Paris pour école 1905-1940

Chagall modigliani soutine paris pour ecole mahj

.

Cette exposition présentée au Musée d'art et d'histoire du judaïsme ( Mahj ) est visible jusqu'au 31 octobre. Si vous en avez l'occasion, il serait dommage de la manquer. Non pas pour les trois noms des grands artistes cités en sous-titre mais pour la balade historique proposée : le Paris artistique du début du XXème siècle, cosmopolite.

Ce nom - Ecole de Paris - ne désigne pas un mouvement artistique mais plutôt une génération d'artistes ( peintres et sculpteurs ) de tous horizons qui ont rejoint la capitale française avant la Première Guerre Mondiale; des artistes de confession juive, venus de métropoles européennes comme de villages russes fuyant les pogroms et la misère, attirés par la " modernité " de la scène parisienne, sa liberté, pas seulement de création.

Pourtant la France reste xénophobe, classique. Les premières années ne seront pas faciles. Le critique d'art André Warnod ( et dessinateur ) défendit ces artistes en 1925 : " Peut-on considérer comme indésirable l'artiste pour qui Paris est la terre promise, la terre bénie des peintres et des sculpteurs ? ". Il réagissait au fait que ces artistes furent marginalisés lors de l'exposition au Salon des Indépendants parce qu'ils étaient étrangers.

L'exposition est à la fois chronologique et thématique, ne négligeant pas les artistes moins connus du grand public.

Dès la première salle est présentée une carte de l'immigration. De ce désir de Paris naîtra la Bohême dans les cafés de Montparnasse où se croisent artistes, marchands d'art, critiques, intellectuels, notamment germanophones. J'ai eu la joie de retrouver le nom de Wilhelm Uhde, collectionneur, marchand et critique d'art. Il fut l'homme qui découvrit et accompagna Séraphine de Senlis [ Cet homme est incroyable, un jour, j'écrirai sa biographie en exercice d'admiration ]. Arrivé à Paris en 1904, déjà actif, déjà dévoué, il épousa en mariage blanc ( - " un mariage amical " - Wilhelm Uhde était homosexuel ) en 1908 la russe Sonia Elievna Stern afin qu'elle soit naturalisée française, afin qu'elle puisse poursuivre son oeuvre en France ( alors que sa famille la rappelait à St-Péterbourg ). Sa première exposition eut lieu la même année à la galerie Uhde. Nous connaissons Sonia Stern sous le nom de Sonia Delaunay ( elle épousa Robert Delaunay en 1910 ).

Une édition originale de la Prose du Transsibérien de Blaise Cendrars qu'elle illustra ( 1913 ) est exposée; une édition dédicacée au sculpteur Ossip Zadkine.

Prose cendrars 1

.

Ossip Zadkine, d'origine russe ( né à Vitebsk comme Marc Chagall ), - sculpteur, dessinateur, graveur - également artiste de l'Ecole de Paris, installé dans la capitale en 1910. J'apprécie particulièrement l'oeuvre de O.Zadkine, je ne peux que vous recommander la visite de sa maison-atelier parisienne, léguée par son épouse, selon son souhait, à la ville de Paris ( si vous êtes curieux, j'en cause par ICI  puis ICI pour l'exposition Le Rêveur de la forêt ).

C'est la période du Cubisme, avec Georges Braque et Picasso, du Fauvisme ainsi que les débuts de l'abstraction. Il faut citer Otto Freundlich ( avant-gardiste autant qu'antifasciste, un article intéressant et concis ICI ). Apollinaire, Blaise Cendrars, Max Jacob, se croisent, sont des passeurs, des soutiens, pour ces artistes, réunis à la Ruche, une centaine d'ateliers, espace à loyer modique créé en 1902. Elle héberge notamment Zadkine, Chagall, Modigliani, Soutine et ses compatriotes Pinchus Krémègne, Michel Kikoïne. Le yiddish est la langue commune dans ses années de dénuement et d'intense création. Lorsque, en 1914, Modigliani, réformé, revient à la peinture après la sculpture, il devient le portraitiste de cette bohême cosmopolite. 

Avant lui, Marc Chagall signe des portraits d'Apollinaire :

Chagall apollinaire

.

Chagall apollinaire cendrars

- Apollinaire & Cendrars - 1910-1911 -

.

L'exposition dévoile des photographies de La Ruche, des artistes dans leur atelier en regard des peintures réalisées :

.

Kikoine la ruche

- M.Kikoïne - La Ruche sous la neige - 1913 -

.

Chagall l atelier

- M.Chagall - L'atelier - 1911 -

.

En 1914, nombre de ces artistes s'engagent volontaires pour leur pays d'adoption dans l'armée française, suivant l'appel lancé dans la presse par un groupe d'intellectuels étrangers mené par Blaise Cendrars. Des documents sont présentés en vitrine, les cartes militaires, dont celle de Zadkine, ambulancier dans la Légion étrangère. Cet engagement les intègre, il se traduit par leur naturalisation après la guerre ( comme ce fut le cas pour Apollinaire ). Toutefois, les polémiques quant à leur statut d'étrangers se poursuivent, entretenues par le succès que rencontrent ces artistes. Au Salon des Indépendants en 1924, il est privilégié une présentation par nationalité plutôt que par l'ordre alphabétique habituel. C'est de ce choix que naît l'expression Ecole de Paris sous la plume de André Warnod ( cité en début de cet article ).

La dernière salle de l'exposition est un mémorial : L'Ecole de Paris meurt avec l'Occupation. Certains ont repris les armes en 1939. En 1940, quelques-uns parviennent à quitter la France ( Chagall ), d'autres sont assignés à résidence ( Soutine ), nombre d'entre eux sont arrêtés et déportés. C'est l'exil, la clandestinité, la destructions des oeuvres ou la spoliation et la mort. Dans cette salle, sur un mur, est inscrit un poème de Chagall écrit en yiddish en 1950 Pour les artistes martyrs; un poème pour la préface de l'ouvrage de Hersh Fenster Nos artistes martyrs.

.

- Un article sur France Culture ICI -

- Lecture sur C.Soutine ICI -

.

Soutine marchande journaux

- Chaïm Soutine - La marchande de journaux à Montparnasse - vers 1925 -

*

Commentaires

  • Passage à l'Est!

    1 Passage à l'Est! Le 07/10/2021

    Tu nous présentes de belles oeuvres et je regrette de ne pas pouvoir voir moi aussi l'exposition. Mais j'ai suis contente qu'elle t'ait enthousiasmé et je note le nom de Kikoïne dont La ruche sous la neige me plait bien.
    marilire

    marilire Le 07/10/2021

    Ah, je suis ravie, j'aime aussi beaucoup cette toile, j'espérais bien en trouver un visuel ( ce qui ne fut pas le cas pour d'autres que je voulais montrer d'artistes moins célèbres que Chagall, Modigliani et Soutine ).
  • Kathel

    2 Kathel Le 09/10/2021

    Belle exposition ! J'ai vu la Prose du Transsibérien lors d'une autre exposition, quel bel ouvrage, et le texte est magnifique.
    Il semble y avoir beaucoup à voir à Paris en ce moment. (ça fait bien plaisir !)
  • Tania

    3 Tania Le 12/10/2021

    Cette exposition variée est très attirante, je viendrai te relire à l'aise quand j'aurai plus de temps.
  • keisha

    4 keisha Le 15/10/2021

    Je suis allée dans ce musée il y a quelque temps, pareil, pour une expo. Là ça fait court, mais je vois qu'enfin on a des choses à voir!

Ajouter un commentaire