homme à le fixer sur sa toile. Malgré leurs buts opposés, une étrange ressemblance entre eux, physique et morale, éveille l'intérêt du vieil homme pour le jeune Friedrich, dont il ne sait pas encore qu'il porte le même nom que lui... 

.

Les éditions Cambourakis rééditent les oeuvres de l'auteur autrichien Adalbert Stifter ( 1805-1868 ). Adalbert Stifter est considéré comme l'un des représentants remarquables de la période nommée Biedermeier. Cette période allemande de la première moitié du XIXème siècle marque principalement un style des arts décoratifs, s'étant étendu, dans l'esprit, aux arts tels la sculpture, peinture. Elle désigne un esprit bourgeois, conservateur et nationaliste, replié sur la vie privé, comme un retour à une simplicité et une modestie, à la Nature, en réaction à l'effervescence de l'urbanisation.

Ce roman, ou plutôt cette longue nouvelle d'une centaine de pages - l'un des derniers textes de l'auteur - en est une démonstration portée par une plume classique, élégante, limpide. Le ton est vif, parfois ironique, l'approche subtile, colorée de paysages ainsi que d'une touche de romantisme.

Les deux hommes du récit - le jeune peintre et l'industriel philanthrope - dialoguent le soir à la table d'une auberge. L'aîné raconte, à la façon d'une fable, à l'artiste, l'histoire rocambolesque de sa famille, les choix de vie et son bonheur actuel. Ils parlent également de peinture, de passion pour un art. 

L'exigence du jeune peintre , son perfectionnisme, son exaltation - qui nous offre de belles pages de description du paysage - se heurte au renoncement que lui annonce l'industriel. L'artiste refuse de croire qu'il arrêtera un jour de peindre, il s'agit pour lui d'une quête supérieure. Il souhaite atteindre à la fois la beauté intrinsèque du paysage, sa réalité autant que l'impression saisissante de cette beauté.

La lecture de la préface signée Jacques Le Rider m'a confirmé la rapprochement avec Le chef d'oeuvre inconnu de Balzac, cet excès dans l'aspiration dévorante de création.

Cette préface m'a également permis de mieux appréhender les enjeux de ce récit d'inspiration autobiographique : Adalbert Stifter est peintre. Cette connaissance de la pratique de l'art apparaît dans la précision avec laquel il décrit l'activité et la quête de l'artiste, ses mots pour les couleurs, son désir de représentation entre réalisme et impressionnisme qui correspond à l'oeuvre de l'auteur.

Ce récit est un paradoxe et/ou une profession de foi. Adalbert Stifter dénonce l'activité du peintre dans la mesure où cette passion l'entraîne à vivre en retrait de la société, lui rend futile la relation aux autres; dans la mesure où cette vocation l'éloigne du choix d'une vie familiale ( avec ce qu'elle implique de responsabilités ). Pourtant, Adalbert Stifter fut reconnu comme peintre avant qu'il ne donne une forme de supériorité à l'écriture. Ces peintures sont exposées au palais du Belvedère de Vienne. 

L'illustration de couverture ( première et quatrième ) reproduit l'une de ses toiles : Paysage lunaire avec ciel nuageux ( 1850 ) :

.

Adalbert stifter mondlandschaft mit bewoelktem himmel 00051

.

Pour la découverte et le plaisir des yeux, voici d'autres paysages :

.

Adalbert stifter im gosautal

- Im Gosautal - ( 1834 )

.

Die teufelsmauer bei hohenfurth

- Die Teufelsmauer bei Hohenfurth - ( 1845 )

.

Mondaufgang

- Mondaufgang - ( 1855 ) -

.

- Participation aux Feuilles allemandes -

*

Commentaires

  • Dominique

    1 Dominique Le 08/11/2021

    un auteur que j'aime énormément et que j'ai déjà beaucoup lu, mais il y a toujours de nouvelles traductions depuis quelques années, je vais noter celle là
    marilire

    marilire Le 09/11/2021

    Je le découvre seulement, croisé l'année dernière sur une table de librairie. Je ne suis pas étonnée que tu le connaisses déjà ! Pour une prochaine lecture, j'ai noté " l'homme sans postérité ".
  • Anne

    2 Anne Le 08/11/2021

    Merci pour la découverte... Les tableaux sont très différents les uns des autres dans l'ambiance, c'est étonnant.
    marilire

    marilire Le 09/11/2021

    C'est aussi parce que j'ai essayé de choisir des toiles différentes pour montrer son univers pictural.
  • Kathel

    3 Kathel Le 08/11/2021

    Je découvre aussi, et suis plus intéressée par le peintre que par ses écrits, pour le moment du moins... Le musée qui lui est consacré à Vienne doit valoir le détour.
    marilire

    marilire Le 09/11/2021

    A Vienne, le musée ne lui est pas consacré. En revanche, à Linz, sa ville, il y a une maison -musée sur son oeuvre, autant pour l'auteur que le peintre et le pédagogue.
  • A_girl_from_earth

    4 A_girl_from_earth Le 09/11/2021

    Tu me révèles toute mon inculture ! Merci pour cette découverte qui me donne envie de me pencher plus près sur ce peintre et ce livre.
    marilire

    marilire Le 09/11/2021

    Je ne connaissais pas plus que toi il y a quelques mois ! Je relirai Adalbert Stifter, sûrement l'année prochaine à la même saison :)
  • Livr'escapades

    5 Livr'escapades Le 09/11/2021

    Merci pour ce nouveau billet sublimé par les photos des tableaux!
    marilire

    marilire Le 09/11/2021

    Avec plaisir, et comme on dit " jamais deux sans trois " ... à bientôt :)
  • Mina

    6 Mina Le 10/11/2021

    J'apprécie l'auteur et ai très envie de découvrir davantage le peintre (une idée à noter pour un prochain voyage). J'ai apprécié le ton vif et ironique de ce roman-ci, qu'on perçoit dès les premières lignes.
    marilire

    marilire Le 10/11/2021

    Tout cela me motive à poursuivre la lecture. Mais tu as déjà tant lu que ce sera compliqué de prévoir une LC ^^
  • Eva

    7 Eva Le 11/11/2021

    Merci pour cette découverte, Marilyne. Il me donne envie d’en savoir plus sur ce peintre. J’aime particulièrement les deux illustrations de la couverture.
    marilire

    marilire Le 11/11/2021

    Ah, la toile en couverture a ma préférence. Les éditions Cambourakis choisissent un tableau de Stifter en couverture pour chacun de ses romans.
  • Lilly

    8 Lilly Le 11/11/2021

    Je n'avais jamais entendu parler de cet auteur/peintre ! Les tableaux sont magnifiques, j'ai envie de retourner à Vienne pour les voir.
    marilire

    marilire Le 12/11/2021

    Excellent prétexte pour retourner à Vienne !
  • Bono Chamrousse

    9 Bono Chamrousse Le 25/11/2021

    Je ne connaissais pas du tout... Je note ;-) :-*

Ajouter un commentaire