Lettres à Lou - G.Apollinaire

Lettres a lou

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Cet opus propose les lettres envoyées par Guillaume Apollinaire entre le 28 septembre 1914 et le 02 janvier 1915 à celle qu'il surnomme " Mon petit Lou "; 34 lettres extraites de sa correspondance, majoritairement de décembre, avec Louise de Coligny-Châtillon, jeune femme rencontrée en septembre 1914.

Le poète y exprime pour Lou une passion sensuelle; passion éphémère et contrariée, vécue seulement ce mois de décembre, puis Lou s'éloignera. Cette correspondance amoureuse, d'envolées lyriques, de désirs et d'érotisme, débute par la rencontre. Du vous au tu entre Nîmes, la caserne où est affecté le poète, et Nice où vit Lou.

Parsemée des calligrammes en dédicaces du poète sur les exemplaires de ses livres envoyés à la jeune femme à sa demande ainsi que de vers de circonstances, ces lettres racontent l'engagement militaire de Guillaume Apollinaire ( en attente de sa nationalité française ). Début décembre, il est incorporé au 38ème régiment d'artillerie. Ces messages sont alors aussi témoignages de la vie de simple soldat, l'instruction et l'entraînement militaires de cavalerie - " Demain je vais reprendre mon train-train de semaine, tape-cul [formation équestre], astiquage, théorie, manoeuvre à pied, canon. " -, la chambrée et ce que lit ce simple soldat dans la presse quant au déroulement de ce début de guerre. Le ton pour décrire les jours à l'armée est nettement plus prosaïque.

C'est pour une promesse faite à Lou que Guillaume Apollinaire retarde de se porter volontaire pour le front, ce qu'il fera finalement fin mars 1915 après leur rupture. Il rejoint les zones de combats début avril. Sa correspondance avec Lou se poursuivra jusqu'à la fin de l'année 1915 bien qu'elle réponde peu à ses lettres.

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Nîmes le 20 décembre 1914.

[...]

Je crois en effet qu'il faut compter sur un an de guerre mais pas se désespérer. Qu'est-ce que tu veux, c'est notre destinée qui veut que nous vivions dans de telles catastrophes.

Période martienne, celle où nous sommes. Je crois qu'elle sera plus longue encore que tout ce qu'on dit et peut-être ne verrons-nous pas la tranquilité complète avant 1930.

Pour ce qui est de cette guerre actuelle, je crois qu'elle se terminera pour l'hiver prochain. Mais avant comment faire. Les Serbes viennent de battre les Autrichiens, mais les Russes viennent de se faire foutre une tatouille par les mêmes Autrichiens. Et il se poursuit en ce moment une bataille navale dont l'issue est encore inconnue. Finalement ce sera encore la valeur et la force françaises qui décideront de la victoire finale mais au prix de combien de sang !

Voilà mon amour adoré, je te prends toute dans un grand spasme. Je t'embrasse, je baise tes chers petits seins roses et insolents qui semblent des brebis broutant des lys et des violettes et j'embrasse éperdument les douces et infiniment précieuses toisons d'or pâle qui sont celles qu'Argonaute sans vaisseau et devenu équestre je veux conquérir à jamais pour notre bonheur sans fin, ma chérie.

                                                                                                                                                                                       Gui.

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- L'intégralité des Lettres à Lou est publié dans la collection L'imaginaire des éditions Gallimard -

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Extrait du recueil Poèmes à Lou

Adieu

 

L'amour est libre il n'est jamais soumis au sort

O Lou le mien est plus fort encor que la mort

Un coeur le mien te suit dans ton voyage au Nord

 

Lettres Envie aussi des lettres ma chérie

On aime en recevoir dans notre artillerie

Une par jour au moins une je t'en prie

 

Lentement la nuit noire est tombée à présent

On va rentrer après avoir acquis du zan

Une deux trois A toi ma vie A toi mon sang

 

La nuit mon coeur la nuit est très douce et très blonde

O Lou le ciel est pur aujourd'hui comme une onde

Un coeur le mien te suit jusques au bout du monde

 

L'heure est venue Adieu l'heure de ton départ

On va rentrer Il est neuf heure moins le quart

Un deux trois Adieu de Nîmes dans le Gard

 

- 4 février 1915 -

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Guillaume de Kostrowitzky dit Apollinaire est décédé le 9 novembre 1918 à Paris, victime de l'épidémie de grippe espagnole. A l'occasion de ce centenaire, des parutions intéressantes :

- Aux éditions de Paris, un recueil d'articles d'Apollinaire critique d'art célébrant le cubisme. Ce recueil accompagne l'exposition  Cubisme qui s'est ouverte mi octobre au Centre Pompidou.

Apollinairecubisme

- Aux éditions Alexandrine, dans la collection Le Paris des écrivains 

Apollinaire paris

- Pour les amateurs, une belle édition d'Alcools en version originale, c'est un fac-similé aquarellé par le peintre cubiste Louis Marcoussis, aux éditions BNF/Gallimard.

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Commentaires

  • Anne

    1 Anne Le 09/11/2018

    Je suis occupée à lire cepetit Folio (craquage de novembre... mais un petit Folio 2 euros ça ne compte pas, si ?) Je n'aurai sans doute pas le temps d'écrire une bafouille aujourd'hui... je suis surprise et charmée par ces lettres.
  • Marilyne

    2 Marilyne Le 09/11/2018

    @ Anne : je confirme, ces petits folio ne comptent pas :)
    Une autre façon d'approcher l'auteur, et l'époque, ces lettres. Je voulais ( enfin ) lire le recueil de B.Cendrars " La main coupée " et finalement, j'ai ( encore ) choisi un autre texte...
  • maggie

    3 maggie Le 10/11/2018

    J'adore tout ce que fait Apollinaire ! Merci pour toutes ces références. Dommage, je ne peux pas voir cette expo sur la peinture cubiste...
  • Bonheur du Jour

    4 Bonheur du Jour Le 10/11/2018

    Important de commémorer aussi Guillaume Apollinaire en ce mois de novembre.
    Bon week end.
  • Marilyne

    5 Marilyne Le 10/11/2018

    @ Maggie : oh, alors sache qu'Apollinaire revient bientôt par ici. Pour l'expo, j'irai sûrement ( en janvier ), j'aurai peut être le courage d'écrire un billet ( je n'apprécie pas tant que ça le cubisme mais je connais peu ).

    @ Bonheur du jour : j'aurai regretter de manquer ce centenaire, il est tellement symbolique de cette " fin d'un monde ". Bon week end à toi.
  • maggie

    6 maggie Le 10/11/2018

    Je dirais la même chose que toi : le cubisme, je n'apprécie pas tant que ça mais c'est surtout parce que je connais mal ce courant artistique. J'ai hâte de voir ton prochain apollinaire ! Les calligrammes ? J'adore :-)
  • Dominique

    7 Dominique Le 10/11/2018

    Apollinaire est incontournable aujourd'hui et puis c'est un tel bonheur
    ce livre est dans ma bibliothèque et n'en sortiras jamais
  • Marilyne

    8 Marilyne Le 10/11/2018

    @ Maggie : ah non, pas l'oeuvre elle-même ( ce sera pour un peu plus tard, très certainement ) mais un excellent roman avec Apollinaire personnage ( pour demain ) ( il y a quand même un calligramme ;)).

    @ Dominique : je replonge avec plaisir dans ses recueils. Ta bibliothèque recèle des trésors.
  • Kathel

    9 Kathel Le 10/11/2018

    Tiens, un petit Folio à deux euros, tout à fait approprié pour ce week-end !
    Chez Apollinaire, je préfère les poèmes, vieux souvenirs de mon année de 1ère, et ai déjà le recueil ici ou là, pas de tentation donc.
  • Marilyne

    10 Marilyne Le 10/11/2018

    @ Kathel : je ne résiste jamais à un petit Folio 2 euros...
    Parfait, je ne mets pas en péril tes résolutions :)
  • Lili

    11 Lili Le 11/11/2018

    Honte à moi, je pensais que la relation avec Lou avait duré jusqu'à la mort du poète... Bref, une pensée pour toi car j'ai décidé d'ajouter un poème d'Apollinaire dans ma séquence sur la Première guerre mondiale avec les 3e ^^
  • Marilyne

    12 Marilyne Le 11/11/2018

    @ Lili : Apollinaire s'est marié en 1918. Avec Jacqueline Kolb ;)
  • Ada

    13 Ada Le 14/11/2018

    Oh, mais cette correspondance n'a duré qu'un mois ?

    Perso, je me suis questionnée sur notre droit à lire ces correspondances privées quand la correspondance entre Albert Camus et Maria Casarès est sortie. Je venais juste de dmander celles avec André Malraux et Louis Guilloux pour Noël, donc ça ne m'avait pas frappé avec eux, mais pour celle avec son amante, ça m'a vraiment paru intrusif... C'est bizarre, hein ? Du coup, je ne pense pas que je la lirai, ça me mettrait mal à l'aise.
  • Marilyne

    14 Marilyne Le 14/11/2018

    @ Ada : tu soulèves une question que je me suis posée et que je pose encore également. Pas vraiment avec les Lettres à Lou, mais ce fut le cas lors de la publication des lettres de Stefan et Lotte Zweig lors de leur exil ( " les lettres d'Amérique " ). J'aime beaucoup S.Zweig comme auteur, je n'étais pas très à l'aise. Et puis, j'ai lu, j'ai été très touchée, et il y avait l'aspect historique. Mais cela reste pour moi une question. Pour Albert Camus et Maria Casarès, j'ai lu de bons retours mais comme toi, je reste trop mal à l'aise.
  • Ada

    15 Ada Le 15/11/2018

    Pareil que toi... Est-ce que quand ça nous paraît plus proche temporellement, ça nous gêne plus que pour les autres ? Bonne question... Mis il y a aussi ce rapport amoureux qui en rajoute une couche.
  • Marilyne

    16 Marilyne Le 16/11/2018

    @ Ada : Ta remarque est juste, c'est aussi une affaire de temporalité, ce qui explique que l'aspect historique puisse prendre le dessus sur nos préventions. Je te rejoins sur le malaise de lire l'intime amoureux ( qui ne m'a pas gêné pour Apollinaire du fait de cet aspect historique et littéraire ). Pour les Lettres de Zweig, ce n'était pas le cas non plus, elles sont plus " politique " et témoignage d'exil.

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